Pierre Charron.
De la Sagesse. Trois livres. Par Pierre Charron, parisien, docteur es droitcs. Suivant la vraye copie de Bourdeaux.
A Amsterdam, chez Louis et Daniel Elzévier, 1662
1 volume in-12 (137 x 80 mm - Hauteur des marges : 132 mm.) de (14)-622-(8) pages. Frontispice gravé à l'eau-forte.
Reliure plein maroquin vieux rouge, dos à nerfs richement orné aux petits fers, triple-filet doré en encadrement des plats, roulette en encadrement intérieur des plats, doublures et gardes de papier bleu, tranches dorées (reliure du milieu du XVIIIe siècle). Reliure très bien conservée, intérieur très frais.
Le frontispice gravé est identique à celui des éditions elzéviriennes de 1646, 1656 et 1659. La Sagesse personnifiée par un femme nue sur un piédestal, couronnée de rameaux de laurier et d'olivier en signe de victoire et de paix. Derrière elle, se déploie la devise de la Sagesse et celle de Charron sur deux phylactères : Je ne sais et Paix et peu.
Cette édition de 1662 est la seule véritablement donnée par les Elzévier. Elle a été très bien exécutée. C'est une très belle impression en beaux caractères des imprimeurs Louis et Daniel Elzévier à Amsterdam, sur beau papier. Exemplaire qui n'a pas été lavé et qui est resté très pur, très frais, dans sa reliure ancienne en maroquin.
Pierre Charron, dit-on, était fils d'un libraire qui eut 25 enfants ! Il suivit des études de philosophie et de droit. Il exerça d'abord la profession d'avocat, puis reçut les ordres, et se fit bientôt un nom par ses prédications. Marguerite de Navarre en fit son prédicateur. Plusieurs évêques l'attirèrent auprès d'eux, et il séjourna comme théologal à Bazas, Lectoure, Agen, Cahors, Condom, où il acheta une maison et y fit graver sur un linteau : « Je ne sais », Bordeaux. Dans cette dernière ville, il rencontra Montaigne avec qui il se lia d'une grande amitié de dix ans et qui eut une grande influence sur son œuvre. Il adopta bientôt sa philosophie. Montaigne le désigna comme héritier du blason de sa maison. Charron reconnut plus tard ce témoignage d'affection et d'estime en instituant le beau-frère de Montaigne son légataire universel. En 1595, il fut envoyé à Paris comme député à l'assemblée du clergé et devint secrétaire de cette assemblée. Il mourut d'apoplexie à Paris en 1603.
Il composa son Traité de la Sagesse publié en 1601 à Bordeaux, après d'autres ouvrages concernant la religion, et qui présentait un catholicisme orthodoxe, répondait aux attaques dont il était l'objet et provoqua un scandale : il y défendait la tolérance religieuse, ce qui le fit accuser d'athéisme. « Nous sommes circoncis, baptisés, juifs, mahométans, chrestiens avant que nous sachions que nous sommes hommes. ». Il séparait ainsi la religion de la morale (morale appuyée sur la nature), ouvrant l'espace d'une pensée laïque. C'est encore un des meilleurs traités de morale connu au XIXe siècle ; mais on y trouve quelques propositions hasardées qui en firent longtemps défendre l'impression et le firent mettre à l'Index Librorum Prohibitorum à Rome. Des pamphlétaires, jésuites en particulier, l'attaquèrent vigoureusement et les critiques continuèrent bien après sa mort, l'accusant de plagiat à l'égard de Montaigne et des auteurs de l'antiquité. Il imita également le style de Montaigne, mais il avait moins de grâce et de naïveté. Charron a aussi laissé un Traité des Trois Vérités (existence de Dieu, vérité du Christianisme, vérité du Catholicisme), 1594, fort estimé, et un Abrégé du Traité de la Sagesse. Avant Spinoza et son Éthique, l'idée « Dieu c'est-à-dire la nature » est exprimée par Pierre Charron, ce qu'a particulièrement relevé Michel Onfray. Descartes s'inspirera de sa méthode du doute pour la rédaction du Discours de la méthode.
Provenance : signature ex libris Déperet Méd(ecin). Peut-être Gabriel Déperet (?-?), médecin, élu député de la Haute-Vienne (1791-1792) et qui fut ensuite juge de pais à Limoges.
Référence : Willems, Les Elzévier, n°1281, p. 325.
Bel exemplaire de la seule véritable édition elzévirienne de ce traité philosophique.
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