samedi 30 novembre 2019

Alfred Naquet. L'Humanité et la Patrie. Paris, P.-V. Stock, 1901. Un des 10 exemplaires sur papier de Hollande. Avec une lettre autographe de l'auteur à propos de cet ouvrage. Rare.


Alfred Naquet.

L'Humanité et la Patrie.

Paris, P.-V. Stock, 1901

1 volume in-18 (20,5 x 14 cm) de LXX-342 pages.

Reliure de l'époque pleine toile rouge, titre imprimé au dos et sur le premier plat en grands caractères tirés en bleu, couvertures imprimées conservées (plats et dos), non rogné, à toutes marges. Reliure très bien conservée, dos passé, quelques ombres et poussières à la toile (bords), intérieur très frais, bords de grandes marges avec rousseurs ou bruni, sans gravité. Le feuillet d'errata a été relié en tête du volume bien qu'il poursuive la pagination (il est aussi imprimé sur Hollande).

Edition originale.

Un des 10 exemplaires tirés à part sur papier de Hollande (celui-ci non numéroté).

Exemplaire enrichi d'une lettre autographe de l'auteur à un confrère écrivain (9 octobre 1901) en rapport avec la publication de l'ouvrage.


L'auteur écrit : "cher monsieur, je viens de recevoir votre livre et je veux d'autant moins tarder à vous remercier, que très-souffrant de vertiges depuis quelques temps, j'éprouve à lire et à écrire une fatigue extrême qui m'oblige à en ajourner un peu la lecture. De mon côté j'ai eu le plaisir de vous adresser un exemplaire de "l'humanité et la patrie" que vous devez avoir reçu ou allez recevoir. Je ne sais si vous partagerez les vues exprimées dans cet ouvrage ; mais vous reconnaîtrez certainement la sincérité de l'auteur qui n'est à la recherche que du vrai et qui, au cas où il se tromperait, ce que j'espère n'être pas le cas, le ferait avec une absolue bonne fois. M. Finot a du recevoir aussi un exemplaire du livre. Si, par vos relations avec lui, vous pouviez obtenir de lui un article de bibliographie, approbatif ou critique, peu importe, je vous en saurais un gré infini. En attendant veuillez recevoir l'expression de ma gratitude pour l'envoi de votre dernière production et l'expression de mes meilleurs sentiments. A. Naquet."


