samedi 11 février 2023

La Terre d'Emile Zola (1887). Edition originale. Un des 275 exemplaires tirés sur papier de Hollande. Superbe exemplaire relié à l'époque par Charles Meunier en maroquin mosaïqué à coins.



Émile ZOLA


LA TERRE. Les Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire.

Paris, G. Charpentier et Cie, 1887. Imprimeries réunies de Bourloton, Paris.

1 volume in-12 (19 x 13 cm) de (4)-519 pages. Portrait de l'auteur ajouté en frontispice (gravé par Duvivier).

Reliure bradel demi-maroquin mosaïqué chocolat à larges coins. Dos orné d'un décor mosaïqué composé de fleurs de coquelicots avec tiges dorées, le tout accompagné d'une faux, d'un serpent et d'une chouette d'argent. Reliure strictement de l'époque signée CH. MEUNIER. Couvertures jaunes imprimées conservées (les deux plats), légèrement empoussiérées. La page de titre a été lavée pour effacer un cachet de bibliothèque (également gratté, devenu illisible). Cette reliure peut être considérée comme une reliure parlante (avec les attributs relatifs au thème de la terre et de la nature). Le portrait gravé de Zola a été fait initialement en 1884 pour être placé en frontispice de l'édition Jouaust de Une page d'amour.

Edition originale.

Un des 275 exemplaires sur papier de Hollande.



La Terre d’Émile Zola est le quinzième volume de la série des Rougon-Macquart, c'est sans doute l’un des plus violents. Zola y dresse en effet un portrait féroce du monde paysan de la fin du XIXe siècle, âpre au gain, dévoré d’une passion pour la terre qui peut aller jusqu’au crime. Tout l’ouvrage est empreint d’une bestialité propre à choquer les lecteurs de l’époque, les accouplements d’animaux alternant avec ceux des humains, eux-mêmes marqués par une grande précocité et par une brutalité allant fréquemment jusqu’au viol. Dès sa parution, la Terre a soulevé de violentes controverses, illustrées notamment par le Manifeste des cinq, article publié dans le Figaro par cinq jeunes romanciers qui conseillaient à Zola de consulter Charcot pour soigner ses obsessions morbides.

L’action se situe à Rognes (Romilly-sur-Aigre), grande ville de la Beauce. Le héros du roman est Jean Macquart, fils d’Antoine Macquart et de Joséphine Gévaudan, l’un des rares membres de la branche Macquart indemne de toute tare. Il apparaît déjà dans la Fortune des Rougon, où il apprend le métier de menuisier. Après avoir quitté Plassans, sa ville natale, il est tiré au sort en 1852 et participe aux campagnes militaires du Second Empire. Blessé en Italie, il reprend son métier de menuisier puis s’embauche comme ouvrier agricole à Rognes, où il reste pendant dix ans. Jean Macquart sera ensuite le héros de la Débâcle, on le retrouve encore dans le dernier roman du cycle, le Docteur Pascal.




"La fïgure magistrale du vieux Fouan ferait à elle seule le succès du livre par sa grandeur épique, par son envergure extraordinaire. Le romancier a symbolisé dans ce vieillard le paysan tel qu'il est, tel qu'il a été, tel qu'il sera toujours, tant qu'il aimera la terre, le paysan qui fait corps et âme avec elle ; il le fait revivre également sous une forme hardie, brutale, fanatique jusqu'au crime dans la figure de Buteau, cet autre paysan, ce jeune, plus épris encore ou tout au moins l'une manière plus féroce, plus jalouse, passionné pour la terre, au point de la flairer comme une grisante chair de femme, de la caresser de ses doigts ainsi qu'une maîtresse, la seule maîtresse, l'amoureuse éternelle. Il faudrait citer les unes après les autres les scènes merveilleuses où naît, se développe, se dramatise et s'achève cette tragédie gigantesque de la terre ; mais tout le monde les connaît, les a lues, en a eu le saisissement, ce coup au profond de l'être qui vous retourne et nous remue jusqu'au vif des entrailles. [...] De tout cela il ressort une chose, c'est que ce livre tant conspué est une œuvre hors ligne, faite dans la même manière que les précédentes œuvres de Zola, sans concessions au goût plus ou moins pudique de certains lecteurs, prouvant son énergie, sa volonté, sa haute conscience d'artiste, sa puissance de travail et d'intuition. Certaines parties peuvent être grossies, exagérées par une vision spéciale à l'écrivain ; mais l'œuvre n'en reste pas moins une peinture impitoyable de scènes que nous voyons constamment se reproduire dans nos campagnes. C'est l'épopée tragique du paysan, comme Germinal est l'épopée du mineur et l'Assommoir celle de l'ouvrier parisien." (in Le Livre, 10 décembre 1887)










L’histoire, particulièrement atroce, se déroule au sein de la famille Fouan. Le vieux Louis Fouan, dit le père Fouan, décide à l’âge de 70 ans de partager ses biens entre ses trois enfants : Hyacinthe, dit Jésus-Christ, Fanny, mariée, et Buteau. À charge pour eux de l’héberger, de le nourrir et de lui donner deux cents francs de rente chacun. Ils s’acquittent très mal de leur tâche, notamment Buteau, qui le dépossède peu à peu de sa maigre fortune. Buteau possède deux cousines, les sœurs Mouche. Il a fait un enfant à la première, Lise, qu’il a épousée trois ans plus tard lorsqu’elle est devenue une riche héritière. Quant à la seconde, Françoise, il la poursuit de ses avances avec tant d’insistance qu’elle se rapproche de Jean Macquart et finit par l’épouser. Ce mariage inquiète beaucoup Buteau et Lise, qui redoutent de voir une partie de l’héritage familial passer dans d’autres mains. Lorsqu’ils apprennent que Françoise est enceinte, ils décident de la faire avorter : Buteau viole Françoise avec l’aide de Lise, puis celle-ci pousse sa sœur sur une faux. Grièvement blessée, Françoise meurt. Le père Fouan, qui a assisté à la scène, est ensuite brûlé par les deux meurtriers. Quant à Jean Macquart, redevenu aussi pauvre qu’à son arrivée au village, il quitte Rognes et se rengage dans l’armée.




Superbe et précieux exemplaire relié à l'époque par Charles Meunier en maroquin mosaïqué "parlant". Condition des plus désirables et des des plus rares pour cet ouvrage.

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