jeudi 30 septembre 2021

Giovanni Francesco Straparola. Les facétieuses nuits de Straparole. Illustrations de Léon Lebègue. 1907. Un des 50 exemplaires de tête sur papier du Japon. Bel exemplaire broché tel que paru.

STRAPAROLE (Giovanni Francesco Straparola) - Léon Lebègue (illustrateur).

Les facétieuses nuits de Straparole. Traduction Jean Louveau. Illustrations de Léon Lebègue. Préface de Jules de Marthold.

Charles Carrington, libraire-éditeur, 1907 [imprimerie nationale].

2 volumes in-8 brochés (23,5 x 15 cm) de LXVIII-312 et 371 pages. 50 illustrations hors-texte Léon Lebègue aquarellées au pochoir (mise en couleurs par la maison Saudé). Nombreuses lettrines historiées tirées en rouge (également par Léon Lebègue). Exemplaire à l'état proche du neuf. Les dos ne sont pas fendus et en excellent état. Quelques petites rousseurs sans gravité sur les couvertures. Intérieur parfait.

Tirage de tête à 50 exemplaires sur papier du Japon.

Il a été tiré en outre 750 exemplaires sur vergé d'Arches.

Notre exemplaire imprimé sur Japon (numéroté au composteur) ne contient ni le dessin original annoncé, ni la suite imprimée en rouge et noir sur Japon.

La suite de 50 compositions par l'imagier Léon Lebègue est de toute beauté. L'artiste colle fidèlement aux scènes décrites dans les différents chapitres. Les moines sont à l'honneur dans leurs turpitudes tandis que les femmes y sont souvent malmenées, aux prises des jeux de l'amour.






L'identité de Straparola continue à poser question. À peu près tout ce qu'on sait de lui se résume aux maigres informations contenues dans la préface de l'édition originale des Nuits facétieuses. S'il est possible que son prénom ait été « Giovanni Francesco », le nom « Straparola » est improbable, étant donné qu'il ne s'agit pas d'un nom de famille typique ni de cette époque ni du lieu, et que le nom, signifiant littéralement « babilleur », « jacteur », a tous les airs d'un sobriquet utilisé comme nom de plume. On peut toutefois penser que, né dans la province de Bergame, à Caravage, si du moins on en croit la préface, il serait venu s'installer à Venise alors qu'il était jeune homme. De la lecture de ses récits transparaît un homme très cultivé, sachant le latin et plusieurs dialectes italiens, également connaisseur de la littérature de son époque.





L'œuvre majeure de Straparola, est Les Nuits facétieuses (Le piacevoli notti), publié d'abord en deux volumes (1550 et 1553) de vingt-cinq et quarante-huit histoires, puis réédité (1555) en un seul volume de soixante-quatorze histoires ; l'une des histoires parue précédemment disparaissant au profit de deux autres, cela fait en tout soixante-quinze histoires. Le succès sera considérable. S'inspirant du modèle du Décameron de Boccace, les récits sont introduits par un récit-cadre, dans lequel les participants à une fête sur l'île de Murano près de Venise racontent chacun une histoire ou fable, allant du grivois au fantastique, pendant les treize nuits que dure la fête. Le recueil exercera une influence considérable sur le conte en tant que genre littéraire. Il contient en effet les premières versions écrites connues de plusieurs contes de fées, notamment une version de La Belle et la Bête antérieure à celles de mesdames de Villeneuve (1740) et Leprince de Beaumont (1757), et une première version de l'histoire du Chat botté. Très vite traduit en français par Jean Louveau et Pierre de Larivey (seconde moitié du XVIe siècle), le recueil était lu et apprécié dans les salons parisiens : Mme de Murat, Mlle Lhéritier, Mme d'Aulnoy, Perrault s'en sont directement inspirés.

Léon Lebègue (1863-1944) est un artiste français (graveur, lithographe, affichiste, illustrateur) né à Orléans, reconnu pour ses compositions de type miniaturiste et historiées. On lui doit l'illustration réussie de plusieurs ouvrages d'Anatole France (La Leçon bien apprise, 1898 ; Histoire de Dona Maria d'Avalos et du duc d'Andria​, 1902 ; Mademoiselle Roxane, 1923), Paul Verlaine (Les Fêtes galantes, 1913), Théodore de Banville (Gringoire, 1919), J.-K. Huysmans (La Bièvre, 1914), etc.








Très belle édition bibliophilique donnée par le libraire-éditeur sulfureux Charles Carrington spécialisé dans les éditions traitant de la flagellation et autres curiosa au tournant du siècle (1900).

Bel exemplaire tel que paru du rare tirage sur Japon (sans dessin, sans la suite).

