LA FRANCE JUIVE. Essai d'histoire contemporaine.
Paris, C. Marpon et E. Flammarion, s.d. (1886) [Paris, Imprimerie Marpon et Flammarion, 26, rue Racine]
2 forts volumes in-18 (18,5 x 13 cm) de XX-579 et (4)-601-(1)-III-(1)-(4)-(2) pages.
Avec :
DRUMONT, Edouard
La France Juive devant l'opinion. La France Juive et la critique. La conquête juive. Le systême juif et la question sociale. L'escrime sémitique. Ce qu'on voit dans un tribunal.
Paris, C. Marpon et E. Flammarion, 1886 [Bourloton, Imprimeries réunies, rue Mignon, 2, Paris]
1 volume in-18 (18,5 x 13 cm) de (4)-308 pages.
Ensemble 3 volumes in-18 reliés à l'identique à l'époque pour la même personne.
Reliures demi-maroquin chocolat à larges coins, dos à nerfs ornés aux petits fers dorés, tête dorée, non rogné (les couvertures jaunes imprimées n'ont pas été conservées). Reliures signées LANSCELIN. Exemplaire très bien relié et resté très frais. Notre exemplaire a la particularité d'avoir un "blanc d'imprimerie" qui affecte 4 ligne page 95 du premier volume (nous fournissons la copie des mots caviardés lors du tirage). Quelques grignotages de papier marbré sur les bords des plats (papier uniquement), minimes frottements. Chiffre E. B. doré en queue des dos.
La France Juive devant l'opinion est du rare tirage de luxe sur papier de Hollande (un des 50 exemplaires numérotés au composteur - n°36)
La France Juive est également du tirage de luxe sur papier de Hollande (chaque volume est numéroté à la main au crayon au verso de la garde blanche "Hollande - n°36".
Exemplaire du tirage de luxe sur papier de Hollande du premier tirage imprimé par C. Marpon et E. Flammarion.
L'histoire de la parution de ce livre polémique est à la fois compliquée et passionnante. Voici ce que nous savons.
Il existe deux versions quant aux prémices de la parution de La France Juive d'Edouard Drumont. Nous avons d'une part le témoignage direct d'Octave Uzanne, ami de l'auteur, qui écrit dans le catalogue de la vente de ses livres en mars 1894 : "Le Bibliophile, sollicité, à propos de la France Juive, par son ami Drumont, ancien collaborateur du Livre, mit à la disposition de celui-ci toutes ses connaissances spéciales pour l'édition de ce livre qu'il fut le premier à lire en manuscrit et à encourager l'auteur à publier.
Il y aurait tout un curieux chapitre d'histoire contemporaine à écrire à ce sujet : "non hic est locus".
Le Bibliophile apporta une sorte de collaboration effective dans cette publication qui fit si grand bruit.
La correspondance d'Edouard Drumont consignée dans ce livre est exclusivement consacrée à la publication de la France Juive et au premier duel de Edouard Drumont, auquel le Bibliophile servit de témoin contre Ch. Laurent du Paris." En effet l'exemplaire de la France Juive provenant de la bibliothèque d'Octave Uzanne (n°151 du catalogue) était un exemplaire imprimé spécialement sur papier de Hollande et truffé de 16 lettres autographes de l'auteur et une de l'imprimeur Darantière. Sous le n°152 du même catalogue Octave Uzanne possédait, et proposait à la vente, un autre exemplaire de la France Juive (exemplaire également cartonné, dos de maroquin citron, non rogné). Egalement imprimé sur Hollande pour le Bibliophile. Envoi et lettre autographe. Il précise qu'il a fait relier à la fin du volume : la France catholique et athée (Réponse à la France Juive), par Alex. Weill, Paris, Dentu, 1886, in-16 de 84 pp. Selon d'autres sources, ce serait Alphonse Daudet qui aurait "relu et soutenu Édouard Drumont pendant l'écriture de ce pamphlet, lui prêtant de l'argent pour lui permettre de le publier à compte d'auteur, s'adressant à Francis Magnard, directeur du Figaro pour que le journal lance le livre par un article."