Alfred Naquet (1834-1916) était scientifique de formation, médecin, chimiste, il s'engagea très tôt au sein des milieux révolutionnaires réformateurs. Le jeune chimiste fut condamné, le 29 décembre 1867 à quinze mois de prison et 500 francs d'amende, pour avoir fait partie de la Commune révolutionnaire des ouvriers français, une société secrète ayant pour but de « renverser le gouvernement impérial » et pour avoir fourni à ses membres la recette du fulmicoton, une substance explosive utilisée dans la fabrication des bombes. Il sera privé de droits civiques et condamné à nouveau en 1869. Aux côtés des frères Reclus, Jules Guesde, Benoît Malon, Ferdinand Buisson, Victor Dave, James Guillaume, Alfred Naquet est membre de l'Alliance internationale de la démocratie socialiste fondée en septembre 1868 par Michel Bakounine. Celle-ci affirme vouloir avant tout l'abolition définitive et entière des classes et l'égalisation politique, économique et sociale des individus des deux sexes. L'Alliance reconnaît que tous les États politiques et autoritaires existants devaient disparaître dans l'union universelle des libres fédérations, tant agricoles qu'industrielles. Naquet se réfugie en Espagne. À son retour, il devient député de Vaucluse en 1871 et siège à l’extrême gauche à l'Assemblée nationale. Réélu en 1876, il est en mai 1877 l'un des signataires du manifeste des 363. Il est encore réélu en octobre de cette année, puis en 1881. En 1883, il est nommé sénateur du Vaucluse. Étonnamment, cet israélite mystique, socialiste et surtout républicain devient l’un des principaux animateurs du parti boulangiste. Il est conseiller politique du général Boulanger. Il incite même ce dernier à faire un « coup de force », ce qui le fait exclure du groupe de sénateurs de l'extrême gauche. En 1889, il est élu député boulangiste, représentant de l'aile gauche boulangiste. Invalidé mais réélu en 1890, il réclame en vain la révision de la Constitution et il fuit en Angleterre. De Londres, il supplie en vain Boulanger de se constituer prisonnier, croyant que ce geste pourrait ranimer la flamme boulangiste. Il serait par ailleurs franc-maçon. En mai 1895, il fait un discours dénonçant l'incohérence de l'antisémitisme, défendant par ailleurs « la fusion » des Juifs « dans la grande masse des citoyens français ». Alfred Naquet est poursuivi lors de l'affaire de Panama et acquitté en 1898. Il abandonne alors la vie politique et se consacre à l'écriture d'ouvrages socialistes et de traités de chimie. Il devient la cible des antisémites et des caricaturistes qui le représentent souvent en Quasimodo. Léon Daudet en fait l'une de ses cibles de prédilection lorsqu'il est question de défendre la famille et la patrie, conformément au « nationalisme intégral » prôné par l'Action française. Partisan de l’amour libre, ennemi du mariage, Naquet parvient à faire passer sa loi sur le divorce en France, le 27 juillet 1884. Il s'attire les foudres des milieux catholiques et traditionalistes, qui tirent prétexte de ses origines juives, de son implication dans l'affaire de Panama et de ses liens avec les anarchistes pour l'accuser de conspiration. Les antisémites s'en prennent à lui comme auteur de la loi sur le divorce et le surnommant « l'ange du divorce et le démon du mariage ». Une caricature est publiée dans La Libre Parole le 12 août 1893 avec la légende : « Un qui ne se présente plus ». D'autres caricatures paraissaient déjà dans la revue Le Voleur en 1882. Vers 1875, alors que flotte un certain esprit de liberté, le député Alfred Naquet dépose successivement trois propositions de loi dans le sens du divorce pour faute, afin de rétablir celui-ci, naguère autorisé par la loi de 1792. Après plusieurs échecs, il parvient à ouvrir de nouveaux débats à l'Assemblée, le 26 mai 1884. S'y affrontent deux camps : la tradition catholique contre l'esprit anticlérical et laïque des "Lumières". Le conflit est très violent et tourne au débat politique, où le bon sens est vite oublié. Lors de l'ultime vote, 355 députés votent pour et 115 contre. Voté par la gauche et le centre-gauche, le texte est définitivement adopté par le Sénat le 27 juillet 1884. Les catholiques, pour qui la séparation de corps doit être maintenue, ont voté contre. Cette loi n'établit pas le divorce par consentement mutuel ou pour incompatibilité d'humeur. Il faut des excès, des sévices, des injures graves ou la condamnation à une peine afflictive ou infamante, qui rendent intolérable le lien du mariage, pour que le divorce soit prononcé, à la demande du mari ou de la femme. La preuve de la faute est donc indispensable. Le divorce est prononcé soit aux torts exclusifs, soit aux torts partagés. L'« innocent » peut prétendre à une pension et à s'occuper des enfants. Cette loi fait l'effet d'un choc et s'ensuivront des démissions massives dans la magistrature. Elle est en effet très libératrice pour la femme car l'homme a le pouvoir économique... et pourtant, elle va réglementer le divorce pendant presque cent ans, car les modifications subies entre-temps seront mineures. 


L'Humanité et la Patrie est un curieux ouvrage. Divisé en deux grandes partie, la première consacrée à l'Homme, à la morale et plus particulièrement aux considérations à propos du libre arbitre. La deuxième partie consacrée à la Patrie aboutit à la volonté de l'auteur de voir s'établir des Etats-Unis d'Europe, une République Universelle dictée par la raison et la morale. En cela L'Humanité et la Patrie est une utopie à ranger parmi les projets de société humaine internationaliste. L'union de tous les peuples de l'Europe pour le bien commun, tel est son souhait. C'est le souffle révolutionnaire qui a donné à la France la prééminence sur tous les peuples, écrit-il. Il souhaite ardemment la séparation des pouvoirs entre l'église et l'état, et ne croit pas aux conceptions extrémistes des nationalistes. Cet épais volume est d'une densité et d'une complexité toute scientifique cependant animée par un esprit lucide et volontaire.


Très bon exemplaire du rarissime tirage sur papier de Hollande avec lettre autographe.

