De l'influence attribuée aux philosophes, aux francs-maçons et aux illuminés, sur la révolution de France. Par J.-J. Mounier, membre de l'assemblée constituante.
Paris, Ponthieu, 1822 (de l'imprimerie de Baudoin Frères)
1 volume in-8 (21,5 x 14 cm) broché de (4)-LXXI-234 pages. Couverture de papier bleue de l'époque. Vestiges de pièce de titre imprimée collée au dos (mitée). Excellent état. Papier d'une grande fraîcheur, bien blanc, sans rousseurs ni taches. Quelques coins repliés. Brochage solide.
Nouvelle édition en partie originale.
La Notice historique sur J.-J, Mounier est ici en édition originale.
Cet ouvrage a paru pour la première fois en 1801. L'Avertissement de l'éditeur de cette seconde édition explique : "L'ouvrage que nous réimprimons, il faut s'empresser d'en convenir, pourrait être mieux intitulé. Son véritable titre serait celui-ci : Essai sur les causes de la Révolution française. Par respect pour le public et pour l'auteur, nous nous sommes abstenus de toute innovation à cet égard ; mais nous avons dû prévenir le lecteur que, sous des apparences trop modestes, il rencontrera un des écrits qui expliquent le mieux les causes véritables de ce grand mouvement social, désigné sous le nom de Révolution française. [...] La première partie du livre renferme une grande quantité de détails sur les hommes de la révolution [...] La partie de l'ouvrage qui est relative aux francs-maçons et aux illuminés est sans doute d'un intérêt moins vif et moins général. Le nombre des personnes qui recherchent avec avidité ce qui concerne ces objets, est limité. Pourtant cette partie renferme des documents historiques curieux. Les faits y sont constatés avec une grande exactitude ; et il en est, surtout en ce qui regarde les illuminés, qu'on chercherait vainement ailleurs, l'auteur les ayant recueillis dans la fréquentation de personnes, ou qui avaient appartenu à l'Ordre, ou qui avaient connu intimement ses principaux adeptes. D'ailleurs, il semble que tout ce qui touche les sociétés secrètes doit acquérir un nouvel intérêt depuis le bruit qu'on fait d'elles en Europe. Cette considération suffirait peut-être pour justifier le succès qu'on promet à cette publication. On sait que l'édition originale était devenue rare et chère. Elle fut publiée en Allemagne, et le nombre des exemplaires qui est parvenu en France n'est pas très considérable. [...]".
La Notice historique sur J.-J. Mounier occupe les pages IX à LXXI, elle est signée des initiales A. M. (Alphonse Mahul d'après Quérard). Jean-Joseph Mounier (1758-1806) est l'un des grands noms des premières effervescences de la révolution française. Avocat de formation, Mounier est élu le premier député du Tiers état aux États généraux du Dauphiné, à l'unanimité des voix moins deux : la sienne et celle de son père. Il adresse de nombreux mémoires au gouvernement et publie, en février 1789, ses Nouvelles observations sur les États généraux de France, où il demande l'abolition des privilèges provinciaux, l'adoption d'une constitution inspirée des institutions anglaises, qui préserve la prérogative royale. Rapporteur du comité de Constitution à l'Assemblée constituante, il développe, le 9 juillet, les principes qui devront présider à l'élaboration de la Constitution et proclame la nécessité de la faire précéder d'une Déclaration des droits de l'Homme.
Après le renvoi de Necker, il propose, le 13 juillet, une adresse pour obtenir le rappel des ministres disgraciés mais dans des termes plus mesurés que ceux voulus par les membres de la gauche. Malgré Mirabeau, la motion de Mounier est adoptée.
Cependant, il s'inquiète des progrès de la Révolution, qui évolue dans un sens plus radical, et de l'agitation qui gagne le pays. Conséquemment à la nuit du 4 août 1789 qui fut marquée par l'abolition des privilèges de l’Ancien Régime, le 20 août 1789, Mounier présente à l'Assemblée Constituante les trois premiers articles de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en s'inspirant de propositions de divers députés et qui sont votés sans discussion, :
« Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
Art. 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.
