mardi 3 janvier 2023

L'Histoire comique de Francion par Charles Sorel et illustrée par Martin Van Maele (1925). Un des 61 exemplaires sur papier Madagascar avec triple-suite des eaux-fortes. Bel exemplaire finement relié à l'époque.


Charles SOREL / Martin VAN MAELE illustrateur

L'HISTOIRE COMIQUE DE FRANCION composée par Charles Sorel, réimprimée intégralement pour la première fois d'après l'édition originale de 1623 et décorée de 17 eaux-fortes et de 16 gravures par MARTIN VAN MAELE.

Se vend à Paris, chez Jean Fort, 1925 [imprimé à Dijon chez Maurice Darantière]

1 fort volume in-8 (23 x 15 cm) de VI-411 pages. 17 eaux-fortes hors-texte ici en triple état (51 épreuves dont épreuve non terminée avec remarque, épreuve terminée avec remarque et épreuve terminée, toutes en noir. 16 gravures (bois) servant de bandeaux et culs-de-lampe. Couverture rempliée illustrée d'une vignette imprimée en rouge sur le premier plat.

Reliure de l'époque demi-maroquin havane à larges coins, roulettes à froid en encadrement des plats et au dos. Tête dorée, non rogné. La reliure n'est pas signée mais d'excellente facture. Excellent état. Très frais, tant la reliure que l'intérieur du volume.

PREMIER TIRAGE DE CETTE SUPERBE SUITE D'ILLUSTRATIONS PAR MARTIN VAN MAELE.

UN DES 61 EXEMPLAIRES SUR MADAGASCAR CONTENANT UNE SUITE DÉFINITIVE ET DEUX ETATS DES ETATS DES PLANCHES AVEC REMARQUE.

Le tirage total est de 1.203 exemplaires dont seulement 103 exemplaires avec suites.









"Je n'ai point trouvé de remède plus aisé ni plus salutaire à l'ennui qui m'affligeait il y a quelque temps, que de m'amuser à décrire une histoire qui tînt davantage du folâtre que du sérieux, de manière qu'une mélancolique cause à produit un facétieux effet. Jamais je n'eusse fait voir cette pièce, sans le désir que j'ai de montrer aux hommes les vices auxquels ils se laissent insensiblement emporter. Néanmoins, j'ai peur que cela soit inutile ; car ils sont si stupides pour la plupart, qu'ils croiront que tout ceci est plutôt pour leur donner du passe-temps que pour corriger leurs mauvaises humeurs. Leur ânerie est si excessive que lorsqu'ils oient le conte de quelqu'un qui a été trompé, ou qui a fait quelque sotte action, ils s'en prennent à rire au lieu qu'ils en devraient pleurer (...)" (extrait de la Préface de 1623)

L’Histoire comique de Francion raconte les aventures de son personnage éponyme. La narration est assez complexe parce qu’elle mène plusieurs niveaux de récits. Le récit premier raconte les aventures amoureuses de Francion qui cherche d’abord à s’attirer les faveurs de Laurette, femme de Valentin et ancienne prostituée. Après les avoir obtenues lors d’une fête organisée par Raymond, il se lance à la recherche de la belle Naïs du portrait de laquelle il est tombé amoureux. Les versions de 1626 et 1633 s’achèvent par le mariage de Francion et Naïs. Mais à ce premier récit s’ajoutent des histoires racontées par des personnages du roman, notamment la maquerelle Agathe dont le récit occupe un livre entier, et surtout l’histoire de Francion racontée par lui-même à diverses occasions. Le début du roman est ainsi en grande partie occupé par ces récits et nous permet de découvrir une partie de l’histoire du père de Francion et le récit de la jeunesse de Francion.









On a beaucoup parlé du libertinage de L’Histoire comique de francion, notamment du fait des relations libertines de son auteur au moment de la publication de la version de 1623. Antoine Adam considère que le personnage de Francion est inspiré par Théophile de Viau. Il se caractérise en effet par une générosité qui serait la marque des esprits libertins et la « compagnie des braves » qu’il fonde serait une transcription romanesque du cercle libertin qui gravite autour de Théophile. L’itinéraire de Francion montre une volonté de s’affranchir des contraintes. Il développe une pensée personnelle. En matière de morale amoureuse, il défend ainsi des positions qui ne correspondent ni à la morale traditionnelle, qui refoule les plaisirs du corps, ni à l’épicurisme caricatural qu’on associera à l’image du libertin. La volonté de jouir sans entrave au non d’une supériorité absolue du plaisir est en effet incarnée dans l’œuvre par le personnage de Raymond. Francion, quant à lui, défend un plaisir plus mesuré qui répond à une définition plus authentique de l’épicurisme. De ce fait, l’évolution du personnage et de l’œuvre ne doit pas nécessairement être lue simplement comme l’effet des peurs de Sorel quant à la censure, mais également comme l’effet d’une véritable réflexion sur la morale et le plaisir.

Cette histoire est ici merveilleusement mise en images par Martin Van Maele. 

Martin Van Maele, alias Maurice François Alfred Martin (1863-1926) est l'un des illustrateurs emblématiques du premier quart du XXe siècle. On lui doit de nombreuses illustrations originales pour la littérature classique comme pour la littérature érotique. Sa carrière jusqu'en 1901 est mal connue. À partir de cette date, il débute en illustrant Les Premiers Hommes dans la Lune d'Herbert George Wells édités par Félix Juven. L'année suivante, Van Maele illustre quelques couvertures d'aventures de Sherlock Holmes publiées par le même éditeur. En 1901 également, il commence à travailler pour l'éditeur érotique Charles Carrington, illustrant des ouvrages sadomasochistes, mais aussi Anatole France et Apulée. Van Maele y publie également, en 1905, un ouvrage plus personnel, La Grande Danse macabre des vifs, quatre séries de dix dessins satiriques et humoristiques, dans lesquels la sexualité s'offre comme premier aperçu de la mort. Après l'expulsion de France de Carrington, en 1907, il travaille pour Jules Chevrel et illustre Choderlos de Laclos, Jules Michelet et Denis Diderot. De 1909 à 1919, Van Maele ne publie que cinq livres. À partir de 1920, il travaille avec Jean Fort et continue à illustrer des classiques de l'érotisme littéraire (l'Arétin, Paul Verlaine, Charles Sorel, etc.), en parallèle à des ouvrages de Pierre Mac Orlan, principalement sadomasochistes, mais laissant aussi place à des pratiques plus rarement évoquées en littérature, comme la klysmaphilie. En 1903, Van Maele s'installe à Varennes-Jarcy avec sa femme, sa mère et sa grand-mère. De 1904 à 1926, ils habitent une maison de la rue de Mandres. Il y meurt en 1926 alors qu'il achevait d'illustrer les Dialogues de l'Arétin.


Très bel exemplaire finement relié à l'époque du tirage sur grand papier avec triple suite des eaux-fortes de Martin Van Maele.

Prix : 1.150 euros