Prix : 1.150 euros


vendredi 29 novembre 2019

La locomotion à travers l'histoire et les mœurs par Octave Uzanne (1900). Un des rares 10 ex. sur papier Japon format colombier. Exemplaire n°I. Rarissime tirage.


Octave UZANNE - Eugène COURBOIN, illustrateur - Léon Rudnicki, illustrateur

LA LOCOMOTION A TRAVERS L'HISTOIRE ET LES MOEURS par Octave Uzanne, illustrations dans le texte et hors-texte de Eugène Courboin. Nombreuses reproductions d'estampes anciennes.

Paris, Société d'Editions Littéraires et Artistiques, Librairie Paul Ollendorff, 1900 [impr. Renouard et Chamerot].

1 volume grand in-4 (31 x 22,5 cm) de XX-281-(2) pages. 20 gravures hors-texte sous forme de triptyques aquarellées par Eugène Courboin (volets décorés Art Nouveau par Léon Rudnicki).

Reliure moderne bradel plein papier rouge texturé, dos muet, relié sur brochure. Parfait état.



ÉDITION ORIGINALE.

Tirage à 1.570 exemplaires numérotés (1.500 ex. sur vélin teinté ; 60 ex. sur Japon Impérial et 10 ex. sur Japon, format colombier).

CELUI-CI, UN DES 10 EXEMPLAIRES SUR JAPON COLOMBIER AVEC UNE SUITE DES 20 HORS-TEXTE SUR CHINE IMPRIMES EN NOIR NON MIS EN COULEURS.



Après quelques Propos avant-coureurs ou Documents accumulateurs de ce livre ou encore Essai bibliographique et iconographique (en réalité bibliographie des plus complètes sur le sujet des transports en tous genres depuis l'antiquité jusqu'à la fin du siècle, qui occupe les XX premières pages), on trouve les chapitres suivants : La locomotion dans l'antiquité (origines - Chine - Egypte - Inde - Perse - etc.) - La locomotion à travers l'univers (hier et aujourd'hui) - La locomotion publique, privée et royale, les transports en commun tant au moyen-âge que pendant la Renaissance et jusques à Henri IV (la cavalerie, la chevalerie et l'artillerie - routes et voies de communication) - Carrosses et entrées solennelles (fêtes de gala, cérémonies funèbres, religieuses et militaires, cavalcades, carroussels et coches) - XVIIIe siècle (les chaises à porteurs, les carrosses sous Louis XV (la locomotion sous la révolution, les premières diligences, etc.) - La locomotion depuis la révolution - Les chemins de fer (emploi de la vapeur - les premières locomotives) - Tramways, Automobiles et Cycles (importance de la locomotion parisienne - etc.) - La locomotion à côté (véhicules de divers usages) - La locomotion au XXe siècle (les progrès de l'automobilisme).


Compte tenu de la date d'édition de cet ouvrage, l'aviation n'est pas traitée dans ce volume. Il faudra attendre la nouvelle édition de 1911 pour avoir une dernière partie entièrement consacrée à ce sujet.

On trouvera difficilement un ouvrage aussi complet et aussi richement et artistiquement illustré sur le sujet.


SUPERBE EXEMPLAIRE DE CE TIRAGE DE TÊTE RARISSIME.

EXEMPLAIRE PORTANT LE N°I. (sur X).

Prix : 3.500 euros



jeudi 28 novembre 2019

Ludovic Halévy. La famille Cardinal. Exemplaire sur Hollande avec suite et dessins originaux (1883). Exemplaire offert par l'auteur à son ami Octave Uzanne. Bel exemplaire relié par Pierson pour Octave Uzanne.


Ludovic Halévy. [Octave Uzanne]. Emile Mas (illustrateur).

La famille Cardinal.

Paris, Calmann Lévy, 1883

1 volume petit in-8 (18,8 x 14 cm) de (4)-210-(1) pages.

Cartonnage bradel de l'époque pleine percaline bleue, pièce de titre au dos, fleuron dos et millésime dorés au dos, relié sur brochure (non rogné), couvertures conservées. Reliure signée Pierson réalisée pour Octave Uzanne. Excellent état. A noter que la page de faux-titre où se trouve l'envoi autographe et la composition originale est uniformément brunie (décharge du feuillet précédent). Quelques rousseurs.

