lundi 26 octobre 2020

Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone]. Les Parisiennes ou XL Caractères généraux pris dans les mœurs actuelles propres à servir à l'instruction des personnages du sexe. 1787. Edition originale très rare. Superbe exemplaire non rogné et bien relié provenant de la bibliothèque de l'éminent bibliophile Victor Masséna, duc de Rivoli et prince d'Essling (1836-1910).

Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone].

Les Parisiennes, ou XL Caractères généraux pris dans les Moeurs actuelles, propres à servir à l'instruction des Personnages du Sexe : Tirés des Mémoires du nouveau Lycée des moeurs. I. Volume : Les Jeunes filles et les filles à marier. II. Volume : Les Nouvelles Mariées : Les Mariées depuis 3 ans. III. Volume : Les Épouses à imiter - à fuir. IV. Volume : Les Jeunes Mères et Mères de Grands enfants.

A Neufchâtel, et se trouve à Paris, chés Guillot, 1787

4 volumes in-12 (18,3 x 11cm environ) de 300, 388, 392 et 380-(4) pages. 20 estampes hors-texte (probablement en grande partie d'après les dessins de Binet sur les directives précises de Rétif lui-même).

Reliures postérieures exécutées pour Victor Massena, Prince d'Essling. Cartonnage recouvert de percaline chinée, dos ornés de pièces de titre et tomaisons de maroquin vert, tête dorée, autres tranches non rognées (ébarbées). Intérieur très frais. Quelques pâles rousseurs. Collationné complet. Les estampes sont d'un superbe tirage. Exemplaire très bien conservé, proche du sortir de l'atelier du relieur.


Édition originale.

"Les vingt gravures numérotées, mais sans légendes, dont l'ouvrage est orné, sont anonymes ; on n'y reconnaît pas le crayon de Binet. On peut croire aussi qu'elles ont été gravées par un artiste bien inférieur à Berthet et à Le Roy. Cependant elles sont très-singulières ; elles offrent des têtes de femmes si variées et si piquantes, qu'on peut les prendre pour des portraits. Il faut en attribuer la composition au caprice de Restif, qui, sans savoir dessiner, faisait exécuter ses esquisses ou ses données par les dessinateurs qu'il employait. M. Monselet remarque, dans cette dernière figure qui représente le Jugement de Paris, que « Vénus s'y montre nue, avec une paire de lias et des jarretières, mais elle est en grande coiffure poudrée »." (Lacroix)







"L'Avant-propos des Parisiennes expose l'origine de l'ouvrage. On agitait devant une mère de famille la question de savoir si les femmes devaient être instruites et même savantes : tout le monde fut pour l'affirmative, excepté la mère de famille : « Si l'on voulait m'en croire, dit-elle, les femmes ne sauraient que la morale, si ce n'est un peu de musique. La raison que j'en donne, c'est que la frivolité la plus ridicule et même la plus coupable est moins nuisible aux femmes que la science. » Là-dessus, on convient de créer un Musée, un Lycée, dans lequel il n'y aura que des femmes, et où l'on ne parlera que morale. Les huit dames qui composent ce Lycée s'engagent à raconter tous les mois deux histoires ayant pour base un caractère de femme. Les séances commencent le 30 novembre 1785 et durent jusqu'au printemps. La première séance est consacrée à la rédaction des statuts du Lycée des Mœurs. Les anecdotes, que chaque dame raconte à son tour, sont entremêlées de discours moraux. [...] L'ouvrage, comprenant 40 caractères, avec 8 discours, finit à la page 308 du tome IV. La présidente du Lycée des Mœurs propose alors de remplacer les séances par la lecture de bons livres de morale tendant au même but. On devine que Restif n'a pas perdu l'occasion de proposer, pour ces lectures choisies, quelques-uns de ses livres, les plus décents du moins. « Telle est aujourd'hui la matière des séances du Lycée des Mœurs, très-supérieur à tous ces Lycées frivoles, où les hommes et les femmes vont perdre leur temps à entendre d'inutiles discours, qui font, de leurs auditeurs dans les deux sexes, des superficiels orgueilleux, au lieu de superficiels sans conséquence, qu'ils étaient auparavant. ». " (Lacroix)

