jeudi 16 décembre 2021

Révolution française. Anonyme. Le Dies Irae, ou Les Trois Ordres au Jugement dernier (février 1789). ""Voici donc le jour de la colère, de la justice et de la vengeance ! [...] ce jour enfin qui est au-dessus de tous les autres jours, doit abîmer dans les gouffres de l'oubli tous les siècles où l'humanité fut outragée. Puissance, orgueil, richesse, vanité, délire, en un mot, fanatisme des Prêtres, tyrannie des Grands, exactions des Ministres, insatiable avidité des Publicains, lâches complots des Magistrats, tout va disparaître en ce jour éclatant [...]". Brochure rare.

[REVOLUTION FRANCAISE] [Anonyme].

Le Dies Irae, ou Les Trois Ordres au Jugement dernier.

1789 [Février], S.l.n.n.

1 brochure in-8 (21,5 x 14,5 cm) de 16 pages y compris le titre. Cahier broché sur ruban de soie bleue d'époque. Très bon état. Quelques rousseurs. Tel que paru.

Edition originale et unique édition.

Très rare brochure révolutionnaire parue en février 1789 à l'occasion de la réunion des Etats-Généraux (si l'on en croit la date manuscrite ajoutée à l'époque sur la page de titre).

Nous avons pu déterminer qu'il existe deux tirages différents de cette brochure. A savoir un tirage en 11 pages sans page de titre et un tirage en 16 pages avec une page de titre. Nous ne pouvons dire avec certitude lequel des deux tirages a la priorité mais nous pensons que le tirage avec page de titre en 16 pages doit être un second tirage.

Quelques exemplaires seulement de l'un et de l'autre tirage ont pu être répertoriés dans les fonds publics français (CCfr) et dans le monde (WorldCat).

Cette brochure est rédigée sur le modèle emprunté aux rituels, évangiles, hymnes de l'église, etc., ici sur le modèle d'une complainte funèbre annonçant le Jugement dernier.

L'auteur de la Correspondance littéraire secrète (Paris, 8 mars 1789), indique que cette "complainte funèbre [a] de grands mouvements d'éloquence." Le texte s'ouvre sur ces mots : "Voici donc le jour de la colère, de la justice et de la vengeance ! Ce jour terrible que, pour s'y soustraire, tous les coupables avaient feint de réclamer ; ce jour enfin qui est au-dessus de tous les autres jours, doit abîmer dans les gouffres de l'oubli tous les siècles où l'humanité fut outragée. Puissance, orgueil, richesse, vanité, délire, en un mot, fanatisme des Prêtres, tyrannie des Grands, exactions des Ministres, insatiable avidité des Publicains, lâches complots des Magistrats, tout va disparaître en ce jour éclatant ; et nous en avons pour oracles certains, Louis XVI, Necker et la raison." Suivent différents paragraphes titrés en latin de manière très explicite, tels : Mors stupebit et Natura (la mort et la nature seront stupéfait) ; Rex tremendae majestatis (Roi d'une immense majesté) ; Lacrimosa dies illa (la journée des larmes) ; etc.

Ce Dies irae (jour de colère) est un texte résolument tourné vers la défense du peuple mais ne nie pas l'importance du roi dans le processus des Etats-Généraux qui s'engage alors. L'auteur écrit : "Roi juste, mais terrible, ne daignez frapper que les coupables d'épouvante ; que Votre Majesté qui ne fait grâce qu'à ceux qui le méritent, qui n'en tire aucun tribut pour elle-même, mais qui heureusement pour la Nation, n'ignore plus que les grâces ont fait jusqu'ici la fortune des plus grands prévaricateurs qui les distribuent ; que Votre Majesté excepte son Peuple de ses juste vengeances, et qu'elle le sauve en ce jour d'éclat où elle doit étonner le juste, confondre le méchant, et punir le criminel." L'auteur resté anonyme conclut son réquisitoire en faveur du peuple humilié par ces mots : "O Sire, hâtez-vous de mettre chacun à la place qui lui convient, et pardonnez à tous. C'est votre pauvre Peuple qui vous demande la grâce des coupables : il abandonne aux grands seigneurs les plaisirs de la rancune et de la vengeance. La paix est le seul bien où il aspire, parce que c'est d'elle seule que peuvent renaître le bonheur et l'égalité."

L'auteur voir la réunion des Etats-Généraux comme le Jugement dernier tant attendu par un Peuple trop longtemps humilié et méprisé, il veut y voir la fin du despotisme non pas du roi, mais celui de la noblesse, de la magistrature et de la prélature.

Très bon exemplaire tel que paru de cette brochure pré-révolutionnaire rare.

Prix : 350 euros