Edition originale.

Un des 200 exemplaires sur papier vergé du Marais (non numéroté).


Exemplaire de dédicace offert par l'auteur à son ami : "Octave Uzanne, son dévoué confrère, Ludovic Halévy", enrichi d'une jolie composition originale sur le faux-titre (encre de Chine et aquarelle) et de deux autres petits dessins à l'encre en noir sur la page de titre et la première page de texte (voir photos).

Exemplaire auquel il a été joint la Suite complète de 1 frontispice et de 8 vignettes dessinées par E. Mas, gravés par J. Massard, pour illustrer Madame, Monsieur et les Petites Cardinal de Ludovic Halévy, épreuves sur Chine (prix de l'époque : 15 francs) publiées par la librairie L. Conquet en 1883. Épreuves sur Chine volant intercalées dans le volume.


La famille Cardinal (qui fait pour ainsi dire suite aux Petites Cardinal publié en 1880) est le symbole de la petite bourgeoisie parisienne pompeuse, pédante et méchante. En rupture avec la noirceur des romans naturalistes, ils dépeignaient un monde certes réaliste mais où tous les personnages sont bons et vertueux. Ce succès lui ouvrit les portes de l'Académie française, où il fut élu le 4 décembre 1884, au fauteuil 22, succédant à Joseph Othenin d'Haussonville. Sa réception officielle eut lieu le 4 février 1886. Il y soutint, en vain, les nombreuses candidatures de son ami Émile Zola et cessa quasiment d'écrire. Vers 1878, Ludovic Halévy, flanqué de sa cousine Geneviève Bizet, future Mme Straus et hôtesse d'un célèbre salon littéraire, recevait le Tout-Paris artistique et littéraire, lors des « jeudi de Ludovic » dans son appartement 22, rue de Douai où se côtoyaient Edgar Degas, Gustave Moreau, le romancier Paul Bourget, Édouard Dubufe, Édouard Manet, John Lemoinne, Georges Ohnet, Charles Gounod, Henri Meilhac, Charles Haas, le vicomte Eugène-Melchior de Vogüé, Guy de Maupassant, Alexandre Guiraud, Georges de Porto-Riche, Émile Straus, ou Robert de Montesquiou.


Provenance : Exemplaire des bibliothèque Octave Uzanne (avec son ex libris gravé par A. Bouvenne - eau-forte tirée en bleu - catalogue de sa vente de mars 1894, n° 223) ; bibliothèque A. Girard (ex libris dessiné par Paul Avril et gravé par Gaujean).




Émouvant exemplaire de la bibliothèque Octave Uzanne, très bien conservé.

Prix : 850 euros


mercredi 27 novembre 2019

Jacques Touchet. Les Quinze Joies du Mariage. 1930. René Kieffer éditeur. Exemplaire unique. Reliure plein parchemin véritable peinte à la main par l'artiste. Superbe.


Gouache originale signée
(premier plat de la reliure en plein parchemin véritable)


Anonyme [Antoine de La Sale]. Jacques Touchet (illustrateur - décorateur de la reliure originale peinte à la main).

Les Quinze Joies du Mariage. Illustrations de J. Touchet.

René Kieffer, éditeur à Paris, juillet 1930

1 volume in-4 (24 x 19 cm) de 195-(2) pages. 15 hors-texte, 15 bandeaux à mi-page et 15 culs-de-lampes et 8 autres vignettes ou culs-de-lampes pour le faux-titre, titre, achevé d'imprimer, prologue et justification du tirage.

Reliure de l'époque (probablement commanditée par l'éditeur René Kieffer) plein parchemin véritable, peinte à la main par l'artiste lui-même de trois compositions à l'encre rehaussées à la gouache (une composition sur chaque plat et une au dos). La composition originale du premier plat est signée par Jacques Touchet. Ces compositions originales sont inédites et n'appartiennent pas au volume imprimé. Les fragiles couvertures jaunes imprimées (premier plat) ont été conservées. Parfait état de l'ensemble.


Gouache originale
(second plat de la reliure en plein parchemin véritable)


Premier tirage des illustrations de Jacques Touchet aquarellées à la main au pochoir.

