mercredi 4 novembre 2020

Spanheim. La papesse Jeanne (1758). Bel exemplaire dans une fine reliure en maroquin du milieu du XIXe siècle (Chipot). La légende d'une femme devenue pape au IXe siècle ... accouchée d'un enfant !

 

SPANHEIM (Frédéric) [Des Vignoles, A., annotateur - Jacques Lenfant, traducteur].

Histoire de la papesse Jeanne, fidèlement tirée de la dissertation latine de M. de Spanheim, premier professeur en l'université de Leyde. Nouvelle édition augmentée et ornée de figures.

A La Haye, aux dépens de la compagnie, 1758

2 tomes reliés en 1 volume in-12 (17 x 10,5 cm) de (52)-331-(5) et (4)-328-(4) pages. 5 gravures hors-texte dont une planche dépliante.

Reliure plein maroquin vert sombre, dos à nerfs richement orné aux petits fers dorés, plats orné d'un encadrement doré composé d'un encadrement de double-filet doré entouré d'un jeu de petits fers dorés, filet doré sur les coupes, roulettes dorées en encadrement intérieur des plats, doublures et gardes de papier peigne, tranches dorées sur marbrure (reliure signée CHIPOT - relieur actif au milieu du XIXe siècle - inconnu à Fléty, Dictionnaire des relieurs français ayant exercé de 1800 à nos jours - reliure de la qualité d'un Chambolle-Duru, Trautz-Bauzonnet, David, Lortic, etc.). Reliure fraîche ayant très bien conservé sa couleur (dos légèrement passé - très peu visible). Intérieur très frais (papier uniformément teinté), probablement lavé et réencollé.

Nouvelle édition.

La papesse Jeanne est un personnage légendaire, qui, au IX e siècle, aurait accédé à la papauté en se faisant passer pour un homme. Son pontificat est généralement placé entre 855 et 858, c'est-à-dire entre celui de Léon IV et Benoît III, au moment de l'usurpation d'Anastase le Bibliothécaire. La légende s'est développée au cours du Moyen Âge. La première mention connue de la papesse se trouve dans la Chronica universalis de Jean de Mailly, du couvent de Metz, rédigée vers 1255. Un jour qu'il montait à cheval, il engendra un enfant et, aussitôt, la justice romaine lui lia les pieds et le fit traîner, attaché à la queue d'un cheval ; il fut lapidé par le peuple sur une demi-lieue et on l'enterra là où il mourut ; en cet endroit on inscrivit : Pierre, Père des Pères, Publie la Parturition de la Papesse. Sous son pontificat, fut instauré le Jeûne des Quatre Temps, qu'on appelle Jeûne de la Papesse. Les passages dans des textes antérieurs, dans le Liber Pontificalis, chez Marianus Scotus, Sigebert de Gembloux, Othon de Freising, Richard de Poitiers, Godefroi de Viterbe (1125-1202) et Gervais de Tilbury, sont des interpolations tardives, généralement du XIVe siècle. La légende se propage ensuite rapidement et sur une large étendue géographique, ce qui laisse supposer qu'elle existait déjà auparavant et que le dominicain se soit contenté de la consigner par écrit. Vers 1260, l'anecdote se retrouve chez Étienne de Bourbon, également dominicain et de la même province ecclésiastique que Jean de Mailly, dans son Traité des divers matériaux de la prédication. C'est surtout le récit qu'en fait le dominicain Martin le Polonais, chapelain de plusieurs papes, dans sa Chronique des pontifes romains et des empereurs, vers 1280, qui lui assure le succès. La légende est rapidement reprise à des fins polémiques. Le franciscain Guillaume d'Ockham dénonce une intervention diabolique en la personne de Jeanne, qui préfigure celle de Jean XXII, adversaire des « spirituels » (dissidents franciscains). Lors du Grand Schisme d'Occident, l'histoire de Jeanne prouve, pour les deux partis, la nécessité légale d'une possibilité de déposition. Jan Hus la mentionne devant le concile de Constance pour remettre en cause le principe de la primauté romaine : pour lui, Jeanne a définitivement mis fin à la succession apostolique. Il est suivi sur ce point par Calvin, puis par Théodore de Bèze qui soutient cette thèse au colloque de Poissy. De son côté, Luther témoigne avoir vu en 1510 un monument en l'honneur de la papesse, la représentant en habits pontificaux, un enfant à la main ; il conclut à l'endurcissement irrémédiable d'une papauté qui ne prend même pas la peine de détruire un tel édifice. En Angleterre, le mouvement anti-papiste qui suit la création de l'Église anglicane produit un grand nombre de récits sur la papesse. À l'époque élisabéthaine, le mouvement culmine dans de fausses processions qui brûlent le pape en effigie : dans le même temps, sont publiés « Un cadeau pour les papistes : vie et mort de la papesse Jeanne, où l'on prouve à partir d'ouvrages imprimés et de manuscrits d'écrivains papistes et d'autres, qu'une femme nommée Jeanne a bien été pape de Rome, où elle a accouché d'un bâtard en pleine rue, alors qu'elle prenait part à une procession solennelle » publié de manière anonyme en 1675, généralement attribué à Humphrey Shuttleworth, « L'Histoire de la papesse Jeanne et des putains de Rome » et surtout une tragédie, « La Femme prélat : histoire de la vie et de la mort de la papesse Jeanne », d'Elkanah Settle, qui ajoute de nouvelles péripéties au récit médiéval. Les premières attaques protestantes poussent l'érudit Onofrio Panvinio, moine augustin, à rédiger en 1562 la première réfutation sérieuse de la légende dans sa Vitæ Pontificum (Vie des Papes). Il est suivi par un juriste français, Florimond de Raemond, dans un ouvrage publié d'abord en 1587 de manière anonyme, Erreur populaire de la papesse Jeanne (également connu par la suite sous le titre L'Anti-Papesse), qui sera réédité quinze fois. Au XVIIe siècle, les luthériens se rallient à cette argumentation4. Rendant compte de l’ouvrage d’Alain Boureau dans la Bibliothèque de l'École des chartes, Bruno Galland précise que « les calvinistes eux-mêmes, à partir de 1647, renoncèrent à exploiter l’histoire de Jeanne, soucieux de trouver contre l’Église des arguments plus solides » après avoir écrit « lorsque les luthériens utilisèrent l’histoire de Jeanne pour attaquer les faiblesses de l’Église, cette dernière modifia son attitude et démontra rapidement et sans peine, au prix d’exposés érudits, comme ceux d’Onofrio Panvinio en 1562, repris par les Jésuites, que Jeanne n’avait jamais existé. »









La première édition de cet ouvrage a paru en 1694 (les figures ont été progressivement ajoutées dans les éditions au cours du XVIIIe siècle). Il en existe de nombreuses éditions démontrant son succès (1720, 1738, 1758, etc.). La planche dépliante dite de "la procession" montre la papesse jeanne accouchant de son enfant au milieu de la foule. Une autre planche montre le siège pontifical permettant de vérifier que le pape est bien un homme (

Le deuxième tome renferme les documents et preuves historiques. La traduction de l'ouvrage entier est de A. de Vignoles. Frédéric Spanheim, qui tente d'accréditer ici la légende, était un théologien protestant né à Genève en 1632.




Référence : Caillet, Bibliographies des sciences psychiques et occultes, III, n°10290 (édition de 1720).

Provenance : aucune marque de provenance.

Bel exemplaire finement établi au milieu du XIXe siècle.

VENDU