Théorie de la pensée ; de son activité primitive indépendante des sens, et de sa continuité prouvée par les songes. Ouvrage élémentaire où le jeune homme peut apprendre à se connaître et à s'estimer. Par M. J. J. Juge Saint-Martin, ancien professeur d'histoire naturelle, membre ou correspondant de plusieurs sociétés savantes.
Paris, chez Lenormant, imprimeur-libraire, 1806 (de l'imprimerie de L. E. Herhan)
1 fort volume in-8 (22 x 14,5 cm) de (10)-487 pages et 1 page d'errata. Bien complet du joli frontispice allégorique dessiné par Monnet et gravé par Dupréel (l'explication de la gravure est imprimée au verso du faux-titre).
Cartonnage de l'époque plein papier rose à la colle, étiquette de titre imprimée collée au dos (frottée), non rogné, non coupé (volume jamais lu). Reliure légèrement frottée avec petite fente à l'extrémité de la coiffe supérieure (sans gravité). Intérieur frais imprimé sur beau papier vergé fort.
Edition originale et unique édition.
Cet ouvrage curieux se présente comme une série d'entretiens entre un père et son fils. Chaque entretien traite de la physiologie et de la psychologie humaine : les organes des sens extérieurs, les idées, l'âme, la pensée, l'union de l'âme et du corps, la sympathie et l'antipathie, le mouvement des corps, des affinités, de l'âme des bêtes, le sommeil, les songes, les somnambules, les apparitions, les prédictions, l'explication des songes, les progrès de l'intelligence humaine. Si l'ensemble est très intéressant, ce sont les derniers chapitres qui traitent des songes (rêves et cauchemars), du somnambulisme et des apparations qui sont le plus curieux. L'auteur écrit : "Le sommeil est pour ainsi dire le passage du non être à l'être. C'est le sommeil qui commence l'existence de tous les animaux [...] On définit ordinairement le sommeil "repos des sens extérieurs et du mouvement volontaire" ; alors les êtres vivants cessent en effet de communiquer avec les objets extérieurs ; ils sont momentanément privés de l'acte de la sensation et de l'exercice de leur volonté. [...] le sommeil qui suspend l'exercice des organes extérieurs n'est pas capable d'arrêter un seul instant la pensée ; il la modifie, mais ne l'éteint pas : s'il en était autrement, l'homme perdrait tous les jours sa qualité d'être pensant : cela est impossible. [...] " L'auteur considère ensuite l'arrivée des songes, leurs causes et leurs effets. Il essaye ensuite de disséquer la structure et le contenu des rêves et s'attarde sur les effets du somnambulisme et l'apparition des spectres. Le XVIIIe entretien parle des prédiction ou de la manière de connaitre l'avenir, de la "nature qui parle" selon Aristote. L'auteur écrit : "S'il m'était permis de marcher sur les traces des hommes illustres, je prédirais aujourd'hui que, dans moins de cinquante ans, le progrès des sciences étonnera l'imagination, en dépassant tout ce qu'on peut croire possible en ce moment." On trouve enfin à la fin du volume une table des matières traitées dans le volume.
L'ouvrage est dédié aux jeunes gens de dix-huit à vingt ans. On trouve d'ailleurs au verso de ce feuillet de dédicace la liste des lettres inititales des entretiens de I à XX et qui forment en les lisant du dernier au premier : A MON FILS JEAN AIME JUGE.
"Le titre de cet ouvrage paraît annoncer une de ces compositions abstraites dont la lecture embarrasse quelquefois les esprits les plus exercés, et devient par cela même peu utile aux jeunes nécessaire pour les lire avec fruit. Cependant parmi les ouvrages destinés à l'instruction, il en est peu qui renferment une source aussi féconde de leçons utiles. L'esprit d'analyse, la méthode et la pureté du style, rendent intelligibles des raisonnements appuyés sur les connaissances physiques, dont les principes sont exposés avec clarté. L'auteur a divisé son ouvrage en vingt Chapitres, ou Entretiens d'un père avec son fils ; et dans chacun de ces Entretiens, il conduit son élève à la conviction par l'analyse et par l'enchaînement de toutes les vérités reconnues aujourd'hui.
Cet ouvrage peut donc être regardé comme un livre élémentaire et recommandé, à juste titre, non-seulement aux jeunes gens, mais encore aux personnes de tous les âges, et quel que soit leur degré d'instruction ; elles y trouveront une foule de rapprochements et de conséquences qui ne peuvent être saisies que par un esprit d'observation et un jugement exercé." (in Le Télégraphe littéraire ou le Correspondant de la librairie, n°112, 5 floréal an XIII, p. 1141).
L'auteur, Jacques-Joseph Juge de Saint-Martin (1743-1824), était né à Limoges. Agronome reconnu il a contribué à l'amélioration de l'art agricole et plus particulièrement à la culure des arbres dans cette région limousine. La Société centrale d’agriculture de Paris, dont il devient ensuite correspondant (1787), lui décerne une médaille d’or, « pour avoir mis les cultivateurs de son voisinage à portée de se procurer, chaque année, des milliers d’arbres de différentes espèces, qui n’avaient jamais été cultivés dans son canton ». Lui-même a établi de belles pépinières sur 200 hectares de mauvaises terres. Il devient professeur d'histoire naturelle de 1798 à 1803 au collège de Limoges. Influencé par son maître Duhamel du Monceau, Juge de Saint-Martin enseigne en étant convaincu que le savoir scientifique peut rendre meilleurs l’homme et la société. On lui doit un Traité de la culture du chêne (in-8, 1788), et quelques autres publications remarquées. Sa Théorie de la pensée, de son activité primitive et de sa continuité, Paris, 1806, in-8°, est un ouvrage d'édification par la science et les découvertes du moment.
On sait que cet ouvrage fut lu avec attention par Honoré de Balzac dans ses années d'apprentissage avec d'autres ouvrages traitant du somnambulisme ou magnétisme animal, sujet qui le passionna et l'influença visiblement dans l'écriture d'une partie de son oeuvre.
Provenance : de la bibliothèque de Fizot-Lavergne, licencié en droit, avoué à la cour d'appel à Limoges (timbre sec)
Très bon exemplaire de ce livre rare et curieux.
Prix : 850 euros