MERCIER DE COMPIEGNE (Claude-François-Xavier MERCIER, dit)
La vie, les amours, le procès et la mort de Marie Stuart, reine de France et d'Ecosse ; décapitée à Londres le 18 février 1587, âgée de 44 ans. D'après les pièces originales.
A Paris, chez Girouard et Mercier, 1793
1 volume in-8 (19,7 x 12,6 cm) de (6)-154 pages. Portrait de Marie Stuart en frontispice par Blanchard. Vignette ovale sur la page de titre montrant une scène de décapitation d'une femme. Dérelié (couverture muette factice de papier blanc ancien). Tranches mouchetées de bleu. Excellent état. Intérieur très frais.
Edition originale rare.
Les pages i à Viii contiennent un texte d'introduction intitulé : "Aux hommes de tous les temps et de tous les pays.". Ce texte de Mercier de Compiègne explique le but de cet ouvrage publié dans le contexte brûlant de la révolution française et pendant le procès du roi de France Louis XVI. "[...] Gardez-vous de croire, vous qui me lirez, que mon but ait été de diriger, de subjuguer votre opinion ; non : vous êtes libres comme moi. Gardez-vous de croire aussi que, suivant l'impulsion générale, j'aie voulu encenser les idoles du jour, et voter la mort de ceux qui, n'ayant d'autre crime que d'avoir régné dans un temps où la liberté les menaçait de la subversion totale de leurs droits, ont disputé les restes de leurs propriétés à ceux qui se croyaient le droit de les envahir. Aussi éloigné d'appeler la hache sur la tête d'un roi qui ne l'est plus, et qu'on ne doit pas punir pour avoir été conduit par des ministres follement entêtés de sa gloire, que de le justifier du tort irréparable à vos yeux, d'avoir régné ; je jouirai, quelle que soit l'issue de ce mémorable procès, de la liberté imprescriptible que vous ne pouvez ôter à la pensée ; et me renfermant dans le cercle des obligations imposées à tout bon citoyen, je défierai le plus sévère d'entre vous de prouver que j'aime l'esclavage et les rois ... [...]. M'accusera-t-on d'avoir voulu établir des rapprochements entre Marie Stuart et Marie Antoinette ? Oui et non [...] Louis XVI était roi ; il a voulu l'être encore, peut-être malgré tout le monde, et peut-être malgré lui ; mais dans tous les cas pour le bien de tous. Mais la reine, dont on supposera que j'ai voulu établir le parallèle avec celle d'Ecosse, qu'a-t-elle fait ? Accusée depuis longtemps par l'opinion publique et particulière, mais absolument nulle dans les opérations politiques, par les loix qui ne chargent d'aucune responsabilité la femme en puissance de mari, il faut être assez juste pour ne pas l'attaquer, ou assez généreux pour l'absoudre. [... Je déteste les rois avec autant de cordialité que nos plus enthousiastes républicains de 1792. [...]"
Le texte principal est tiré de la "Cour sainte" du père Nicolas Caussin (Cf. Barbier, Dictionnaire des ouvrages anonymes). Cependant, Mercier de Compiègne a semble-t-il largement réécrit le texte original. Il y a ajouté un parallèle de Marie Stuart et d'Elizabeth d'Angleterre, ainsi qu'un portrait de chacune d'elles et un éloge funèbre de Marie Stuart (et une notre sur l'ouvrage).
L'histoire de ce volume est notable. Le libraire Girouard fut condamné comme contre-révolutionnaire. On retrouva chez lui lors de son arrestation des exemplaires d'ouvrages imprimés allant à l'encontre des idées révolutionnaires. La vie, les amours, le procès et la mort de Marie Stuart (1793) fut de ces volumes retrouvés. Condamné à mort à l'issue d'un simulacre de procès, le libraire Girouard fut exécuté à Paris le 8 janvier 1794. Les livres saisis chez lui (dont Marie Stuart) furent détruits au pied de l'échafaud. Quelques exemplaires avaient du circuler et ont survécu à la destruction commandée par la justice révolutionnaire. Lire à ce sujet l'article que nous avons publié récemment sur le Bibliomane moderne (Liberté de la presse et révolution française. GIROUARD (Jean-Joseph), imprimeur-libraire, condamné à mort et exécuté à Paris le 8 janvier 1794. Persécutions des journalistes et des libraires pendant la Terreur GIROUARD (Jean-Joseph) imprimeur-libraire. Par Alfred Bégis. Article a été publié la première fois dans la revue Le Livre dirigée par Octave Uzanne (1884, Bibliographie rétrospective, pp. 177-190).
Mercier de Compiègne ne fut, semble-t-il, pas inquiété pour ce même ouvrage. Claude-François-Xavier Mercier (1763-1800), dit Mercier de Compiègne (né à Compiègne (Oise) le 1er août 1763 et mort à Paris en 1800), était un écrivain, éditeur et compilateur français, connu surtout pour ses ouvrages satiriques et libertins. Il fut secrétaire du Chevalier de Jaucourt puis commis dans les bureaux de la marine. Sans ressources pendant la révolution française il donna un très grand nombre d'ouvrages en tous genres et pour les vendre ouvrit une librairie. Il ne manquait ni de talent ni, surtout, de facilité, et tournait agréablement les vers, dont il publia quelques pièces dans l’Almanach des Muses et les Étrennes d'Apollon. Comme auteur et éditeur, son nom est resté attaché à des contes et poèmes érotiques tels que Les Veillées du couvent, ou le Noviciat d’amour et Le Bréviaire des jolies femmes, destinés à un public libertin. Mercier de Compiègne ne fit cependant jamais fortune : la Convention le porta sur la liste des gens de lettres à qui elle accordait des secours. Avant de mourir à l'âge de 37 ans, il fonda en 1800 une revue mensuelle, Le Furet littéraire, qui n'eut qu'un numéro.
Bon exemplaire de ce livre condamné et brûlé en même temps que son libraire-éditeur fut exécuté.
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