Tirage à 550 exemplaires numérotés.

Celui-ci, un des 500 exemplaires sur vélin à la forme.

Exemplaire unique dont la reliure est ornée de trois compositions originales (encre et gouache) par Jacques Touchet (signé).







Il n'aurait été que justice de voir ce savoureux ouvrage, si plein de justesse et d'esbaudissements, habilement recouvert d'une élégante et vénéneuse reliure en peau de femme irascible. La lâcheté de la gente masculine doublée de son emprisonnement es perpétuité dans la nasse du mariage en a empêché la réalisation (NDLR).

La nasse revient souvent dans l'illustration de Jacques Touchet (1887-1949). Gageons que son pinceau parle d'expérience.






Les Quinze joies de mariage est un texte satirique français en prose publié anonymement au milieu du XVe siècle et attribué à Antoine de La Sale, qui présente un tableau plein d'humour et d'acuité des querelles et tromperies conjugales : la satire misogyne voisine avec une analyse impitoyable de l'aveuglement des époux placés dans des situations quotidiennes et concrètes. L’auteur parodie un texte de dévotion populaire, les Quinze joies de la Vierge, et énumère en quinze tableaux les « joies », c’est-à-dire les affreux malheurs de l’homme pris dans la « nasse » du mariage, présenté comme la source de tous les maux domestiques, érotiques et autres, et surtout comme l'origine du malheur suprême de tout être humain : la perte de la liberté. Le ton est nettement misogyne et anti-féministe et s’inscrit dans une tradition médiévale qui remonte à saint Jérôme (notamment son Adversus Jovinianum) où les machinations et ruses féminines font le malheur de l’homme ; mais le mari est présenté comme un balourd sans imagination, « métamorphosé en âne sans qu'il soit besoin d'aucun enchantement », aussi coupable que son épouse, et qui a bien cherché son malheur : « Dieu n'a donné froid qu'à ceux qu'il sait assez chaudement emmitouflés pour pouvoir le supporter. » Le texte offre un tableau vivant et enjoué des pièges de la conjugalité, sans désir de corriger les mœurs, mais en jetant un regard ironique, toujours amusé. L’intérêt du texte tient en particulier à ce que chacun des quinze tableaux, mi-narratifs mi-satiriques, dans une langue proche de la langue parlée, est en soi une petite nouvelle avec de nombreux dialogues vifs et réalistes. L'aiguillage de la vérité générale vers la scène fictive est opéré par des adverbes comme le fréquent « à l'aventure » (par hasard en moyen français), qui signalent un changement de régime discursif au début de chaque tableau.


Gouache originale et titre calligraphié
(dos de la reliure en plein parchemin véritable)


Superbe exemplaire unique de ce très joli livre utile à plus d'un homme.

Prix : 1.150 euros

mardi 26 novembre 2019

Lucien Descaves. Les emmurés. Roman. 1894. Edition originale. Un des 10 exemplaires sur papier de Hollande. Reliure de l'époque. Rare.


Lucien Descaves.

Les emmurés. Roman.

Paris, Tresse et Stock, 1894

1 volume in-18 (20 x 17 cm) de (6)-471 pages

Cartonnage bradel pleine toile rouge, filets dorés sur les plats, fleurette dorée au dos, millésime doré en queue du dos, pièce de titre de maroquin noir. Exemplaire relié à toutes marges, non rogné. Bon état de la reliure malgré quelques petites taches et salissures sans gravité. Bord de la pièce de titre un peu frotté/usé. Intérieur très frais. A noter, la décharge dans la marge haute d'un ancien marque page (brunissure sur deux pages cote à cote). légères salissures aux témoins. Les deux plats de couverture ainsi que le dos du brochage ont été conservés en parfait état. Volume en grande partie non coupé (jamais lu).

Edition originale.

Tirage de tête sur papier de Hollande. Un des 10 exemplaires sur ce papier.

Il a été tiré en outre 10 exemplaires sur papier du Japon.


Cet ouvrage est dédié "aux aveugles pour aider au défrichement de leurs ténèbres et aux clairvoyants pour déraciner les préjugés séculaires, j'offre cette oeuvre d'émancipation sociale et de réconfort."