D'après Georges Vicaire, sans sa Bibliographie des éditions originales du XIXe siècle, La France juive a été enregistrée dans la Bibliographie de la France le 15 mai 1886 (exemplaires sortis de l'imprimerie de Marpon et Flammarion). Mais c'est quelques semaines auparavant, dans les deux première semaines du mois d'avril 1886 que paraîssent initialement les deux gros volumes de près de 1.200 pages, imprimés à 2.000 exemplaires chez l'imprimeur Darantière à Dijon. On sait par ailleurs qu'il existe des exemplaires portant la marque de Darantière à l'achevé d'imprimer et une mention de quatrième édition sur les couvertures. On peut penser que la vente (rapide) des exemplaires imprimés le 22 avril 1886 par Darantière s'est faite en plusieurs tranches (peut-etre quatre tranches de 500 exemplaires). L'imprimeur Darantière aurait demandé 6.000 francs de frais d'imprimerie à Drumont (est-ce Alphonse Daudet qui a payé cette somme ?). Le succès très rapide de l'ouvrage a en tous cas incité C. Marpon et E. Flammarion a faire imprimer eux-mêmes, dans leur atelier de la rue Racine, les exemplaires suivants (il doit exister une cession de droits des clichés de l'édition entre Darantière et C. Marpon et E. Flammarion, mais personne ne l'évoque). Quoi qu'il en soit, courant mai, ce sont les imprimeurs parisiens qui fournissent les mille et les mille d'exemplaires de la France Juive et publient et impriment La France Juive devant l'opinion (novembre 1886). Il paraît évident que le tirage de luxe sur papier de Hollande de la France Juive imprimée chez Marpon et Flammarion a été fait pour compléter le tirage de luxe de La France Juive devant l'opinion. Les trois volumes auraient donc été imprimés en novembre 1886. Mais il reste une possibilité que les deux volumes de la France Juive aient été imprimés sur papier de Hollande par Marpon et Flammarion dès le 15 mai 1886. Rien n'est évident dans cette affaire. Vicaire signale un tirage de luxe à 25 exemplaires pour La France Juive par Marpon et Flammarion, sans préciser s'ils étaient numérotés au composteur ou simplement "sur Hollande".
En 1886, ce serait plus de 25 000 exemplaires de La France Juive qui sont vendus. En 1888, le compte arrive à près de 70 000. L'ouvrage sera réédité en version populaire illustrée en grand format en 1888.
La France Juive aura eu droit à de très nombreux éloges dans la presse de l'époque et encore longtemps après. Le Mercure de France donne un long article au moment de la sortie de l'ouvrage en librairie, article considéré comme une réfutation de l'ouvrage de Drumont : "[...] Il y a beaucoup de choses dans cette France juive, tant de choses, et si diverses, et dont on voit si peu les liaisons entre elles que l'on eût bien pu se méprendre aux vraies intentions de l'auteur, si lui-même, dans sa préface et surtout dans sa conclusion, avec une singulière et sereine audace de fanatisme, ne les eût que trop nettement accusées. Dans ces deux gros volumes, où ne manquent certes pas les apparences de talent, quelques anecdotes lestement contées, quelques portraits heureusement touchés, mais où abondent les vaines déclamations et les personnalités offensantes, il est question de tout, mais il ne s'agit que des juifs. Si la France de M. Grévy, comme d'ailleurs tout le monde en convient, ne ressemble guère à celle de Louis XIV et encore moins à celle de saint Louis, la faute, ou plutôt le crime, en est donc aux juifs ; si nous aimons l'argent beaucoup plus que l'honneur et presque autant que la vie, ce qui sans doute ne s'était jamais vu que de nos jours, c'est aux juifs qu'il nous faut nous en prendre ; coupables de tout ce qu'ils font, les juifs le sont également de ce qu'ils ne font pas, mais qu'ils nous font faire : l'expédition du Tonkin, par exemple, ou la révolution française, ou le pamphlet même de M. Drumont, que
M. Drumont, en effet, n'aurait pas écrit si les juifs n'existaient pas ; et, de jour en jour plus nombreux, plus puissans, plus riches, surtout plus riches, - les juifs réduiront enfin le chrétien à la glèbe pour peu que le chrétien tarde encore à « supprimer » les juifs : voilà bien, si je ne me trompe, tout le livre de M. Drumont. J'en ai lu beaucoup de plus clairs, dont l'idée principale se dégageait plus nette et s'embarrassait moins de développemens inutiles : j'en ai peu lu de plus dangereux.