Prix : 950 euros

mercredi 29 septembre 2021

Emile Souvestre. Le monde tel qu'il sera, par Emile Souvestre, illustré par MM. Bertall, O. Penguilly et St-Germain. 1846. Un voyage dans le temps vers l'an 3000. Première dystopie française. Bel exemplaire en reliure d'époque.

 


Emile SOUVESTRE. BERTALL, PENGUILLY, SAINT-GERMAIN (illustrateurs).

Le monde tel qu'il sera, par Emile Souvestre, illustré par MM. Bertall, O. Penguilly et St-Germain.

Edité par W. Coquebert, Paris, s. d. (1846) [Paris, typographie Schneider et Langrand].

1 volume in-8 (23,5 x 16 m) de (4)-324 page. 10 gravures sur bois hors-texte et nombreuses vignettes dans le texte par Bertall, O, Penguilly et St-Germain.

Reliure de l'époque demi-chagrin vert sombre, plats de papier vert sombre chagriné. Plats légèrement frottés, quelques traces de recoloration aux coiffes et sur les coupes. Intérieur avec les hors-textes brunis comme toujours, des rousseurs plus marquées aux derniers feuillets.

Edition originale.

En 1840, un jeune couple parisien, Marthe et Maurice, fortement épris, heureux et idéalistes, s’interrogent sur l’avenir du monde. Ils souhaitent ardemment connaître le futur, vérifier si les rêves qu’ils font se réaliseront. Sans trop y croire, Marthe en vient à invoquer le génie protecteur de leur époque. Surgit alors, à bord d'une « locomotive anglaise », un curieux petit homme ressemblant à « un banquier compliqué d'un notaire ». Il s'agit de M. John Progrès, qui propose d'endormir les tourtereaux pour leur permettre de découvrir le monde de l'an 3000.







Proposant un récit d'anticipation qui se situe en l'an 3000, le roman apparaît comme la première dystopie française. Volontiers caricatural, ironique, anachronique, décalé, ce roman est riche d’enseignements sur l’image que l’on peut se faire du futur au milieu du XIXe siècle. L'auteur est très influencé par les doctrines fouriériste et saint-simonienne prônant l'égalitarisme, ici moqué. Préfigurant le genre du roman scientifique à la Jules Verne, Émile Souvestre est l’un des premiers auteurs à imaginer les effets négatifs possibles du progrès dans le cadre d’un roman dans lequel individualisme et enrichissement personnel sont exacerbés.






Souvestre est l’un des premiers « anticipateurs à avoir tenté de prévoir l’avenir dans tous les détails, en montrant tous les mauvais côtés qu’il devra au développement de la technique ». Pierre Versins, « Émile Souvestre », in Encyclopédie de l’utopie, des voyages extraordinaires et de la science-fiction, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1972, p. 822‑823.

« Chez Souvestre, dans Le Monde tel qu’il sera (1846), c’est le procédé plus convenu du voyage temporel par réveil du personnage dans une époque future qui était investi. Marthe et Maurice, un jeune couple parisien du dix-neuvième siècle rêvant à un avenir meilleur pour le genre humain, se réveillent onze siècles plus tard, pour trois jours de découverte d’une civilisation de l’an 3000 qui s’avérera décevante dans sa quête déshumanisante de l’intérêt personnel et de l’efficacité forcenée. Le procédé narratif permet la rétrojection des observations sur un présent dévalué à l’aune de ses effets négatifs possibles. » Valérie Stiénon, « La dystopie française d’Émile Souvestre à Léon Daudet. Petite traversée générique », in Jean-Paul Engélibert et Raphaëlle Guidée (dir.), Utopie et catastrophe. Revers et renaissances de l’utopie (XVIe-XXIe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 115.





