LE LIVRE POUR TOI. Eaux-fortes de Mariette Lydis.
Cent Femmes Amies des Livres, 1935 (imprimerie de Frazier-Soye, Paris)
1 volume in-4 (25,5 x 20 cm), en feuilles, de (8)-123-(2) pages. 18 eaux-fortes dans le texte et 6 eaux-fortes hors-texte, tirées en noir. Texte imprimé en rouge et noir. Couverture rempliée imprimée en rouge sur le premier plat. Très bon état. Quelques piqures grisâtres dans quelques marges et sur la couverture.
Nouvelle édition.
Tirage à 130 exemplaires seulement pour la Société des Cent Femmes Amies des Livres, tous sur papier d'Arches à la forme.
Celui-ci porte le n°8 imprimé pour Madame Arthème Fayard (épouse de l'éditeur)
Les eaux-fortes ont été tirées par Paul Haasen, à Paris.
Cet ouvrage d'amour sensuel, véritable cri de dévotion amoureuse et poétique d'une femme pour un homme, son homme, a paru pour la première fois en 1907, à Vevey, chez Saüberlin et Pfeiffer, à 250 exemplaires. Cette première édition n'était pas illustrée.
Marguerite Provins, dite Marguerite Burnat-Provins est née à Arras le 26 juin 1872 et morte à Grasse le 20 novembre 1952. Ecrivaine, peintre de genre, portraitiste, aquarelliste, illustratrice franco-suisse. Elle étudie l'art à Paris. Elle épouse, en 1896, un architecte de Vevey, Adolphe Burnat qu'elle a connu à Paris. Assez vite, Burnat-Provins s'ennuie et se sent livrée à elle-même, la tranquillité des bords du Léman contrastant fortement avec l'agitation de la vie parisienne qu'elle vient de quitter. Pour tromper l'ennui, elle donne des leçons de dessin dans son atelier veveysan et à l'École Vinet à Lausanne. Elle commence également à écrire. En 1900, elle ouvre une boutique à Vevey, à l'enseigne « À la Cruche verte », dans laquelle elle propose des objets de décoration destinés à un intérieur bourgeois. Elle voyage en Europe. En 1903, Burnat-Provins publie son premier livre, Petits Tableaux valaisans, qui sera suivi par quatre ouvrages : Heures d'automne (1904), Chansons rustiques (1905), Le Chant du verdier (1906), Sous les noyers (1907) — seront également imprimés à Vevey, chez le même imprimeur. Elle peint également. En 1908, elle rompt son mariage avec Adolphe, à la suite de quoi elle quitte définitivement la Suisse. En 1910, elle épouse civilement Paul de Kalbermatten. Le couple s'installe à Bayonne. Marguerite voyage beaucoup : au Proche-Orient (Égypte, Syrie, Liban), et en Afrique du Nord, en particulier au Maroc, qui sera un temps son pays d'élection et animera ses rêveries exotiques. Quand la Première guerre mondiale éclate, son mari est mobilisé en Suisse. Le très grand choc que provoque en elle la guerre, l'amène à entamer une série de peintures hallucinatoires qui deviendront une de ses œuvres maîtresses, intitulée Ma Ville. En 1923, elle s'installe au Clos des Pins, à Grasse, qui sera son domicile principal jusqu'à la fin de sa vie. Toutefois, les voyages s'enchaînent, en Amérique du Sud (1923-1925) et au Maroc. À partir de 1946, elle se retire au Clos des Pins, et cette même année elle fait un mariage religieux avec Paul. Elle décède le 20 novembre 1952 au Clos des Pins.
Le Livre pour toi, publié initialement en 1907 et réédité ici avec les très belles eaux-fortes de Mariette Lydis, est écrit pour Paul de Kalbermatten (Sylvius dans le livre), un ingénieur valaisan, avec qui elle aura une liaison passionnée et qui déviendra son époux. Ce livre est une suite de cent poèmes en prose. Le livre fera scandale. Marguerite est alors mariée et fait l'éloge de sa relation passionnelle avec son amant. Une poésie sensible, sensuelle et intense, qui donne des frissons. C'est un merveilleux, un émouvant hymne à l'amour. C'est également un hymne à la nature sensuelle.
"Pendant cette minute inoubliable où nous nous sommes aimés plus loin que la terre, plus haut que le ciel, dans un monde resplendissent j'ai connu toutes les amours.
Un feu surnaturel les a fondues dans mon cœur, comme en un creuset dévorant.
J'ai été la mère, la sœur, l'amante ; j'ai été ta chair, ton sang, ta pensée, ton âme emportée vers l'au-delà, vaste et illuminé.
Ton front s'appuyait au mien ; qu'est-il venu de ta vie vers ma vie dans cet éclair de radieuse pureté ?
Dis-moi, quel dieu puissant nous a prêté alors un moment de sa divinité ? [...] Laisse mes doigts traîner sur ta peau, comme les algues traînent au courant des eaux.
Laisse mes ongles tracer sur tes reins de fer de vivants hiéroglyphes.
Laisse ma bouche se désaltérer à la fraîcheur de ton corps reposé.
Laisse mes dents prendre tes lèvres sans les serrer.
Laisse ma joue épouser tendrement ta joue.
Laisse mes mains s'étendre exactes sur tes mains.
Laisse...
Et puis, je dormirai." (extrait).
Mariette Lydis (1887-1970) illustre à merveille ces mots d'amour. Mariette Lydis est connue des bibliophiles par ses estampes aux nuances délicates. Sa gravure est comparable dans sa finesse au travail de Foujita.
Très beau livre illustré tiré à très petit nombre (130 exemplaires seulement), écrit par une femme, illustré par une femme, pour une société de femmes bibliophiles. Cette triple alliance est des plus significative pour l'époque et vise à mettre en avant un ouvrage qui dès sa parution en 1907 était comme un étendard brandi. Seule la diffusion à très petit nombre empêcha que cet ouvrage fut un manifeste pour la liberté des femmes, pour le droit à jouir des plaisirs et à les exprimer de manière artistique. Cependant cet ouvrage fut de nombreuses fois réédité à grand nombre et cela en permit la plus grande connaissance par le public.
Provenance : Ce volume a été imprimé au nom de Madame Arthème Fayard, née Louise Pattin (1880-1972), l'épouse du célèbre éditeur. Le nom du plus précieux des associés et collaborateurs d'Arthème Fayard "le Grand" n'était pas inscrit dans la raison sociale. C'était une femme, et c'était la sienne. Née Louise Pattin, c'est elle qui étendit et affina son ambition et le conduisit à devenir non seulement l'éditeur, mais l'ami de beaucoup des plus grands écrivains de son temps (source site Editions Fayard).
Très bon exemplaire de ce livre d'amour rare, écrit par une femme, illustré par une femme, publié pour une société de femmes bibliophiles et offert à une femme. Certes pas un ouvrage pour misogyne.
Un livre qui mériterait une reliure exécutée par une femme.
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