« M'étant aperçu que je n'avais pas encore donné aux femmes, dans les quatre volumes précédents [les Françaises) , tous les préceptes pratiques nécessaires, je composai ceux-ci, dans lesquels j'enseigne aux femmes les moyens de conserver le goût des hommes, par leur caractère et leur propreté; pour cet article-ci, je leur mets le doigt dessus, en leur disant : Lavez-vous, comme une musulmane. Je leur recommanderai volontiers de s'abluer, après chaque déjection, grosse ou menue, et je le fais d'une manière couverte. Ces quatre volumes, tant au moral qu'au physique, sont réellement un livre classique pour les personnes du se xe. » (Rétif, Monsieur Nicolas)











Rétif était très fier de ses Parisiennes, il écrit : « Ce sont ici les Caractères, au nombre de 42, mis en action, avec 22 nuances, qui les portent à 64. Jamais on n'avait encore donné aux femmes des conseils aussi clairs, aussi adaptés aux épouses, aussi faits pour les femmes de notre âge, qui ont oublié tout ce qui convient à leur sexe, pour ne s'occuper que de ce qui convient au nôtre. Cet ouvrage est un chef-d'oeuvre. Aussi M. Butel-Dumont, homme très sévère, disait-il que, s'il était ministre, il en ferait réimprimer 50 mille pour les faire distribuer par tout le royaume, afin d'y rétablir les bonnes mœurs. » (in Les Contemporaines, à la fin du tome XXIV, seconde édition).

"M. Henri Cohen supposait que les vingt gravures numérotées sans légendes, et non signées, furent "probablement de Binet". Or les renseignements que Mes Inscripcions nous fournissent à ce propos prouvent que non seulement Binet fit quelques dessins des Parisiennes, mais aussi Richomme, graveur en taille-douce, Aze et Berthet" (Rives-Childs)

"c'est un des meilleurs ouvrages de Restif" selon Cubières-Palmézeaux

Cet ouvrage de Rétif est devenu très rare ; il ne fut jamais réimprimé ni contrefait.

Références : Lacroix, Rétif de la Bretonne, pp. 247-250 ; ouvrage coté 300 francs en maroquin de Chambolle-Duru (XIXe s.) chez le libraire Auguste Fontaine (1875) ; Rives-Childs, Bibliographie des ouvrages de Rétif de la Bretonne, 302.

Provenance : de la bibliothèque du bibliophile Victor Masséna, duc de Rivoli et prince d'Essling, né à Paris le 14 janvier 1836 et mort le 28 octobre 1910, avec son ex libris armorié répété au contreplat de chacun des volumes. Chaque volume porte une cote manuscrite "1172" probablement de la main du bibliophile lui-même. Ancien militaire et homme politique, Victor Massena était le petit-fils du maréchal napoléonien d'origine niçoise André Masséna, duc de Rivoli et prince d'Essling, et fils de François Victor Masséna et d'Anne Debelle, grande-maîtresse de la maison de l'impératrice Eugénie. Lle jeune Victor évolua dans un milieu de collectionneurs. Son père était un ornithologue amateur qui rassembla une des plus importantes collections privées françaises d'oiseaux exotiques du XIXe siècle et forma en quelques années une riche collection d'incunables et de livres anciens, vendue en 1836, 1839 et 1847. Il constitua lui-même une exceptionnelle collection d'ouvrages italiens illustrés du XVIe siècle. Il faut l'auteur en 1892 d'une Bibliographie des livres à figures vénitiens (1469-1525), rédigée à partir des éditions en sa possession. La plupart des ouvrages de ce fonds ont intégré une fondation dans un couvent vénitien. Les autres ouvrages de sa bibliothèque ont en grande partie pris place dans la Houghton Library de l'université de Harvard. Quelques ouvrages, tels que ce Rétif (nul doute que Victor Massena fut largement touché par la finesse d'exécution et la composition des estampes de cet ouvrage), se trouvent encore sur le marché. Les ouvrages de cette provenance sont très prisés des collectionneurs et fort rares. Ex libris armorié (Stern Graveur, Paris). Voir : « Victor Masséna duc de Rivoli, prince d'Essling » [notice nécrologique]. La Bibliofilia, XIII, octobre-novembre 1910, p. 320.








Superbe exemplaire non rogné et d'une illustre provenance bibliophilique, Victor Masséna, Prince d’Essling, avec son ex libris et sa devise « Victor et Fidelis », relié pour lui.

VENDU