Beaux livres anciens et modernes - Bibliophilie - Reliures - Editions originales - Livres illustrés - Estampes - Dessins - Photographies - Bertrand Hugonnard-Roche, Bibliophile - libraire.
vendredi 13 septembre 2019
Pierre Manuel. La Police de Paris dévoilée (1791). Dénonciation des abus du pouvoir d'ancien régime en matière de police (presse, librairie, etc.), lettres de cachet et emprisonnement abusif.
Pierre-Louis Manuel.
La Police de Paris dévoilée, par Pierre Manuel, l'un des Administrateurs de 1789. Avec gravure et tableaux.
A Paris, chez Garnery, libraire, à Strasbourg chez Treuttel, à Londres, chez de Boffe, l'an second de la liberté (1791) [de l'imprimerie de Fiévée, rue Serpente, n°17 - qui est aussi l'adresse du libraire Garnery].
2 volumes in-8 (21,5 x 14 cm) brochés de 402-(3) et 330 (mal chiffrée 230)-(3) pages. Frontispice gravé. Tableaux dépliants. Couvertures d'époque de papier rose. Couverture usagée avec manques et en partie détachées, dos fendillés, non rogné. Quelques coins roulés en début et en fin des volumes. Intérieur frais. Complet.
Édition originale.
La plupart des catalogues (y compris le catalogue de la Bnf / Gallica et d'anciens catalogues de vente) ont confondu l'an second de la liberté (1791) avec l'an second de la République (1793). La Police de Paris dévoilée a paru à la fin du mois de juin 1791 (voir les Révolutions de Paris qui en informe ses lecteurs après la date du 22 juin). Louis Prudhomme écrit alors : "Cet ouvrage attestera à la postérité l'infamie des rois, et tout l'odieux d'un gouvernement pourri. Le seul règne et Louis XVI fournit une carrière de seize années de crimes et de lettres de cachet qui, presque toutes, ont eu pour objet la proscription de têtes innocentes. Tantôt ce sont d'honnêtes gens, [...], Pierre Manuel a eu besoin de tout son courage pour fouiller dans la sentine de la police, et en tirer des noms flétris, qui naguère étaient encore respectés. L'article de la police sur la librairie suffirait seul pour prouver à quel degré d'avilissement était tombé le gouvernement français. Au soin qu'on prenait pour enchaîner la presse, étouffer la voix de ceux qui avaient encore la force de se plaindre, on sent que le crime était sur le trône, et que le peuple avait la gorge sous le couteau des tyrans. Le plus léger soupçon suffisait pour exposer l'asile d'un imprimeur, d'un libraire, à être pillé par une brigade d'espions, de voleurs et de commissaires. [...]. La police des prêtres et des moines est un objet de scandale et de turpitudes, qui justifie pleinement la réforme du clergé [...]."
Après avoir participé activement aux événements de juillet 1789, il devient membre de la municipalité provisoire de Paris, et « administrateur de la police, du département de la librairie, des spectacles et attributions accessoires » ; il intègre le club des Jacobins. En septembre 1791, il est élu procureur syndic de la municipalité de Paris, responsable de l’exécution des lois et arrêtés. Suspendu un temps par le directoire du département de Paris, il est défendu par la Législative qui lui rend sa place. Bras droit du maire Pétion, il l'accompagne de son action. Il est ainsi l'un des instigateurs de la journée du 20 juin 1792. Le 30 juillet, la Législative décrète la suppression de la Commune, mais, menacée d'une insurrection par Manuel, elle n'en fait rien. Il soutient toujours l'action de Pétion et des 47 sections lors des journées du 3 au 10 août 1792 comme membre de la commune insurrectionnelle. Le 13 août, il est nommé procureur syndic de la Commune de Paris et après en avoir fait proposition devant l'Assemblée, il escorte Louis XVI à la prison du Temple. Il est jusqu'à sa mort en fréquente relation avec le souverain déchu auquel il apprend en personne l'instauration de la République. Chargé par le conseil général de l'Assemblée d'assurer la tranquillité du Temple le 3 septembre, son rôle dans les massacres de Septembre est controversé. Certains témoignages l'accusent de laxisme, d'autres, comme celui de Pierre-Jean-Baptiste Nougaret, lui prêtent une complicité avec les massacreurs. Selon d'autres sources, peu avant les Massacres, il requiert la sortie des prisonniers pour dette ainsi que celle de Mme de Tourzel et de Jean-Jacques Duval d'Éprémesnil. Il se défend avec véhémence de toute responsabilité dans les événements, accuse la ville de Paris d'être complice, selon ses termes, de cette « Saint-Barthélémy des Français » et ses propos suscitent une dispute au club des Jacobins avec son collègue Jacques Alexis Thuriot. Élu à la Convention nationale, comme député de la Seine, il est nommé « commissaire chargé de rendre compte de l'état de la ville de Paris », puis suppléant au Comité d’instruction publique. Il obtient la suppression de la croix de Saint-Louis mais sa proposition de vente du château de Versailles est refusée. Son attitude envers le roi se modifie ouvertement dès le 7 novembre lorsque le député Mailhe présente un projet de décret sur le jugement du roi et les formes pour y procéder. Manuel propose que tout défenseur de Louis XVI soit sous la sauvegarde de la loi. Le 3 décembre, il donne son avis sur le sort de Louis XVI et le 6, il déclare à la Convention : « La Convention nationale ne peut commettre un assassinat. Je demande que Louis XVI soit entendu. » Ses interventions en faveur du roi font croire un moment qu’il est devenu fou. Le 15 décembre, il est exclu du Club des Jacobins. Un mois plus tard, en dépit de ses positions affichées, il vote la culpabilité du roi comme tous ses collègues. Le lendemain, il vote pour la ratification du jugement du peuple, le 17 janvier, pour la détention dans un fort ailleurs qu’à Paris, puis la déportation. Aussitôt que la peine de mort fut prononcée contre le roi Louis XVI, il quitta la salle et envoya sa démission par lettre. Les membres de la Montagne l’accusent en tant que secrétaire de séance, d’avoir tenté de falsifier les résultats de l’appel nominal. Il se retire à Montargis, où il est l'objet d'une tentative d'assassinat en mars 1793. Retiré de la vie politique, il se serait rendu selon Nougaret dans un château à Fontainebleau. Il est finalement arrêté le 20 août 1793 à Montargis où il se tenait caché. Transféré à Paris, à la prison de l'Abbaye. il comparaît devant le Tribunal révolutionnaire. Condamné à la peine de mort pour avoir voulu sauver le roi et coupable de conspiration contre la République, il est guillotiné le 24 brumaire an II (14 novembre 1793). Il était âgé de 42 ans. Il a été l'éditeur des Lettres originales de Mirabeau : écrites du donjon de Vincennes [à] Sophie Ruffey, marquise de Monnier (Paris, Garnery, 1792).
Bon exemplaire conservé dans son brochage de l'époque de cet ouvrage passionnant.
Prix : 595 euros