Octave UZANNE | Félicien ROPS (illustrateur) | A. Lynch et E. Mas (illustrateurs)
LA FEMME ET LA MODE, MÉTAMORPHOSES DE LA PARISIENNE DE 1792 A 1892. Tableaux successifs de nos mœurs et usages depuis cent ans. Illustrations dans le texte de A. Lynch et E. Mas, frontispice en couleurs de Félicien Rops, couverture de Louis Morin.
Paris, Ancienne Maison Quantin, 1893
1 volume grand in-8 (28 x 18 cm) de VIII-246-(1) pages. Frontispice en 2 états (couleurs et noir).
Reliure strictement de l'époque demi-maroquin marron, dos à nerfs richement orné aux petits fers dorés, tête dorée, non rogné, couverture illustrée conservée en bon état (les deux plats et le dos). Reliure signée FRANZ. Quelques manques de papier sur les coupes et les coins, infime accroc à l'extrémité de la coiffe de tête, un coin renforcé, légères marques. Intérieur parfait.
ÉDITION EN PARTIE ORIGINALE.
TIRAGE A 1.000 EXEMPLAIRES.
CELUI-CI, UN DES 25 EXEMPLAIRES DE TÊTE SUR PAPIER JAPON.
Il a été tiré également 20 exemplaires sur papier de Chine.
Le mal qu'Octave Uzanne a toujours redouté tout en l'entretenant à grands renforts de luxe et de réclame, ce fut de ne pas être lu. Cela peut paraître étrange pour un homme de lettres réputé mais finalement assez compréhensible. Octave Uzanne a été reconnu en tant qu'éditeur de merveilleux ouvrages pour les riches bibliophiles et pour les bourgeoises en mal d'étrennes pimpantes et pleines de fanfreluches (selon les mots même d'Octave Uzanne). Si Octave Uzanne a contribué largement à cette réputation de faiseur de livres qu'on ne lit pas, il a très rapidement ressenti tout le mauvais que pouvait accompagner une telle situation. La préface placée en tête de ce volume La Française du Siècle, La Femme et la Mode, Métamorphoses de la Parisienne de 1792 à 1892, Tableaux successifs de nos mœurs et usages depuis cent ans, éclaire en grande partie ces préoccupations d'un auteur en mal de réputation intellectuelle. En un mot, le luxe de ses livres a occulté une grande partie de son œuvre imprimée.
"La Femme et la Mode, n'est-ce pas le meilleur titre, le plus suggestif, et le mieux congruent au sujet de ce livre qui, sous la rubrique la Française du Siècle, apparut, au début de 1886, dans sa première manière et édition ? C'était alors, on s'en souvient, un somptueux volume, adorné et enjolivé pour la joie d'une élite ; Gaujean y avait polychromo-gravé, dans le texte et hors texte, de délicieux tableaux et vignettes à l'aquarelle, qu'Albert Lynch, alors inconnu des amateurs et des artistes, venait de signer pour ses débuts dans l'illustration des livres. Le succès immédiat accueillit ce bel in-octavo, apprêté et pomponné avec une galanterie inusitée en librairie et qui s'offrait à un public spécial de bibliophiles et d'élégantes lectrices sous un costume chamarré d'or et de rubans de soie aux tons roses évanescents de la plus amoureuse allure. Ce livre paraissait à l'heure bénie des étrennes, à ce moment opportun des cadeaux du nouvel an, en cette période de fiévreuses recherches, où chacun s'ingénie à découvrir une offrande capable de faire tourner au madrigal une délicate attention. Aussi ce volume diapré, enluminé, fanfreluché, attira-t-il la considération des gentlemen assez judicieux pour préférer cette emplette à quelque fugitif et banal souvenir com- posé de fleurs et de confiseries. L'édition s'épuisa pour ces motifs extérieurs, sans qu'il en soit peut-être resté dans la mémoire des possesseurs d'autre écho que celui d'un aimable ouvrage, plaisant au regard, délicieux au toucher, mais surtout fait pour être manié avec ménagement, et inspecté avec ravissement, plutôt que véritablement lu pour son essence même, ainsi qu'un roman du jour ou une œuvre anecdotique et littéraire en édition d'un écu. En conséquence, nous pouvons assez logiquement imaginer que, bibelot d'art bon pour la vitrine ou hochet vaniteux du collectionneur, cette coquette publication décorative fut assez généralement reliée avec splendeur et ostentation, avant même d'être coupée, et que, depuis, en guise d'album ou de keepsake précieux, elle sert à l'ornement de certaines tables de salons mondains, à moins qu'elle ne soit enfouie dans la bibliothèque de quelques brillants amateurs dont la principale vertu est de ne pas dépuceler leurs livres, — quels qu'ils soient. Nous voulons bien admettre que certains bibliognostes sérieux aient poussé la sympathie pour nos écrits jusqu'à porter un téméraire couteau dans la pliure des feuilles de cette première édition si majestueuse en ses atours, mais ce sont là des « exceptionnels » qui ont inconsciemment commis un crime de lèse-bibliophilie, et il n'en demeure pas moins assuré dans notre pensée que les ouvrages très luxueusement imprimés, ornés et illustrés sont en quelque sorte comparables à ces grandes dames qui se gorgiasent dans le faste et le cérémonial du costume au point d'en imposer aux plus amoureux désirs, alors que quelque simple Gothon, par son négligé souple et accorte, mettra les galants en veine de chiffonner ses charmes et de pousser jusqu'au bout l'aventure. En réalité, la beauté d'une édition, la solidité du papier, l'éclat des gravures, la solennité du texte superbement typographié sont autant d'éléments contraires à l'invitation à la lecture. On regarde sans pénétrer, car la splendeur semble souvent l'ennemie de l'intimité. Les grands palais sont froids et n'offrent point le décor rêvé de l'amour ni du mystère, et les petits livres sont comme les petits logis, ceux qu'on se complaît à fréquenter pour la chaude sympathie qu'on y trouve dans la simplicité même du cadre qui les enveloppe." (extrait de la préface).