Charles Louis LE SUR ou LESUR
La France et les Français en 1817. Tableau moral et politique, précédé d'un coup d'oeil sur la Révolution. Par C. L. Le Sur.
Paris, H. Nicolle, Fantin et Delaunay, 1817 (de l'imprimerie d'Ange Clo)
1 fort volume in-8 (21,3 x 14 cm) broché de (8)-XXXVIII-496 pages. Couverture en papier rose avec pièce de titre imprimée (époque). Petite fente au dos, plats passés, néanmoins bon état du brochage qui est solide. Exemplaire tel que paru, non rogné. Papier chiffon de qualité, pratiquement sans rousseurs, très frais.
Edition originale.
« L'état de la France me fait peur, me disiez-vous il y a environ un an, non-seulement en ce qu'elle a de charges à supporter, mais en ce qu'il s'y trouve tant de gens qui ne peuvent pas s'entendre parce qu'ils ne veulent rien s'accorder. Il faut oublier, il faut pardonner, tout le monde a eu des torts : voilà ce qu'on ne cesse de se dire ! Mais on n'oublie pas, on pardonne encore moins, on ne perd jamais de vue les torts des autres ..., peut-être parce qu'on n'ose s'avouer les siens. Il ne nous a pas manqué depuis la restauration, d'ouvrages, et méme de bons ouvrages, où l'on a considéré des parties isolées de notre situation. Je voudrais un livre qui nous en fit connaître l'ensemble ; où l'on pût prendre une idée juste de l'état de notre population, de nos mœurs, de notre administration, de nos revenus, de nos dépenses, de nos rapports politiques, de nos dangers et de nos espérances, où l'on vît ce que la révolution nous a laissé de mal et de bien, ce que le régime constitutionnel nous promet, ce que nous sommes chez nous et ce que nous pouvons être en Europe. Pour composer un pareil ouvrage, ajoutiez-vous, il faudrait connaître les événemens, les hommes et les affaires : vouloir le bien et avoir le courage de le dire, être sans préjugés et presque sans intérêts, ce qui me fait craindre de ne pas voir paraître ce livre de sitôt. En méditant sur vos idées, je me laissai aller à l'espérance de faire un ouvrage utile ; et consultant plus mon zèle que ses difficultés, je l'entrepris, je l'achevai, je vous l'envoie, comme à son premier auteur. [...] Dans mes considérations sur l'état intérieur de la France, j'aime à croire que vous me trouverez tel que vous m'avez connu, étranger à toutes les factions de la révolution dont, à peine sorti du collège, j'ai combattu les excès, où je n'ai guère vu à louer que les exploits de nos guerriers, et dans le cours de laquelle j'étais d'abord trop jeune, puis trop franc, trop fier, trop peu cour tisan enfin pour parvenir. [...] Quant à la politique extérieure, étude laborieuse où j'ai consumé la plus belle partie de ma vie ; comme ses principes sont trop souvent à la merci des événemens, nul écrivain ne peut se flatter d'échapper à leur influence. Les souverains eux-mêmes s'y sont soumis. Notre devoir à nous est de chercher partout l'honneur et le bien de la France dans les circonstances que la fortune lui fait ; et à cet égard, je n'ai encore à désavouer aucun de mes écrits. Quand j'osai adresser a un grand monarque l'hommage d'un ouvrage historique qu'il était dans mes fonctions de faire pendant la guerre de Russie, ce prince daigna laisser tomber sur moi un regard qui m'a consolé de bien des injustices. Trouverais-je moins d'indulgence ou de faveur dans mon pays dont j'ai toujours servi, dont je veux toujours servir la cause ? [...]" (extrait de la Lettre à M. L. C*** en lui envoyant cet ouvrage)
Cet ouvrage est intéressant car il regroupe dans un seul volume de nombreuses données de l'état de la France en 1817 : sur la population générale de la France, sur l'agriculture et les propriétaires, sur l'industrie et les artisans, sur le commerce et les commerçants, à propos du clergé, à propos des nobles, des savants, des artistes, des gens de lettres, à propos des émigrés, à propos de l'armée, à propos des moeurs et des opinions, à propos de la monarchie et de la Charte, de la chambre des pairs et des députés, de l'ordre judiciaire, de l'administration publique, des finances, de l'Europe, du système politique, du Traité de 1815, etc. Le volume se termine par d'intéressants tableaux donnant le budget de la France en 1817 (celui à la Révolution en 1789) et aussi des informations démographiques et sociologiques sur les différentes classes de la société française.
L'auteur, Charles Louis Lesur ou Le Sur (1770-1849), né à Guise, vint à Paris au commencement de la Révolution et entra dans l'armée. Rapidement il suivit son penchant pour l'écriture et embrassa une carrière littéraire. Après quelques poésies et quelques pièces de théâtre il se tourna vers des études de droit et d'histoire qui lui permirent d'obtenir un poste au ministère des relations extérieures sous Talleyrand. Il fut nommé ensuite un des inspecteurs de la loterie de Paris, place qu'il conserva jusqu'en 1825. En 1811, il fit paraître : De la politique et des progrès de la puissance russe depuis son origine jusqu'au commencement du XIXe siècle, Paris, 1807, in-8° ; 2e édit., 1811. En 1810, il donna, sous le voile de l'anonyme, Mémoire sur la conduite de la France à l'égard des neutres, in-8°, et Tableau historique de la politique de la cour de Rome, depuis l'origine de sa puissance temporelle jusqu'à nos jours, in-8°, . En 1814 parut son Histoire des Kosaques, 2 vol. in-8°. Après la restauration, il fit paraître : La France et les Français en 1817, tableau moral et politique, qui eut une 2e édition l'année suivante et dont le succès lui donna l'idée de son Annuaire historique universel, dont le 1er volume parut en 1818. Cet ouvrage a été bien reçu par la critique et a eu une seconde édition l'année suivante et fut traduit en italien.
Bon exemplaire d'un livre très intéressant pour qui s'intéresse à l'histoire de la France au fil des années.
Prix : 350 euros