[Nicolas-Edme RÉTIF DE LA BRETONNE - RESTIF DE LA BRETONE]
LES VEILLÉES DU MARAIS ; OU HISTOIRE DU GRAND PRINCE ORIBEAU, ROI DE MOMMONIE, AU PAYS D'EVINLAND ; & DE LA VERTUEUSE PRINCESSE ORIBELLE, DE LAGENIE : Tirée des Anciennes Annales Irlandaises, & récemment translatées en français : Par Nichols-Donneraill, du Comté de Korke, descendant de l'auteur.
Imprimé à Waterford, capitale de Mommonie, 1785. [A Paris, Veuve Duchesne].
Ensemble de 4 volumes comme suit : 3 volumes in-12 (18 x 11 cm environ) brochés, non rognés, pour les 3 derniers volumes. Le premier volume quant à lui est relié demi-basane du début du XIXe siècle et contient la première et seconde partie du premier volume. Le premier volume est rogné court (16,4 x 9,7 cm environ) avec atteinte à la date sur la page de titre de la première partie. La seconde partie du premier volume est donc proposée ici en double. 236 pages pour la première partie (premier volume) ; paginé (237) à 496 pour la seconde partie (deuxième volume) ; 268 pages pour la troisième partie (troisième volume) et paginé de (269) à 556 pour la quatrième et dernière partie (quatrième volume). Les 3 derniers volumes brochés sont conservés sous couverture de papier rose avec étiquette de titre imprimée au dos (premières couvertures) avec quelques usures aux couvertures. Intérieur frais avec quelques mouillures claires sans gravité. Collationné complet.
Édition originale rare.
L'histoire de ce livre est singulière et mérite d'être contée. C'est encore une fois une œuvre singulière et étrange que donne au public Rétif de La Bretonne. Ainsi que nous l'indique Rives-Child qui se réfère lui-même à Paul Lacroix, cet ouvrage fut commencé le 23 avril 1777, mais Rétif n'en fit que neuf pages en manuscrit. Il reprit l'écriture le 1er mars 1784 et le manuscrit fut achevé le 1er janvier 1785. Mais le livre avait été vendu bien avant (contrat du 7 mai 1784 avec la veuve Duchesne à Paris). L'ouvrage sort ainsi en librairie en mai 1785 (La vie de mon père, II, 3e éd., p. 45).
Ce roman, bien souvent incompréhensible tant la typographie et l'orthographe, tout autant que le fond, sont chamboulés, s'avère en réalité être un livre à clé. Mais un livre a clé si difficile à suivre que bien des lecteurs n'y ont rien vu, voire rien compris. L'abbé Terrasson, le premier censeur de l'ouvrage, craignait les allusions faites par Rétif à la famille royale (ce qui était exact et confirmé par Rétif lui-même dans son Journal). Des changements furent imposés entrainant l'impression de nombreux cartons (voir la liste énoncée dans Rives-Child). L'ouvrage fut finalement accepté par la censure. Rives-Child ajoute : "il y a des exemplaires non cartonnés, car Rétif se faisait un malin plaisir de ne jamais tenir compte, pour un certain nombre d'exemplaires, des corrections exigées par la police." Notre exemplaire ne contient aucun carton dans les trois derniers volumes restés brochés et ferait donc partie des exemplaires les moins cartonnés à l'époque.
"Le titre des Veillées du Marais, dit Rétif, n'est pas de moi, mais du libraire, qui eut cette idée dans le temps que paraissaient les Veillées du Château ; mais mon ouvrage ne put paraitre à temps pour profiter de cet à-propos, sans doute favorable à la vente : d'un côté l'impression n'avançait pas, de l'autre, l'abbé Terrasson, me faisait des difficultés si grandes, qu'il finit par s'excuser d'approuver. Par bonheur le Vicomte de Toustain-Richebourg (non encore tombé dans les absurdités de l'odieux christianisme, qui l'ont perdu) fut alors nommé censeur. Je le demandai à M. de Devilledeuil ; je l'obtins et il me parapha. L'ouvrage parut avec beaucoup de cartons, que la crainte avait fait exiger par Terrasson, pour des raisons qui ne subsistent plus aujourd'hui. La forme de cet ouvrage est singulière ! L'ordre alphabétique y règne non seulement dans les chapitres qui sont intitulés A, B, C, D, etc., mais encore à chaque alinéa des chapitres." (Rétif de la Bretonne)
Les noms des personnages sont des anagrammes pour la plupart. Il existe une clé mais qui n'est pas complète et que Rétif a donné dans un autre de ses ouvrages. Cet ouvrage bizarre a été publié à nouveau sous un autre titre "L'instituteur d'un Prince Royal", en 1792. Tout aussi rare.
Rétif imprime ces mots au verso du premier titre : "A quel but cet ouvrage ? A montrer la fausseté des bruits populaires sur les Princes, les Grands, & leurs Ministres : A donner une idée de l'ancienne éducation des Rois barbares des Germains & des Bretons." Tout est dit ! Comprenne qui pourra ... L'ouvrage contient des contes, des légendes, etc. Quérard dans sa France Littéraire écrit à propos de cet ouvrage : "Restif regardait cet ouvrage ennuyeux et mal écrit, comme très-propre à diriger l'éducation d'un Prince destiné au trône." L'avis de Quérard sur Rétif de La Bretonne résume assez bien ce qu'on peut ressentir à la lecture de cet ouvrage ahurissant : "Restif était d'une organisation singulière ; et sa conduite, comme ses écrits, offre un mélange continuel de folie et de sagesse, de sottise et de raison."
Références : Rives-Child ; Rétif de La Bretonne, Mes inscripcions, (p. 84, 87, 100 et 296) ; Rives-Child, p. 286.
Exemplaire conservé de deux sortes (relié et broché) qui n'en mérite pas moins tout l'intérêt dû à sa rareté et à son étrangeté.
La seconde partie du premier volume est en double (rogné et non rogné) avec et sans cartons imposés par la censure.
VENDU