VILAIN (Vicomte Jean Jacques Philippe Vilain XIIII)
Mémoire sur les moyens de corriger les malfaiteurs et fainéans à leur propre avantage et de les rendre utiles à l'Etat, proposé à l'Assemblée des Députés par le Vicomte Vilain XIIII. et présenté aux Corps et Administrations des Etats de Flandres au mois de Janvier 1775. [Histoire des prisons et du milieu carcéral].
A Gand, chez Pierre de Goesin, imprimeur de sa Majesté Impériale, Royale, etc., sans date (1775)
1 volume grand in-4 (29,5 x 23,5 cm) de (6)-268 pages. Avec 4 planches sur double-page (plan de la maison de correction provinciale sur l'emplacement d'Ackergem à Gand - plan du premier et second étage de la maison de correction - 4 vues en élévation des différents bâtiments de la maison de correction - 4 autres vues en élévation). Texte encadré avec fleurons dans les angles des pages. Collationné complet.
Reliure strictement de l'époque plein maroquin rouge, dos à nerfs janséniste avec seulement le titre doré dans un encadrement servant de pièce de titre, filet à froid en encadrement des plats, roulette dorée sur les coupes, doublures et gardes de papier peigne, tranches mouchetées de bleu et rouge. Impression sur papier vergé fort (grand papier). Reliure solide et en très bon état malgré quelques légères usures, frottements et marques (extrémité de la coiffe supérieure usée). Intérieur parfait.
Edition originale.
L'objectif principal de cette étude réside dans l'analyse économique du système pénal. Ce qui distingue alors cette approche, c'est l'idée novatrice selon laquelle les détenus doivent acquérir un métier afin de pouvoir subvenir à leurs besoins de manière autonome après leur libération. Par ailleurs, la création d'écoles pour les enfants issus des milieux défavorisés pourrait constituer un moyen de prévenir la délinquance en offrant des alternatives éducatives. Dans le cadre des idées des Lumières, Vilain XIIII, qui fut pendant longtemps président du Conseil de Flandre, est le premier à établir un lien explicite entre pauvreté et criminalité. Pour remédier à cette situation, il propose une réforme ambitieuse du système pénal et carcéral, visant à rééduquer les criminels. En 1771, une prison conforme à ses préconisations architecturales fut construite à Ackergem, près de Gand. Ce modèle comprenait notamment le fameux rez-de-chaussée radial, une conception qui exercera une influence notable sur la construction de prisons en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis. (Voir Piet Lenders, Vilain XIIII, Louvain, 1995 ; Michel Foucault, Surveiller et punir, pp. 124-125). Cette œuvre est pionnière sur la réforme pénitentiaire et s'inscrit parfaitement dans l'époque des Lumières.
Loin des ouvrages purement théoriques sur le sujet, ce Mémoire donne un plan pratique et pragmatique pour parvenir au but rechercher : corriger les malfaiteurs et les fainéants tout en essayant de les réinsérer par le travail dans la société. On y trouve de très nombreux tableaux précisément chiffrés, des modèles d'actes et de rapports de police, des états généraux des détenus, de leur travail par métiers, de l'économie (comptes) au sein de la maison et des prisons en général, des règlements (noatamment un très intéressant Projet de Règlement de Police et de Discipline pour les Détenus, en 63 articles), des devoirs des directeurs et gardes, des effectifs, du moyen de trouver la subsistance des détenus, enfin les moyens pour extirper la mendicité de la société.
Cet ouvrage sera réimprimé au format in-8 en 1841 (Bruxelles : Meline, Cans et Compagnie).
Vilain XIIII (Vilain Quatorze), de son vrai nom Jean Jacques Philippe Vilain (1712-1777), reste une figure centrale dans l’histoire de la réforme pénitentiaire. Bien que son influence directe se soit estompée après la fermeture de la prison d'Ackergem au début du XXe siècle, ses idées ont profondément marqué la pensée réformatrice de son époque et ont contribué à faire évoluer le système pénal vers une approche plus centrée sur la rééducation et la réinsertion sociale des détenus. Sa réflexion reste pertinente dans les débats contemporains sur la justice pénale et la réhabilitation des criminels.
Références : (Petit, Ces peines obscures, 1990, pp. 163 et 173 ; Foucault, Surveiller et punir, p. 124 ; INED, n° 4455 et Michel Foucault ne citent que la réédition de 1841 ; Les Lumières dans les Pays-Bas autrichiens, Bibliothèque royale, 1983, n° 4 : “La maison de force de Flandre servira de modèle lors de la réforme des institutions pénitentiaires de Pennsylvanie.”)
Notre exemplaire, relié en maroquin rouge à l'époque, est très probablement un exemplaire de présent.
Provenance : exemplaire provenant de la bibliothèque privée de la famille princière de Starhemberg, avec le cachet à l'encre violette sur la première garde blanche (Fürstlich-Starhemberg'sche Familien Bibliothek Schloss Eferding). Le château familial à Eferding héberge le musée et la bibliothèque de la famille de Starhemberg. Les livres en anglais et en français de cette très riche bibliothèque datent pour la plupart de l'époque où le premier prince Georg Starhemberg (1724-1807) était ambassadeur impérial à la cour de France à Paris et son fils Ludwig (1762-1833) était à la cour d'Angleterre à Londres. Une grande partie des livres précieux et bien conservés dans le château ont été vendus aux enchères en 1956. Le fonds de la bibliothèque s'élève actuellement à environ 16 000 volumes avec encore quelques éditions rares parmi les livres anglais et français. Notre exemplaire fait partie de ces ouvrages vendus en 1956 pour permettre au château de subsister.
"Edition originale d'une grande rareté" (in Catalogue Philippe Zoummeroff. Crimes et châtiments (livres - manuscrits - photographies - dessins), Pierre Bergé & Associés, 2014.
Bel exemplaire luxueusement relié à l'époque d'un superbe et passionnant ouvrage progressiste.
Prix : 6.500 euros
