jeudi 28 octobre 2021

Rétif de La Bretonne et ses Veillées du Marais (1785). Edition originale rare, ici brochée (les 3 dernières parties), non rogné. La première partie reliée. Tirage presque entièrement non cartonné.


[Nicolas-Edme RÉTIF DE LA BRETONNE - RESTIF DE LA BRETONE]

LES VEILLÉES DU MARAIS ; OU HISTOIRE DU GRAND PRINCE ORIBEAU, ROI DE MOMMONIE, AU PAYS D'EVINLAND ; & DE LA VERTUEUSE PRINCESSE ORIBELLE, DE LAGENIE : Tirée des Anciennes Annales Irlandaises, & récemment translatées en français : Par Nichols-Donneraill, du Comté de Korke, descendant de l'auteur.

Imprimé à Waterford, capitale de Mommonie, 1785. [A Paris, Veuve Duchesne].

Ensemble de 4 volumes comme suit : 3 volumes in-12 (18 x 11 cm environ) brochés, non rognés, pour les 3 derniers volumes. Le premier volume quant à lui est relié demi-basane du début du XIXe siècle et contient la première et seconde partie du premier volume. Le premier volume est rogné court (16,4 x 9,7 cm environ) avec atteinte à la date sur la page de titre de la première partie. La seconde partie du premier volume est donc proposée ici en double. 236 pages pour la première partie (premier volume) ; paginé (237) à 496 pour la seconde partie (deuxième volume) ; 268 pages pour la troisième partie (troisième volume) et paginé de (269) à 556 pour la quatrième et dernière partie (quatrième volume). Les 3 derniers volumes brochés sont conservés sous couverture de papier rose avec étiquette de titre imprimée au dos (premières couvertures) avec quelques usures aux couvertures. Intérieur frais avec quelques mouillures claires sans gravité. Collationné complet.

Édition originale rare.

L'histoire de ce livre est singulière et mérite d'être contée. C'est encore une fois une œuvre singulière et étrange que donne au public Rétif de La Bretonne. Ainsi que nous l'indique Rives-Child qui se réfère lui-même à Paul Lacroix, cet ouvrage fut commencé le 23 avril 1777, mais Rétif n'en fit que neuf pages en manuscrit. Il reprit l'écriture le 1er mars 1784 et le manuscrit fut achevé le 1er janvier 1785. Mais le livre avait été vendu bien avant (contrat du 7 mai 1784 avec la veuve Duchesne à Paris). L'ouvrage sort ainsi en librairie en mai 1785 (La vie de mon père, II, 3e éd., p. 45).












Ce roman, bien souvent incompréhensible tant la typographie et l'orthographe, tout autant que le fond, sont chamboulés, s'avère en réalité être un livre à clé. Mais un livre a clé si difficile à suivre que bien des lecteurs n'y ont rien vu, voire rien compris. L'abbé Terrasson, le premier censeur de l'ouvrage, craignait les allusions faites par Rétif à la famille royale (ce qui était exact et confirmé par Rétif lui-même dans son Journal). Des changements furent imposés entrainant l'impression de nombreux cartons (voir la liste énoncée dans Rives-Child). L'ouvrage fut finalement accepté par la censure. Rives-Child ajoute : "il y a des exemplaires non cartonnés, car Rétif se faisait un malin plaisir de ne jamais tenir compte, pour un certain nombre d'exemplaires, des corrections exigées par la police." Notre exemplaire ne contient aucun carton dans les trois derniers volumes restés brochés et ferait donc partie des exemplaires les moins cartonnés à l'époque.

"Le titre des Veillées du Marais, dit Rétif, n'est pas de moi, mais du libraire, qui eut cette idée dans le temps que paraissaient les Veillées du Château ; mais mon ouvrage ne put paraitre à temps pour profiter de cet à-propos, sans doute favorable à la vente : d'un côté l'impression n'avançait pas, de l'autre, l'abbé Terrasson, me faisait des difficultés si grandes, qu'il finit par s'excuser d'approuver. Par bonheur le Vicomte de Toustain-Richebourg (non encore tombé dans les absurdités de l'odieux christianisme, qui l'ont perdu) fut alors nommé censeur. Je le demandai à M. de Devilledeuil ; je l'obtins et il me parapha. L'ouvrage parut avec beaucoup de cartons, que la crainte avait fait exiger par Terrasson, pour des raisons qui ne subsistent plus aujourd'hui. La forme de cet ouvrage est singulière ! L'ordre alphabétique y règne non seulement dans les chapitres qui sont intitulés A, B, C, D, etc., mais encore à chaque alinéa des chapitres." (Rétif de la Bretonne)

Les noms des personnages sont des anagrammes pour la plupart. Il existe une clé mais qui n'est pas complète et que Rétif a donné dans un autre de ses ouvrages. Cet ouvrage bizarre a été publié à nouveau sous un autre titre "L'instituteur d'un Prince Royal", en 1792. Tout aussi rare.