"Cette présentation de la société de l’an 3000, avec ses règles complexes et inflexibles, et les inventions qui émaillent le récit, pourrait donner lieu à bien plus de développements, tant les thèmes abordés sont nombreux. Inspirant des générations d’auteurs après lui, Souvestre ouvre, avec Le Monde tel qu’il sera, la voie au « roman scientifique ». Il sera suivi par Verne, Wells, Robida ou encore Rosny, qui imagineront à leur tour des voyages dans le temps et des découvertes, mais également les désillusions possibles qui peuvent accompagner le progrès. 30Souvestre imagine ainsi des appareils volants, sous-marins ou souterrains, une électricité perfectionnée et une télégraphie lunaire, il décrit l’évolution de la presse et de l’enseignement… Certaines choses demeurent pourtant inchangées, comme le daguerréotype, mis en scène à de nombreuses reprises. L’écrivain entraîne ainsi ses lecteurs dans un monde futur fictif, dans lequel certains éléments anachroniques perdurent. Ses chimères sont pour certaines dépassées, tandis que beaucoup d’autres appartiennent encore à notre futur. Mais, qu’elles nous paraissent archaïques ou au contraire teintées de réalisme, elles nous invitent à nous interroger sur notre société et son évolution. En ce sens, la République des Intérêts-Unis, avec l’individualisme exacerbé et l’urbanisme orthogonal qui y règnent, peut aisément préfigurer notre société contemporaine. 31Ce roman d’anticipation est véritablement le récit d’un voyage dans le temps : celui de deux personnages qui ont choisi de se rendre dans l’avenir, espérant y découvrir un monde nouveau et une société tendant vers l’idéal… Ils seront grandement déçus. Sous couvert de nous faire voyager avec eux, Souvestre déploie bien des efforts pour établir une critique du monde et de la société d’alors, ce que Raymond Trousson nomme « une caricature du XIXe siècle ». Il formalise également les angoisses partagées par nombre de ses contemporains à propos du développement fulgurant des techniques diverses, c’est-à-dire des changements en train de se produire et de leurs conséquences possibles sur toutes les dimensions de la société." (in NOÉMIE BOEGLIN, Le Monde tel qu’il sera, un roman oublié, conclusion).

Référence : Noémie Boeglin, « Le Monde tel qu’il sera, un roman oublié », Fabula / Les colloques, L’art, machine à voyager dans le temps, en ligne, page consultée le 29 septembre 2021.

Bel exemplaire en agréable condition d'époque.

VENDU

mardi 28 septembre 2021

Docteur Marc-Antoine Petit. Onan ou le Tombeau du Mont-Cindre (1809). Poème et notes anti-masturbatoires ... ou petit Traité à l'usage des fanatiques onanistes pour les tirer de leur funeste malheur ...

Marc-Antoine PETIT (Docteur en médecine).

ONAN, ou le Tombeau du Mont-Cindre, fait historique. Présenté en 1809 à l'Académie des Jeux floraux de Toulouse, etc. Par Marc-Antoine Petit, docteur en médecine de l'université de Montpellier, ancien chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu de Lyon, etc.

Se vend à Lyon et à Paris, chez les principaux libraires, 1809 [A Lyon, de l'imprimerie de J. B. Kindelem].

1 volume in-8 broché (21,5 x 14 cm) de (6)-X-(4)-99 pages. Couverture de papier marron moucheté de noir, dos muet, non rogné. Très bon état. Intérieur immaculé.

Edition originale.

Exemplaire imprimé sur beau papier vélin fort.







Ce curieux volume s'ouvre sur une dédicace à Monsieur Dumas, directeur de l'école de médecine de Montpellier, professeur d'anatomie et de physiologie, de médecine clinique etc. Vient ensuite un Avertissement tout à la gloire de Tissot, chantre de la littérature scientifique anti-masturbatoire, auteur du célèbre ouvrage L'Onanisme ou Dissertation physique sur les maladies produites par la masturbation (1760), véritable best seller de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Petit place ses pas dans les siens et par l'entremise d'un poème ampoulé de 13 pages précédant un ensemble de notes occupant quant à elles les pages 15 à 98, donne un tableau désastreux des conséquences funestes de la masturbation chez les jeunes hommes (et femmes par extension dans les exemples pris dans les notes).

La masturbation est selon Petit, et selon bon nombre (la plupart) des médecins de cette époque, un des pires maux de la jeunesse. Le plaisir solitaire conduisant inexorablement jeunes hommes et jeunes femmes au tombeau après être passés par les plus grandes souffrances du corps et de l'esprit. Nombre de maladies aujourd'hui bien connues sont attribuées à cette manie sexuelle contre laquelle il faut lutter avec la plus grande fermeté. 







"Comme ami de l'humanité, je désirais pour la jeunesse une leçon qui fût sans danger ; je la désirais plus encore comme père ; et comme médecin, il m'appartenait de la donner. C'est à ces titres seuls que je la présente à la bienveillance des instituteurs et des pères. Puissent-ils la défendre contre les malignes interprétations de ces hommes légers, qui courent après la facile gloire de dénaturer d'un mot les plus louables intentions. Puissent-ils leur dire que l'abîme que je cherche à fermer, engloutit chaque année des milliers de victimes ; que parmi les individus des deux sexes qui périssent entre la dixième et la vingtième année de la vie, les deux tiers sont dévores par le monstre de la solitude, qui, ravageant encore les immenses populations célibataires, y porte, avec le germe de tous les maux, et l'oubli des mœurs, le mépris des unions légitimes, et les féroces inclinations." (extrait).

Bel exemplaire tel que paru, du (rare) tirage sur papier vélin fort.

Rare dans cette condition proche du neuf.

Prix : 500 euros