Ce n'est pas qu'en général, pour ma part, je goûte beaucoup les juifs ; et je crois même, en y réfléchissant, que je ne les goûte pas du tout. Je ne goûte pas non plus la musique, ni les montagnes. C'est sans doute l'effet d'une disposition personnelle, d'une idiosyncrasie, comme je crois que l'on dit quand on ne veut pas user du mot d'infirmité. Mais nos sympathies ou nos antipathies personnelles ne sauraient être la règle ou la mesure de nos jugemens ; et, sans en avoir l'air, c'est peut-être le comble de l'intolérance, quand nous essayons de conformer nos idées à nos goûts. Nos goûts sont une chose, nos idées en sont, ou en devraient être une autre. Et si ce principe était mieux connu, non-seulement de M. Drumont, mais de la plupart de nos critiques et même de nos historiens, on suivrait moins son goût, les opinions seraient moins divisées, les jugemens moins contradictoires. Aveuglé par sa haine des juifs, à laquelle il essaie vainement de donner de beaux noms, M. Drumont, mécontent de son siècle, a fait peser sur les seuls juifs la responsabilité d'un état de choses dont ils ont bien pu profiter, mais qu'ils n'ont rien fait pour amener. Et ils y auraient aussi bien travaillé que je croirais encore être injuste en le leur reprochant, puisqu'ils n'y auraient travaillé qu'avec nous. Oui, M. Drumont n'a peut-être pas tort, les juifs se tiennent et se soutiennent entre eux, et au besoin contre nous ; ils s'entre-tiennent fidèlement, obstinément, passionnément ; mais quand nous oserions bien traiter cette vertu de vice, n'est-ce pas nous qui depuis plus de mille ans leur avons fait, pour nous résister, pour durer, pour vivre seulement, une loi de se rapprocher, de se soutenir et de s'entr'aider ? [...]" (article signé Ferdinand Brunetière).
Nous ne pouvons pas nous étendre plus longuement ici sur cet ouvrage.
Provenance : Chiffre E. B. doré en queue des dos. Nous pensons qu'il pourrait s'agir de l'exemplaire de l'imprimeur de l'ouvrage "La France Juive devant l'opinion", à savoir Edgar Bourloton (1844-1914).
Références : Nous renvoyons à notre article intitulé : Octave Uzanne, Edouard Drumont, et La France Juive (1886) et autres livres antisémites (2012, site Octave Uzanne, par Bertrand Hugonnard-roche) ; Lire également : L'édition de La France juive en 1886 : la librairie Ernest Flammarion, Darantière imprimeur à Dijon, Edouard Drumont et Octave Uzanne (d'après Elisabeth Parinet, site Octave Uzanne, par Bertrand Hugonnard-Roche, 2013)
Attention ! Nous proposons ce livre en tant que document historique propre à informer et à servir de mémoire pour les générations futures. En aucune manière nous ne pouvons être accusés de propager les thèses antisémites défendues dans cet ouvrage. Bien au contraire nous dénonçons l'intégralité des propos tenus par l'auteur. Néanmoins cet ouvrage comme tout autre a sa place dans une bibliothèque d'étude sérieuse.
Bel exemplaire du rare tirage de luxe sur papier de Hollande finement relié à l'époque.
Très rare dans cette condition.
Prix : 4.500 euros