[PEYTEL (Benoît)]
Physiologie de la poire. Par Louis Benoît, jardinier.
Paris, chez les libraires de la Place de la Bourse, et ceux du Palais-Royal, 1832 (imprimerie de Auguste Mie)
1 volume in-8 (22,6 x 14,7 cm) broché de XXX-(2)-270 pages. 1 vignette de titre (poire) et 15 culs-de-lampe gravés sur bois (certains d'après Grandville, certains répétés). Couverture beigne imprimée avec vignette gravée sur bois. Rousseurs éparses acceptables. Papier vélin. Couvertures en bon état malgré de petites fentes au papier du dos et un petit manque angulaire au second plat.
ON JOINT :
1 prospectus pour la seconde édition de la Physiologie de la poire. 4 pages. Avec vignette gravée sur bois. Très bon état. En réalité un tract publicitaire, la seconde édition n'étant qu'une remise en vente de la première, sans changements, le livre connaissant un énorme succès de librairie et de scandale.
Edition originale.
La page de titre et la couverture sont sans aucune mention d'édition (signe de tout premier tirage). Il existe des exemplaires avec mention de quatrième édition sur la couverture.
"La Physiologie de la Poire est un livre pétillant d'esprit et de malice, un livre qui fera rire bien des gens, non pas tous, car il y a force Poiricoles et Poirivores qui ne goûteront pas du tout ce livre-là, aussi les journaux ministériels ne nous ont pas encore annoncé que quelqu'un ait daigné en accepter la dédicace et en ai fait prendre cent exemplaires pour les bibliothèques royales. Cependant rien n'a été négligé pour l'exécution typographique de ce livre ; la plupart des vignettes et autres ornements ont été gravés exprès pour le sujet, et l'artiste y a mis autant d'esprit que de talent." (extrait du prospectus pour la seconde édition).
Le volume se vendait 7 francs 50 à Paris à la librairie de la rue des Filles-Saint-Thomas, n°1, Place de la Bourse ; à Lyon, chez Auguste Baron et Clément ; à Marseille, chez Camoin ; à Bordeaux chez Lawolle.
L'auteur, Louis Benoît, jardinier, de son vrai nom Sébastien-Benoît Peytel, connut un destin des plus tragiques. Dans les années qui suivirent ce violent pamphlet contre le gouvernement du roi des français Louis-Philippe. C’est lors d’une audience de Cour d’assises relative à la parution, dans son journal La Caricature, d’une lithographie politique hostile à Louis-Philippe, que le caricaturiste Charles Philipon croque le roi sous la forme d’une poire et publie dix jours plus tard le fruit de son travail, initiant plusieurs années d’une lutte farouche contre le gouvernement (14 novembre 1831). L'évènement prit une ampleur bientôt incontrôlable. Devenue ainsi populaire, la poire fut crayonnée, charbonnée sur tous les murs par le gamin de Paris, trop heureux de pouvoir, au sortir de l’école, fronder le gouvernement. La caricature pousse la plaisanterie jusqu’à nous montrer Louis-Philippe pinçant son fils au moment où il se livre à cet amusant exercice sur les murs du château royal. Notre auteur, Sébastien-Benoît Peytel, fort de ce succès de scandale, s'installa comme notaire à Belley (Ain). Alors qu'ils étaient en voiture pour un déplacement, Peytel fut accusé du meurtre de son épouse et de son domestique. Son histoire et le procès qui s'ensuivit défraya alors la chronique. Honoré de Balzac et Gavarni soutinrent tous deux l'innocence de Peytel qui fut malgré tout condamné à mort et guillotiné à Bourg-en-Bresse le 28 octobre 1838. Cette sombre affaire encore aujourd'hui nimbée d'un épais voile de mystère semble pourtant comporter tous les indices d'une erreur judiciaire dont ce sont fait l'écho plusieurs personnalités dont le célèbre avocat Maurice Garçon. Par ailleurs, le bâtonnier de Lyon, Pierre-Antoine Perrod a, dans un ouvrage paru chez Hachette en 1958, démontré l'erreur judiciaire. Sans doute cet ouvrage anti-système, anti-Louis Philippe, cette Physiologie de la Poire, a-t-il contribué à le faire condamner à la peine capitale.
Le prospectus de 4 pages pour la seconde édition, éphémère par essence, est de la plus grande rareté.
"Les divagations du pseudo-botaniste tissent une toile de commentaires mordants sur Louis-Philippe, son entourage familial et le régime politique de la monarchie de Juillet. Nouée à la sédition contre le pouvoir royal, la mystification excentrique à laquelle se livre Peytel constitue une énorme blague qui pointe néanmoins une double crise au niveau de la représentation esthétique et politique. Exploitant tous les effets fantasmagoriques de l'identification du roi à une poire, le texte de Peytel se fait également iconoclaste et remet en cause l'imaginaire sacerdotal." (Nesci, "Fragments d un discours séditieux", 2017).
Bon exemplaire, broché, non rogné, avec le rarissime prospectus pour la seconde édition (en réalité la même édition que la première - il s'agit donc plus d'une publicité qu'un véritable prospectus pour une nouvelle édition).
Rare.
Prix : 1.000 euros