samedi 4 mars 2023

Remarques d'un français, ou examen impartial du livre de M. Necker sur l'administration des finances de France, pour servir de correctif et de supplément à son ouvrage. Par le comte Louis-Gabriel Du Buat-Nançay (Genève, 1785). Bon exemplaire de ce pamphlet pré-révolutionnaire peu commun.



DU BUAT-NANÇAY (comte Louis-Gabriel).

Remarques d'un français, ou examen impartial du livre de M. Necker sur l'administration des finances de France, pour servir de correctif et de supplément à son ouvrage.

A Genève, 1785

1 volume in-8 (20,5 x 13 cm) de (2)-182-(2) pages.

Reliure de l'époque demi-veau marbré, dos lisse orné aux petits fers dorés, plats de papier marbré. Reliure solide malgré un mors fendu en tête du premier plat. Reliure légèrement frottée. Dos légèrement terni. Intérieur frais.



Edition originale.










"Par ses vues sur les problèmes du luxe et des niveaux de vie, Du Buat-Nançay peut être compté parmi les disciples de Cantillon, auquel il s'oppose toutefois par ses positions populationnistes. Sa croyance en un ordre naturel le rapproche des physiocrates. En diplomate et historien, il soutient ici qu'une connaissance de l'histoire de France et de la nature de sa constitution - qu'il dénie à Necker - est nécessaire pour déterminer le juste équilibre entre tradition et innovation." (INED, 1484).

Louis-Gabriel Du Buat-Nançay (1732- 1787), issu d'une vieille et noble famille de Normandie, fut ministre de France à Dresde et à Ratisbonne, après quoi il quitta les affaires, se fixa en Allemagne, s’y maria et vint achever ses dernières années dans sa retraite du Berry. On lui doit plusieurs ouvrages dont Les Origines, ou l’Ancien gouvernement de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, etc., La Haye, 1757, 4 vol. in- 12; 1789, 3 vol. in-8° ; Histoire ancienne des peuples de l’Europe, Paris, Suard et Arnaud, 1772, 12 vol. in-12 ; les Éléments de la politique en 1773, 6 vol. in-8° ; les Maximes du gouvernement monarchique, 4 vol. in-8°, 1778 (contre le livre de Mey, Maultrot, Aubry). En 1785, la Lettre d’un anti-philosophe de province aux philosophes de la capitale.








"L'argent qui rentre dans le Royaume ne va pas trouver directement celui qui cultive la chènevière d'où est sortie la toile portée à Cadix, celui qui a nourri le mouton dont la laine couvre l'Anglo-Américain, celui à qui appartient la vigne dont le vin ou l'eau-de-vie s'est échangé contre de l'or, le propriétaire du mûrier, etc. ; il passe par les mains d'un négociant qui a acheté au prix de la pauvreté et revendu au prix de la richesse ou du besoin ; et tandis que l'accroissement du numéraire ne fait hausser que très lentement le prix des denrées dans l'intérieur, et en renchérissant tout à la fois n'enrichit personne, le négociant a déjà sa fortune et le banquier la sienne. [...] M. Necker croit que dans un Royaume pauvre en espèces, mais riche en hommes et en substances, il n'en coûterait pas beaucoup pour corrompre les Généraux, les Soldats, et les Ministres. Je pense que dans un Royaume très-riche on trouverait plus d'hommes accessibles à la corruption. Les riches Empereurs des Romains, plus riches encore que nous, corrompirent, il est vrai, chez les pauvres barbares les généraux et les Rois eux-mêmes ! [...] L'argent est puissance pour un citoyen qui fait des conquêtes sous la protection des lois. Il est puissance pour une petite République qui, sous la protection du système de l'Europe, achète des soudoyés pour se mettre à l'abri d'un coup de main ou des protecteurs auprès des grandes puissances. Pour un grand Royaume, les hommes, les substances et la vertu sont puissance. [...]" (extrait du chapitre XIII).

Le détail des chapitres est le suivant : Introduction - Chap. 1 : Raisons générales des méprises de M. Necker. Chap. 2 : Si l'on peut faire certains reproches à M. Necker, qui n'a été Ministre que des Finances. Chap. 3 : Cause louable de plusieurs méprises de l'auteur. Chap. 4 : Popularité de M. Necker. Chap. 5 : Examen du projet de réforme conçu par M. Necker, et premièrement son utilité. Chap. 6 : Suite de l'examen de la réforme conçue par M. Necker : on fait voir qu'elle serait injuste. Chap. 7 : Suite du même sujet : que la réforme conçue par M. Necker serait pernicieuse. Chap. 8 : Rapprochement de deux lois que M. Necker a fait enregistrer, avec des remarques sur quelques autres, tailles, Capitation, Vingtièmes, etc. Chap. 9 : Sur la conversion de toutes les contributions de la France en un seul impôt territorial. Chap. 10 : Des Administrations provinciales. Chap. 11 : Du Clergé. Chap. 12 : Du luxe, des dépôts de mendicité, des hôpitaux, des ateliers de charité. Chap. 13 : Sur l'augmentation progressive du numéraire. Chap. 14 : Sur l'intérêt de l'argent, le ménagement du crédit, et la circulation. Chap. 15 et dernier : Ce qu'on aurait pu attendre de M. Necker. Conclusion.

Références : INED, 1484 ; Stourm p. 128 ; Quérard France littéraire, II, 614.

Bon exemplaire de cet ouvrage peu commun qui marque les débuts d'une prise de conscience pré-révolutionnaire par une partie de la noblesse française.

Prix : 900 euros