Rétif imprime ces mots au verso du premier titre : "A quel but cet ouvrage ? A montrer la fausseté des bruits populaires sur les Princes, les Grands, & leurs Ministres : A donner une idée de l'ancienne éducation des Rois barbares des Germains & des Bretons." Tout est dit ! Comprenne qui pourra ... L'ouvrage contient des contes, des légendes, etc. Quérard dans sa France Littéraire écrit à propos de cet ouvrage : "Restif regardait cet ouvrage ennuyeux et mal écrit, comme très-propre à diriger l'éducation d'un Prince destiné au trône." L'avis de Quérard sur Rétif de La Bretonne résume assez bien ce qu'on peut ressentir à la lecture de cet ouvrage ahurissant : "Restif était d'une organisation singulière ; et sa conduite, comme ses écrits, offre un mélange continuel de folie et de sagesse, de sottise et de raison."

Références : Rives-Child ; Rétif de La Bretonne, Mes inscripcions, (p. 84, 87, 100 et 296) ; Rives-Child, p. 286.

Exemplaire conservé de deux sortes (relié et broché) qui n'en mérite pas moins tout l'intérêt dû à sa rareté et à son étrangeté.

La seconde partie du premier volume est en double (rogné et non rogné) avec et sans cartons imposés par la censure.

VENDU

mercredi 27 octobre 2021

Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone]. Les Provinciales [L'Année des Dames Nationales] ou Histoires des Filles et Femmes des Provinces de France, dont les Aventures sont propres à fournir des sujets dramatiques de tous les genres. 1796 (i.e. 1791-1794). 32 figures hors-texte d'après Binet. Bel exemplaire en condition d'époque du tirage non censuré.

Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretonne].

Les Provinciales [i.e. L'Année des Dames Nationales] : ou Histoires des Filles et Femmes des Provinces de France, dont les Aventures sont propres à fournir des sujets dramatiques de tous les genres. JANVIER-DECEMBRE.

A Paris, Chéz J. B. Garnery, Libraire, rue Serpente, n°17. S.d. (1796) [i.e. 1791-1794] [de l'imprimerie de Rétif de la Bretonne et de Cordier - imprimé en grande partie par lui]

12 volumes in-12 (16,8 x 10 cm) de 3825-(3) pages (pagination continue sur l'ensemble des volumes). La pagination compliquée est conforme aux exemplaires complets.







Reliure de l'époque pleine basane glacée racinée, dos lisse ornés aux petits fers spéciaux, pièces de titre de maroquin rouge, roulette grecque dorée en encadrement des plats, filet doré sur les coupes, tranches mouchetées de rouge, doublures et gardes de papier caillouté. Fine reliure exécutée vers 1796-1800. Excellent état de conservation de l'ensemble. A noter quelques coins légèrement frottés ou émoussés, un petit manque à l'extrémité d'une coiffe en pied. Le relieur quelque peu étourdi a fait plusieurs erreurs de titrage et de dorure (LES PROVENCAL... pour LES PROVINC... ; des fers sont mal agencés) et le titrage est fautif pour décembre (mal titré octobre). Intérieur d'une grande fraîcheur malgré un papier de médiocre qualité avec des différences de tons entre les cahiers et volumes, caractères typographiques de petite taille (voire de très petite taille) et usés (les fameuses têtes de clous de la période révolutionnaire utilisés par Rétif dans son imprimerie privée). Voir détail ci-dessous.






Remise en vente avec de nouveaux titres des volumes imprimés entre 1791 et 1794.

Exemplaire bien complet des 31 gravures requises (+ 1 gravure surnuméraire en tirage avant la lettre - frontispice du mois d'août - placée dans le premier volume p. 263). Il y a donc 43 sujets en tout. Toutes les gravures sont d'un excellent tirage.






