Le Crépuscule des Dieux. Eaux-fortes en couleurs de Richard Ranft.
Paris, Le Livre Contemporain, 1905 (Imprimerie Nationale, Paris)
1 volume grand in-8 (27 x 19 cm) broché de (8)-259-(1) pages. Illustré de 31 eaux-fortes en couleurs hors-texte à pleine page et 34 eaux-fortes tirées dans le texte (vignette de titre, bandeaux, lettrines et culs-de-lampe). Premier plat et deuxième plat de couverture illustrés chacun d'une eau-forte en couleurs (grande eau-forte rectangulaire 20,5 x 13,5 cm pour le premier plat et eau-forte ronde 9,5 cm de diamètre pour le deuxième plat). Parfait état. Volume encore couvert de son papier cristal de l'époque.
Tirage unique à 119 exemplaires seulement.
Celui-ci numéroté à la presse et imprimé au nom de Monsieur J.-H. Hyde.
Ce livre préparé et soigné par Paul Gallimard et Pierre Dauze, orné d'eaux-fortes originales en couleur par Richard Ranft, a été imprimé à l'imprimerie nationale Arthur Christian étant directeur. Les planches ont été tirées par Porcabeuf. Cet ouvrage exécuté pour la Société Le Livre Contemporain a été tiré à cent dix-neuf exemplaires numérotés. Ce livre exécuté à l'Imprimerie nationale en vertu d'une autorisation de M. le Garde des Sceaux, Ministre de la justice, en date du 22 juillet 1904, a été achevé d'imprimer le 30 novembre 1905.
Tous les exemplaires ont été tiré sur papier BFK de Rives filigrané au chiffre de la Société Le Livre Contemporain.
Le Crépuscule des dieux, publié pour la première fois en 1884, met en scène une famille de princes exilés à Paris. Il s'agit d'une sorte de drame mystérieux où la décadence apparaît sur fond de passion ; l'influence de Wagner est évidente dans ces pages brillantes où se mêlent des réflexions sur l'esthétique et sur la métaphysique.
« Ceci n'est en aucune façon une oeuvre ordinaire ; le lecteur ne saurait rester indifférent en présence de ce roman étrange, bizarre, plein de choses incohérentes, de phrases d'un français invraisemblable et de pages d'une superbe envolée romantique. Le fantastique et le réel s'y heurtent d'une manière extraordinaire ; l'esprit en est ébloui, comme par un feu d'artifice multicolore et perpétuel, et suit difficilement la trame de cette action complexe [...] L'auteur s'abandonnent à des emballements fougueux qui sentent bon la jeunesse et la passion littéraire, faisant de ce livre à la forme si torturée un régal pour le critique [...] Rarement nous avons vu peindre l'amour avec une ardeur aussi empoignante et une aussi brûlante conviction [...] » (Le Livre, 10 mai 1884)
« Regardez bien; ce livre est de la race des livres tombés du ciel. […]. Avec lui, un lustre nous descend du ciel. Un lustre de cristaux, de gaz, de bougies. Un lustre devant quoi je reste bouche bée, comme un enfant pauvre devant un arbre de Noël. » (Jean Cocteau)
Elémir Bourges (1852-1925) était originaire de Manosque, en Provence. Venu à Paris après de brillantes études, il se lie d'amitié avec Paul Bourget, François Coppée, Maurice Bouchor et Barbey d'Aurévilly. Critique et journaliste il publie le Crépuscule des Dieux en 1884. Son roman wagnérien est salué par la jeune génération symboliste parmi lesquels Jean Lorrain notamment. Après la mort de sa mère, en 1886, il s'installe à Samois-sur-Seine, où il mène une vie studieuse et retirée. Il se lie à Mallarmé et au peintre Armand Point, qu'il rencontre en 1890 à Samois et qui habitera à partir de 1892 à Bourron-Marlotte. Il participe quelque temps à la Rose-Croix esthétique de Peladan. Son roman Les oiseaux s'envolent et les fleurs tombent, publié en 1893, contient quelques thèmes propres à ce courant.
« Élémir Bourges n’est pas un poète ; pourtant c’est tout près des poètes auteurs de romans qu’il faut classer ce romancier; d’abord son esthétique se réclame de celle de Shakespeare et des dramaturges de la pléiade Élisabéthaine, dans l’art violent desquels il voit l’homme à la stature qu’il lui désire, aussi à cause de l’ingénieux décor où il place l’action de ses romans. Les oiseaux s’envolent et les fleurs tombent, son dernier et son plus beau livre, semble, dans une vision moderne et tragique, une transcription grandiose du vieux récit d’Orient, tel le Conte du dormeur éveillé. On aimerait que la production de M. Bourges fût plus touffue pour avoir l’occasion d’en jouir plus souvent, mais il faut s’incliner devant le sérieux et la haute portée de son effort. » Gustave Kahn, Symbolistes et décadents.
Richard Ranft (1862-1931), est un artiste né près de Genève en Suisse. Peintre paysagiste, dessinateur et un graveur, on lui doit plusieurs très beaux livres illustrés dont ce Crépuscule des Dieux (1905) et un Lucien (Scènes de Courtisanes) publié en 1901. Proche de La Plume, il a fréquenté les ateliers de Gustave Courbet et Auguste Dumont, sculpteur qui lui enseigne la gravure. « Il travailla en dehors de toutes modes qui passèrent. Cela le desservit certainement car il ne figura dans aucun groupe. De plus il était littéraire, même écrivain (...), graveur de premier ordre, et particulièrement expert à la gravure en couleur. » (Gustave Kahn).
Provenance : de la bibliothèque du milliardaire philanthrope et bibliophile américain James Hazen Hyde (1876-1959). Âgé de 23 ans, il hérite de la majorité des parts du premier groupe d'assurance américain, fort de ses 48 filiales : à la tête d'une fortune personnelle évaluée à 500 millions de dollars, et tout en occupant la position de vice-président, il entame une vie mondaine qui le mène souvent en France, pays qu'il apprécie particulièrement. Il est l'une des dernières figures majeures de la période dorée (1870-1914) américaine. Entre 1906 et 1914, bibliophile et francophile averti, il fut l'un des mécènes les plus discrets de la vie intellectuelle française. Hyde est le fondateur de la Fédération des Alliances françaises dont il assura la présidence jusqu'en 1953. Il jeta également les bases de plusieurs bibliothèques de recherche : ainsi, la Bibliothèque des Arts décoratifs comprend le fonds « James Hazen Hyde », soit 5 000 livres constituant la bibliothèque d’un collectionneur des quatre parties du Monde, fonds qui fut offert en 1945. La bibliothèque municipale de Versailles hérita, elle, de plus de 10 000 volumes. Notre volume, imprimé spécialement pour lui, a échappé à ces donations.
Référence : Carteret IV, 78 « intéressante publication » ; Mahé, Bibliographie des livres de luxe, I, 309.
Ce volume est un des précieux vestiges de la bibliophilie fin de siècle encore bien vivante en ces premières années de 1900.
Parfait exemplaire, tel que paru, de cette superbe édition bibliophilique magistralement illustrée par Richard Ranft.
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