Les Emmurés, qui paraît en 1894, incarne pleinement l'attention que Lucien Descaves a portée durant toute sa vie aux exclus de la société. Le roman épouse la condition quotidienne des aveugles et l'on y retrouve un aspect quasi documentaire, qui ne craint pas le souci du détail comme c'était déjà le cas dans Sous-Offs. Les Emmurés révèle un pan ignoré du peuple de Paris, très peu de récits avant lui ayant décrit l'existence de ceux qui ne voient pas (le texte le plus connu à leur être consacré est la célèbre Lettre sur les aveugles de Diderot). Ce sont leurs conditions matérielles, morales et affectives que veut dépeindre ici Lucien Descaves et comme pour ses autres livres, il s'y attache à la manière qui le caractérise : avec une scrupuleuse sincérité. (Présentation, Les emmurés, éditions La Part Commune, 2009).


Lucien Descaves (1861-1949) est un auteur mal connu. Il a pourtant été une figure importante de la vie littéraire de son temps. Romancier et dramaturge prolifique, mais aussi journaliste, chroniqueur et préfacier, il fut l'ami proche ainsi que l'exécuteur testamentaire de J-K. Huysmans et son chemin croisa, entre beaucoup d'autres, celui d'Émile Zola, Léon Bloy ou L.-F Céline.

Bon exemplaire du très rare tirage de tête sur papier de Hollande.

Prix : 850 euros

lundi 25 novembre 2019

Robert Blanchet. Quelques opinions sur l'art du livre. 1952. Petit manifeste pour la défense des arts du beau livre de bibliophilie. 200 exemplaires.


Robert Blanchet (auteur-imprimeur pressier-illustrateur graveur)

Quelques opinions sur l'art du livre.

[Boulogne-Billancourt] Robert Blanchet, juin 1952

Plaquette 19,9 x 10,3 cm, feuillet replié en accordéon (5 volets imprimés recto-verso), typographie en noir et bistre. Couverture non figurative gravée imprimée en couleurs, fil de couture apparent au dos.

Tirage à 200 exemplaires numérotés à la main par Robert Blanchet.

Unique édition tirée à la presse à bras par Robert Blanchet.



Robert Blanchet (1921-2009) était pressier d'art, graveur sur bois, typographe et artiste graphique. On lui doit de nombreuses publications artistiques et livres d'artiste. Cette petite plaquette répond parfaitement à la définition d'un manifeste pour l'amour des beaux livres par un artiste praticien. Robert Blanchet écrit : "L'impression de certains livres et revues mécaniquement parfaite n'est toujours qu'un "procédé" de reproduction qui n'a servi qu'à vulgariser l'oeuvre authentique du scribe ou de l'illustrateur. Les impressions de nos jours relèvent d'une parfaite connaissance mécanique et d'une "technique de faussaire" dans la reproduction des œuvres originales qui gardent elles, l'empreinte de leur créateur. Il faut que l'illustrateur lui-même revienne à un travail artisanal et à l'outil pour multiplier son oeuvre."



C'est justement en 1952, à l'âge de 31 ans, que Robert Blanchet reprend l'atelier Jacques Beltrand de Boulogne-Billancourt (pressier sur bois). Ce manifeste artistique à destination des bibliophiles marque donc le point de départ (lancuement) de sa carrière d'artiste-éditeur-imprimeur.

La couverture gravée (sur bois), imprimée en couleurs, ici parfaitement conservée, comme neuve, tient au style abstrait. Le texte est quant à lui imprimé sur beau papier vergé filigrané.



Superbe exemplaire parfaitement conservé de ce petit opuscule, non-livre pour la propagande du beau en matière de bibliophilie, devenu pour ainsi dire introuvable.

VENDU

dimanche 24 novembre 2019

Pierre Charron. De la Sagesse. 1662. Amterdam, Louis et Daniel Elzévier. Très jolie édition donnée par les Elzévier. Bel exemplaire en maroquin ancien.


Pierre Charron.

De la Sagesse. Trois livres. Par Pierre Charron, parisien, docteur es droitcs. Suivant la vraye copie de Bourdeaux.

