CONDILLAC (Etienne Bonnot de)
Traité des Animaux, où après avoir fait des observations critiques sur le sentiment de Descartes et sur celui de M. de Buffon, on entreprend d'expliquer leurs principales facultés. Par M. l'abbé de Condillac, de l'Académie royale de Berlin. On joint à cet ouvrage un Extrait raisonné du Traité des Sensations.
A Amsterdam, et se vend à Paris, chez De Bure l'aîné et chez Antoine Jombert, imprimeur-libraire, 1755
1 volume petit in-8 (17,4 x 10,5 cm) de VII-232 pages.
Reliure strictement de l'époque plein veau brun granité, dos lisse, filets dorés, pièce de titre de maroquin rouge, tranches mouchetées de rouge, doublures et gardes de papier marbré. Bel état de fraîcheur de la reliure et de l'intérieur. Minime manque à l'extrémité de la coiffe supérieure.
Edition originale.
Le Traité des Animaux occupe les 184 premières pages et l'Extrait du Traité des Sensations occupe les pages 185 à 232 (fin).
Dans son Traité des animaux (1755), Étienne Bonnot de Condillac explore les facultés cognitives et sensibles des animaux, en les comparant à celles des humains, dans une perspective empiriste inspirée de Locke. Il soutient que, comme les humains, les animaux perçoivent le monde à travers leurs sens et manifestent une sensibilité réelle, mais leurs comportements restent majoritairement instinctifs et dépourvus de réflexion abstraite. Cette incapacité à généraliser des idées ou à développer un langage les distingue fondamentalement des hommes, dont les capacités cognitives sont amplifiées par la culture et la pensée réflexive. Condillac critique également le cartésianisme, rejetant l'idée des animaux-machines et leur reconnaissant des capacités d'apprentissage et de mémoire, bien que limitées. Toutefois, son anthropocentrisme reflète les limites de son époque, sous-estimant certaines aptitudes animales aujourd’hui démontrées. Cette œuvre illustre ainsi une étape majeure dans l'évolution des débats philosophiques sur la sensibilité animale et la place de l’homme dans la nature.
Étienne Bonnot de Condillac (1714-1780), philosophe français majeur des Lumières est connu pour son empirisme et sa réflexion sur la nature de l'esprit humain. Influencé par Locke, il développe l'idée que toutes les facultés humaines (mémoire, imagination, jugement) dérivent des sensations, une thèse qu'il expose dans son œuvre centrale, Traité des sensations (1754). Il y illustre comment une simple statue dotée de sens pourrait acquérir progressivement des idées et des connaissances. Parmi ses autres écrits, le Traité des animaux (1755) analyse les différences entre l'homme et l'animal, affirmant que les animaux possèdent une sensibilité mais manquent de conscience réflexive. Défenseur d'une pédagogie fondée sur l'expérience, Condillac laisse une empreinte durable sur la philosophie et la pédagogie en mettant l'accent sur l'importance des sensations et de l'apprentissage par l'expérience. Gabriel Bonnot de Mably (1709-1785), philosophe, était son frère.
"Le sentiment de Descartes sur les bêtes commence à être si vieux, qu’on peut présumer qu’il ne lui reste guère de partisans : car les opinions philosophiques suivent le sort des choses de mode ; la nouveauté leur donne la vogue, le temps les plonge dans l’oubli ; on diroit que leur ancienneté est la mesure du degré de crédibilité qu’on leur donne. [...] J’avoue que je me vois d’abord arrêté : car je ne puis comprendre ce qu’il [M. de Buffon] entend par la faculté de sentir qu’il acorde aux bêtes, lui qui prétend, comme Descartes, expliquer mécaniquement toutes leurs actions. Sentir signifie proprement ce que nous éprouvons, lorsque nos organes sont remués par l’action des objets ; et cette impression est antérieure à l’action de comparer. Si dans ce moment j’étois borné à une sensation, je ne comparerois pas, et cependant je sentirois. Ce sentiment ne sauroit être analisé : il se connoît uniquement par la conscience de ce qui se passe en nous. Par conséquent ou ces propositions, les bêtes sentent et l’homme sent, doivent s’entendre de la même maniere, ou sentir, lorsqu’il est dit des bêtes, est un mot auquel on n’attache point d’idée. Mais M. de B. croit que les bêtes n’ont pas des sensations semblables aux nôtres, parce que selon lui, ce sont des êtres purement matériels. Il leur refuse encore le sentiment pris pour l’action d’apercevoir et de comparer. Quand donc il supose qu’elles sentent, veut-il seulement dire qu’elles se meuvent à l’ocasion d’un choc ou d’une résistance ? l’analise du mot sentir, sembleroit le faire croire. Dans le sistême de Descartes on leur acorderoit cette espece de sentiment, et on croirait ne leur acorder que la faculté d’être mues. Cependant il faut bien que M. de B. ne confonde pas se mouvoir avec sentir. Il reconnoit que les sensations des bêtes sont agréables ou désagréables. Or, avoir du plaisir et de la douleur, est sans doute autre chose que se mouvoir à l’ocasion d’un choc. [...]" (extrait)
"In the Traité des Animaux (1755), directed in part against Buffon, CONDILLAC distinguished between the sensitivity of animals and the intellect of men largely on grounds of the superiority of the information conveyed by the human sense of touch". (Dictionary of Scientific Biography, III pp. 380-383)
Bel exemplaire grand de marge et en jolie reliure de l'époque de cet ouvrage important pour l'histoire des idées au XVIIIe siècle.
Prix : 800 euros