Art. 3. Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément. »
Avec Mirabeau, il reste le seul auteur connu du préambule de ce texte. Lors des journées des 5 et 6 octobre 1789 (durant lesquelles 6 000 à 7 000 Parisiennes emmenées par Maillard, l'un des « vainqueurs de la Bastille », obligent la famille royale à séjourner au palais des Tuileries à Paris), il refuse, malgré les exhortations de Mirabeau, de quitter le fauteuil de la présidence et répond à ceux qui lui demandent du pain : « Le seul moyen d'obtenir du pain est de rentrer dans l'ordre ; plus vous massacrerez, moins il y aura de pain ». L'Assemblée le choisit pour conduire une délégation de femmes auprès du roi. Le 6, il conseille au roi la résistance.
Déçu dans ses projets politiques, il fuit Paris à l'instar d'autres députés monarchiens. Il se réfugie dans le Dauphiné (le 10 octobre 1789) et publie un plaidoyer en faveur de sa politique intitulé Exposé de ma conduite à l'Assemblée nationale et les motifs de mon retour en Dauphiné. Le 10 novembre, il envoie sa lettre de démission à l'Assemblée, avant de quitter la France sous un nom d'emprunt (M. Duverger) pour la Savoie, où l'attend sa famille, le 22 mai 1790. Mounier passe ensuite en Suisse d'où il publie un Les recherches sur les causes qui ont empêché les français d'être libres, puis il gagne l'Angleterre, l'Italie et finalement le duché de Saxe-Weimar, où le grand-duc Charles-Auguste lui suggère l’idée de former à Weimar, dans deux pavillons près de son château de Belvédère, une maison d’éducation destinée à préparer aux carrières publiques, en juillet 1797 ; il y enseigne la philosophie, le droit et l’histoire à un nombre assez considérable de jeunes gens, Anglais, Allemands et Français. Après le coup d'État du 18 Brumaire, il obtient sa radiation de la liste des émigrés et se prépare à revenir en France. Le 23 germinal an X (15 avril 1802), Napoléon Bonaparte, alors Premier consul, le nomme préfet d'Ille-et-Vilaine. Nommé membre de la Légion d'honneur, le 25 prairial an XII (14 juin 1804), il est présenté comme candidat au Sénat conservateur par son département. Cependant, le 11 pluviôse an XIII (31 janvier 1805), Napoléon préfère le nommer conseiller d'État. Désormais à l'abri des agitations et des revers, Mounier succombe à une affection du foie, à l'âge de 47 ans.
Références : Caillet, III,7832 : "cette œuvre qui jouit d'une juste réputation, tant dans son caractère impartial et à laquelle on est obligé de se référer constamment pour l'histoire de la Franc-Maçonnerie, est une source de documents des plus précieux. Après avoir traité de l'origine et de la constitution de la Franc-Maçonnerie, l''auteur donne les plus étonnants détails sur de nombreux personnages plus ou moins connus. On lira avec intérêt ce qui concerne : d'Alembert, Bailly, Barruel, Cagliostro, Voltaire etc." ; Revue encyclopédique, Volume 14, p. 151 : "Fatigué de la violence toujours croissante de nos pamphlets politiques, l'œil se repose avec plaisir sur l'ouvrage estimable d'un publiciste, assez fort pour se mettre au-dessus des passions qui devaient l'agiter, et pour juger avec calme et impartialité des événements dont les conséquences lui avaient été si funestes. C'est dans l'exil et froissé dans ses intérêts les plus chers, que Mounier a écrit son Essai sur les causes de la Révolution Française ; et cependant, aucune page de cet ouvrage n'offre l'expression de quelque sentiment de haine ou d'aigreur."
NDLR : Cet ouvrage est l'un des plus passionnants et des plus intéressants à lire que nous ayons lu sur cette période agitée.
Très bon exemplaire de cet ouvrage peu commun en belle condition d'époque.
Prix : 700 euros