A Amsterdam, chez Louis et Daniel Elzévier, 1662

1 volume in-12 (137 x 80 mm - Hauteur des marges : 132 mm.) de (14)-622-(8) pages. Frontispice gravé à l'eau-forte.

Reliure plein maroquin vieux rouge, dos à nerfs richement orné aux petits fers, triple-filet doré en encadrement des plats, roulette en encadrement intérieur des plats, doublures et gardes de papier bleu, tranches dorées (reliure du milieu du XVIIIe siècle). Reliure très bien conservée, intérieur très frais.



Le frontispice gravé est identique à celui des éditions elzéviriennes de 1646, 1656 et 1659. La Sagesse personnifiée par un femme nue sur un piédestal, couronnée de rameaux de laurier et d'olivier en signe de victoire et de paix. Derrière elle, se déploie la devise de la Sagesse et celle de Charron sur deux phylactères : Je ne sais et Paix et peu.



Cette édition de 1662 est la seule véritablement donnée par les Elzévier. Elle a été très bien exécutée. C'est une très belle impression en beaux caractères des imprimeurs Louis et Daniel Elzévier à Amsterdam, sur beau papier. Exemplaire qui n'a pas été lavé et qui est resté très pur, très frais, dans sa reliure ancienne en maroquin.


Pierre Charron, dit-on, était fils d'un libraire qui eut 25 enfants ! Il suivit des études de philosophie et de droit. Il exerça d'abord la profession d'avocat, puis reçut les ordres, et se fit bientôt un nom par ses prédications. Marguerite de Navarre en fit son prédicateur. Plusieurs évêques l'attirèrent auprès d'eux, et il séjourna comme théologal à Bazas, Lectoure, Agen, Cahors, Condom, où il acheta une maison et y fit graver sur un linteau : « Je ne sais », Bordeaux. Dans cette dernière ville, il rencontra Montaigne avec qui il se lia d'une grande amitié de dix ans et qui eut une grande influence sur son œuvre. Il adopta bientôt sa philosophie. Montaigne le désigna comme héritier du blason de sa maison. Charron reconnut plus tard ce témoignage d'affection et d'estime en instituant le beau-frère de Montaigne son légataire universel. En 1595, il fut envoyé à Paris comme député à l'assemblée du clergé et devint secrétaire de cette assemblée. Il mourut d'apoplexie à Paris en 1603.


Il composa son Traité de la Sagesse publié en 1601 à Bordeaux, après d'autres ouvrages concernant la religion, et qui présentait un catholicisme orthodoxe, répondait aux attaques dont il était l'objet et provoqua un scandale : il y défendait la tolérance religieuse, ce qui le fit accuser d'athéisme. « Nous sommes circoncis, baptisés, juifs, mahométans, chrestiens avant que nous sachions que nous sommes hommes. ». Il séparait ainsi la religion de la morale (morale appuyée sur la nature), ouvrant l'espace d'une pensée laïque. C'est encore un des meilleurs traités de morale connu au XIXe siècle ; mais on y trouve quelques propositions hasardées qui en firent longtemps défendre l'impression et le firent mettre à l'Index Librorum Prohibitorum à Rome. Des pamphlétaires, jésuites en particulier, l'attaquèrent vigoureusement et les critiques continuèrent bien après sa mort, l'accusant de plagiat à l'égard de Montaigne et des auteurs de l'antiquité. Il imita également le style de Montaigne, mais il avait moins de grâce et de naïveté. Charron a aussi laissé un Traité des Trois Vérités (existence de Dieu, vérité du Christianisme, vérité du Catholicisme), 1594, fort estimé, et un Abrégé du Traité de la Sagesse. Avant Spinoza et son Éthique, l'idée « Dieu c'est-à-dire la nature » est exprimée par Pierre Charron, ce qu'a particulièrement relevé Michel Onfray. Descartes s'inspirera de sa méthode du doute pour la rédaction du Discours de la méthode.


Provenance : signature ex libris Déperet Méd(ecin). Peut-être Gabriel Déperet (?-?), médecin, élu député de la Haute-Vienne (1791-1792) et qui fut ensuite juge de pais à Limoges.


Référence : Willems, Les Elzévier, n°1281, p. 325.


Bel exemplaire de la seule véritable édition elzévirienne de ce traité philosophique.


VENDU