jeudi 22 décembre 2022

[Anonyme]. 1793. Révolution française. Observations et précis sur le caractère et la conduite de Marie-Antoinette d'Autriche. Par la citoyenne Marie-Thérèse. Très bon exemplaire de cette très rare brochure, précieuse avec cette note autographe de la main du Maréchal de Camp Joseph Firmin Le Laboureur, relative à Marie-Antoinette.


[Anonyme]. [Joseph-Firmin Le Laboureur, maréchal de camp] [à propos de Marie-Antoinette].

Observations et précis sur le caractère et la conduite de Marie-Antoinette d'Autriche. Par la citoyenne Marie-Thérèse.

A Paris, chez tous les Marchands de Nouveautés, 1793

1 plaquette in-8 (19,7 x 12,2 cm) de (2)-46 pages et 1 feuillet blanc (avec manuscrit autographe de l'époque - voir ci-dessous). Dérelié (anciennement relié), les cahiers sont bien en place et solidaires. Excellent état. Papier fin parfois laissant apparaître le verso imprimé en fond, sans conséquence.

Edition originale rare.

Désignée comme "pièce rare" dans le Bulletin du Bouquiniste Aubry, 1857.

Quérard se trompe dans sa classification en donnant cette pièce aux "Historiens et détracteurs de Marie-Antoinette de la fin du XVIIIe siècle (il ne l'avait sans doute par lu et sans doute même pas eu en mains).

Il existe une autre édition publiée quelques semaines après celle-ci, publiée sous la rubrique "A Vienne, chez Fr. Ant. Schraembl., 1793". Cette seconde édition a la particularité d'avoir placé en tête un Avis qui indique : "Cette brochure écrite en stile populaire a eu un grand succès à Paris, et depuis il en circule journellement qui électrisent les ames honnêtes en faveur de la Reine et du Roi son auguste Fils. Le Décret de mort lancé par la tyrannique et régicide Convention contre ceux qui parleroient du rétablissement de la roïauté, a fait supprimer l'invitation à la Nation de réintégrer son légitime Souverain. C'est parce que l'on vouloit faire une révolution en France, que pour y parvenir, il falloit détruire le respect du à la réligion et à la roïauté. C'est de ce systême impie que sont découlées toutes les horribles calomnies propagées et imprimées contre le Roi et la Reine depuis quinze ans, qu'ils ont enduré avec une constance et une résignation religieuse. Toutes les dissipations exagérées qu'on imputoit à la Reine, ont disparues à la vérification des comptes, qui prouvent qu'elle n'a jamais fait de dépense extraordinaire, que pour St. Cloud ; elle a été bien moins traitée comme Reine que de Mme de Maintenon et Mme de Pompadour, qui n'étaient que des maitresses, et son revenu a été employé à nourrir le peuple par les travaux et à perfectionner les arts, qui étoient une accroissance de richesses pour la France. Elle étoit Reine magnanime, elle fut bonne fille et bonne épouse, elle est tendre mère et fidèle amie, elle est sublime dans le malheur, et si la Providence, protectrice des vertus, la replace dans ses droits, elle offrira à l'univers étonné un de grand exemple de grandeur d'âme, générosité et de bienfaisance. (cet Avis bien qu'il ne soit pas présent dans la première impression que nous avons, et pour cause, n'en n'éclaire pas moins le propos contenu dans cette brochure défenderesse de la monarchie et du couple royal).


Cette brochure est un très intéressant plaidoyer en faveur de la reine Marie-Antoinette alors que Louis XVI a déjà été exécuté depuis le 21 janvier 1793, année de la publication de cette brochure restée anonyme. L'auteure est désignée sur la page de titre sous le nom de Citoyenne Marie-Thérèse. Quel est le ou la véritable auteur.e de cette brochure ? Personne n'a résolu la question.

"Louis XVI n'est plus ! L'effet que produit la mort de ce prince sur le cœur des vrais français, ne peut ni se rendre ni s'exprimer. Le silence sur cet étonnant événement a plus d'énergie que la plus forte et la plus brillante éloquence. [...] Des hommes courageux ont osé se présenter eux-mêmes pour briguer la gloire de défendre un prince infortuné, déchu du plus beau trône de l'univers. Des hommes justes, sages, éclairés, auraient voulu pouvoir se sacrifier pour sauver Louis ; et son épouse désolée, l'infortunée Marie-Antoinette, compagne fidèle et courageuse de son rigoureux sort, ne trouve personne encore qui s'intéresse à ses malheurs ; tandis que tant de voix condamnent cette princesse, ne s'en trouvera-t-il pas une seule qui ose entreprendre de la défendre ? [...] (extrait)




L'auteur.e dépeint ensuite les qualités et la conduite exemplaire, à ses yeux, de la reine de France. L'auteur.e ajoute : "Je n'ai reçu d'elle ni grâce, ni faveur, ni rien qui puisse m'imposer l'obligation de parler pour elle ; je n'ai ni à m'en plaindre, ni à m'en louer personnellement. Je m'intéresse à elle par justice ; je la plains par humanité, et je la juge par sa conduite, par ses actions et par son courage." Ensuite on lit : "Guidé par un motif qui a pour base l'équité et la raison, je serai vrai et impartial", cette conjugaison au masculin laisserait supposé que l'auteur de cette brochure est un homme et non une femme.

