Louis PHILBERT (avocat). En collaboration avec Léon HARDOIN et Edouard DELEPOUVE.
De l'Esprit, du Comique, du Rire. Par Louis Philbert.
Paris, Imprimerie Jules Claye (A. Quantin, successeur), 1876
1 volume in-8 (23,5 x 16 cm) de (6)-261-(1) pages.
Reliure demi-maroquin rouge à larges coins, dos à nerfs richement orné aux petits fers dorés, tête dorée, non rogné pour les autres tranches. Reliure signée AMAND. Excellent état.
Edition originale.
Exemplaire de dédicace offert par l'auteur à son confrère Léon Renault.
De l'Esprit, du Comique, du Rire, de Louis Philbert a été récompensé par un prix de l'Académie française en 1884 (pour la seconde édition augmentée de 1883).
Ce travail académique très sérieux qui envisage toutes les facettes du rire, des ressorts comiques et de l'esprit d'intelligence, n'a pas fait l'unanimité à l'époque. A. Michiels accuse même son auteur d'avoir puisé dans ses propres idées pour composer ce travail. Plusieurs auteurs s'étaient déjà occupé de disserter du rire et du comique : Lamennais dans son Esquisse d'une philosophie (1841-1846) repris ensuite dans L'Art du Beau (1872) ; Publié d'abord dans des revues en 1855 et 1857, « De l'essence du rire » de Baudelaire connaît une diffusion confidentielle jusqu'à l'édition des Curiosités esthétiques en 1868. Le rire a la réputation de tenir en échec ceux qui l'interrogent. Chaque auteur se plaît à dresser le bilan des travaux antérieurs avant d'exposer à son tour une théorie qu'il estime satisfaisante. A. Michiels y consacre son existence (on comprend mieux son point de vue sévère sur l'ouvrage de Philbert). Sa préface aux Œuvres de Regnard expose une thèse qu'il reprend et développe une trentaine d'années plus tard dans Le Monde du comique et du rire (1886). Il ne cache pas alors la joie qu'il éprouve d'avoir mis au jour l'explication que les penseurs recherchent depuis toujours : « j'ai fait pour l'humanité une conquête intellectuelle [...] Nul n'éprouvera la bienfaisante action du rire sans me devoir de la reconnaissance ». Encore une fois les attaques de Michiels envers Philbert semblent sinon justifiées tout au moins répondre à la volonté de Michiels d'être l'homme qui traite du rire et du comique dans le monde des lettres à travers les siècles depuis son « Essai sur le talent de Regnard et sur le comique en général » (préface des œuvres complètes de Regnard, Paris, 2 vol., 1854). Laissons aux spécialistes académiques le soin de trancher ce genre de querelles d'ego bien connues du milieu.
Provenance : de la bibliothèque de Léon Renault (1839-1933), avocat et homme politique. Républicain modéré, il est nommé préfet du Loiret (1871) puis préfet de police (1871-1876). Élu député dans la circonscription de Corbeil en février 1876, il siège au Centre gauche et il est signataire, lors de la crise politique de mai 1877, du manifeste des 363. Réélu en octobre 1877, il est cependant battu en août 1881. Il se présente alors dans la circonscription de Grasse, en février 1882, et remporte les élections. Il devient ensuite sénateur des Alpes-Maritimes, en janvier 1885, mais ne se représente pas en 1894. Il a été également conseiller général de Cagnes (1883-1889). Il est fait chevalier de la Légion d'honneur (1873), officier en 1875. Dans les années 1880, il demeure au 8 de la rue Murillo à Paris, près du parc Monceau.
Les reliures signées Amand sont rares. Ce jeune relieur fut loué par Octave Uzanne à maint reprises dans plusieurs ouvrages. "[Amand] lutte pour le triomphe de ses idées et qui n'est suivi que par un petit nombre de fidèles et de curieux, amis de la fantaisie originale. - Je ne discuterai pas la facture des ouvrages de M. Amand, le poussé de ses dorures, la perfection de ses dos, l'équerre de ses plats, l'élégance de ses nerfs ou le poli de ses maroquins [...] Ce que je sais, c'est que maître Amand, tout en reliant très honnêtement et très artistiquement, est un des ouvriers contemporains qui ont montré le plus d'efforts et d'ingéniosité réelle pour créer la pleine reliure, allégorique ou emblématique [...] M. Amand eût mérité vingt fois les encouragements des différents jurys, mais tous les braves gens qui composent ces sortes de commissions sont traditionnaires eux aussi, très fermés aux idées d'art léger, au progrès qui brise les formules, et ils pensent dans leur étroitesse bourgeoise que sortir du convenu c'est aussi offenser les convenances. - Il est regrettable que M. Amand ait été frappé d'une brutale hémiplégie qui lui interdit momentanément tout travail personnel ; ses ouvriers seuls sont là pour imiter ses jolies combinaisons de mosaïque, et de plus il est assez heureux pour pouvoir les guider chaque jour dans leurs travaux." (Octave Uzanne). Amand était originaire de Gerchy dans l'Yonne. Frappé d’hémiplégie en 1885, son matériel fut repris par Giraudon, maroquinier-relieur, 1 rue Thérèse, en 1888. Amand mourut le 10 janvier 1899 dans le dénuement le plus complet à Ivry, à la maison des incurables. (Fléty, Dictionnaire des relieurs français de 1800 à nos jours. Paris, Technorama, 1988, p. 11).
Cette impression constitue l'une des toutes premières impressions réalisées par le jeune imprimeur Albert Quantin (26 ans), qui vient juste de prendre la direction de l'imprimerie Jules Claye. Albert Quantin ne possède pas encore sa marque de libraire.
Bel exemplaire de dédicace finement relié à l'époque par Amand.
Prix : 600 euros