Exemplaire de premier état, exceptionnellement non censuré aux pages 942-950, 13e Parisienne, du tome IV. Dans notre exemplaire qui porte bien le titre Les Provinciales, en reliure d'époque non restaurée et les volumes n'ont subi aucune manipulation et il s'avère que le texte original (par trop royaliste) intitulé La Dame du Palais de Reine a bien été conservé.

Les 11 frontispices sont des gravures doubles (le frontispice du premier volume est une gravure simple). Les autres gravures sont des "sujets" simples. Les premiers sujets ont été regravés d'après les figures des Contemporaines. Les gravures seraient d'après Binet.






"Le voila donc terminé, cet Ouvrage, que je ne croyais pas terminer ! Je suis parvenu à le mener à sa fin, à-travers mille-obstacles, mille dangers ! La banqueroute que m'a faite Maradan, l'interrompit dès le 2d Volumes. Je fus ensuite la Victime de 2 Associations ruineuses, ét d'achats de caractères. Pressé de commencer les RESSORTS DU CŒUR-HUMAIN DÉVOILÉS, je mis au Ires Epoques de cet Ouvrage, des fonds, qui auraient avancé l'ANNÉE-DES-DAMES NATIONALES, que je ne voudrais nommer que le KALENDRIÉR DES CITOYÉNNES, le nom de DAMES ne convenant plus. Mais l'Ouvrage était entièrement composé avant la Revoluçion, puisque la dernière NOUVELLE, inscrite sous le porche de la rüe BRETONVILLIÉRS, ILE DE LA FRATERNITÉ, est du 7 juillet 1789. L'impression a duré 6 années entières, fin de 89, 90, 91, 92, 93 et commencement de 1794 ; et les frais l'en montent à près de 30-mille livres, par la grande cherté du papier, etca. Je n'ai pas fait cette dernière SUITE des CONTEMPORAINES comme je l'aurais voulu : Brûlant d'un pur patriotisme, il fut un temps de cette impression, où il fallait le deguiser : Depuis, j'ai souvent été malade, ét la Case a été abandonnée à d'Autres : Que mes Lecteurs m'excusent : J'ai toujours été un Citoyén aimant le but de tout gouvernement sage : Je n'ai jamais cherché à troubler, même en desirant plus vivement que d'Autres la reformacion des abus. Adieu, mon Lecteur Republiquain : Ne vois dans ces NOUVELLES, que des faits vrais, que je ne pouvais corriger, sans leur oter leur utilité. Tu y trouveras des mœurs qui ont été ; aulieu que les Romanciérs ne te donnent que des mœurs factices, enfans de leur imaginacion, ét par conesquent (sic) sans utilité pour les mœurs. L'infâme Robespierre fut executé le 10 Termidore." (p. (3827) du XIIe et dernier volume - orthographe rétivienen conservée).






"L'Année des Dames Nationales illustre la combinaison d'une impression qui commence et se termine à la maison, mais qui a lieu en partie dans une autre imprimerie. Après avoir débuté l'impression sur sa propre presse et suite à un accord conclu avec l'imprimeur Cordier, Rétif compose les formes dans son local rue de la Bûcherie et les apporte chez Cordier pour les faire imprimer. [...] L'entente a cependant fonctionné pendant plus de trois ans et permis à Rétif d'imprimer près de huit volumes sur les douze de L'Année des Dames Nationales. Cette collaboration semble durer de 1790, date à laquelle Cordier acquiert son imprimerie autogérée, jusqu'en 1793, période après laquelle les mentions de Cordier diminuent sensiblement dans le Journal, avant que Cordier ne vende son imprimerie en 1795. L'impression de L'Année des Dames Nationales se poursuit jusqu'en novembre 1794 sur la presse de Rétif. Ce n'est qu'en 1796 que Rétif parvient à vendre une partie de ses exemplaires au libraire Garnery qui les accepte à condition de changer le titre. L'Année des Dames nationales devient alors Les Provinciales, titre jugé plus accrocheur par Garnery. (Fanny Blanchard, Nicolas-Edme Rétif de La Bretonne imprimeur, juin 2014).

Références : Lacroix n°XLII, pp. 368 et suiv. ; Rives-Childs n° XLI, pp.








Provenance : exemplaire de la bibliothèque de Roger Peyrefitte (avec son ex libris) et autre ex libris moderne.

Bel exemplaire de cet ouvrage rare de Rétif de la Bretonne, d'autant plus rare dans cette condition d'époque, dans sa première version non censurée.

VENDU