L'auteur traite rapidement ensuite, et chronologiquement, de l'histoire de Marie-Antoinette depuis son arrivée en France à l'âge de 15 ans jusqu'à sa captivité. "Marie-Antoinette environnée de flatteurs qui louaient ses moindres actions, et abandonnée des personnes qui devaient la guider et la conseiller, songeait plus aux amusements que l'on s'empressait de lui procurer, et qu'il est si naturel de rechercher à quinze ans, qu'aux soins importants qui devaient la captiver dans la suite. La dissipation qui flattait cette princesse dans son extrême jeunesse, a peut-être donné à son caractère une apparence de légèreté et d'inconséquence qui a fourni à ses ennemis des motifs pour la calomnier, et leur censure sévère et injuste a nommé écarts et erreurs des actions peu réfléchies. Mais des écarts même ne sont pas des vices, et les erreurs de l'inexpérience ne sont pas des crimes." (extrait)

Le procès de Marie-Antoinette débute le 14 octobre 1793. Il ne va durer que deux jours. Marie-Antoinette est condamnée à mort pour haute trahison le 16 octobre 1793 et guillotinée le jour même sur la place de la Révolution (l'actuelle place de la Concorde).


Le dernier feuillet de notre brochure est recouvert d'un très intéressant témoignage autographe par Le Laboureur, Maréchal de Camp. Voici ce qu'il écrit : "Trait de bienfaisance de Marie Antoinette d'Autriche, Reine de France, dont je certifie l'authenticité. Signé Le Laboureur, Mal de Camp. Le 21 janvier 1792, deux citoyennes honnêtes, ruinées par la révolution, trouvèrent le moyen de faire parvenir à la Reine le tableau de leurs cruelles infortunes. Les faits ayant été vérifiés vrais, sa Majesté leur envoya un secours de 2400 livres et leur écrivit ces mots obligeants : "Les malheureux sont mes amis, qu'ils ne craignent point de s'adresser à moi, car je goûte, en les soulageant, le plaisir le plus doux et le plus cher à mon coeur. Je prie dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde. Signé Marie Antoinette d'Autriche, Reine de France."

Cette curieuse note dont nous n'avons trace du récit dans aucun ouvrage consulté. Cette histoire est-elle vraie ? Le Maréchal de Camp Le Laboureur qui la rapporte était-il de près ou de loin mêlé à cette histoire ? Nous ne savons pas. Le Laboureur pourrait même être l'auteur de cette brochure. Pour le moins il a été en possession de cet exemplaire qu'il a voulu personnalisé par cette anecdote venant prendre la défense de la reine.



Qui était ce Le Laboureur Maréchal de Camp ? Nous en avons retrouvé la trace dans divers documents de la période révolutionnaire. Joseph Firmin Le Laboureur (de Blésinval ou Bléranval, selon les sources) était de milice de Paris dès 1740, puis Capitaine en 1747, Capitaine du Guet commandant la Garde de Paris en 1770. Lieutenant-Colonel en 1772 retiré en 1775. Il fut commandant du bataillon des Minimes de la garde nationale parisienne en 1789. Il l'était encore en mars 1790. Il est avéré d'après plusieurs publications imprimées à l'époque que Le Laboureur (et son fils) étaient considérés comme des mouchards à la solde du lieutenant de police de la ville de Paris, Lenoir. D'après nos recherches Joseph Firmin Le Laboureur serait né le 4 février 1721 à Saint-Denis et mort après 1798 (source Geneanet). Nous serions d'en savoir plus sur la fin de parcours de cet homme qui hélas n'a que très peu laissé de traces dans l'histoire générale mais nous apporte ici un éclairage particulier sur la reine Marie-Antoinette par ces quelques lignes manuscrits rédigées en pleine tourmente de 1793.

Il n'y a actuellement aucun exemplaire de cette brochure sur le marché (consulté en ligne le 22 décembre 2022).

Très bon exemplaire de cette très rare brochure en faveur de Marie-Antoinette, précieuse avec cette note autographe relative à la reine.

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