lundi 19 novembre 2018

Jean de La Bruyère. Les Caractères de Théophraste traduits du grec, avec les Caractères ou les Moeurs de ce siècle. Neuvième édition. 1696. Edition définitive parue quelques semaines après la mort de l'auteur. Bel exemplaire en reliure de l'époque.


Jean de La Bruyère

Les Caractères de Théophraste traduits du grec, avec les Caractères ou les Moeurs de ce siècle. Neuvième édition. Revue et corrigée.

A Paris, chez Estienne Michallet, M. DC. CXVI. [i.e. 1696].

1 fort volume in-12 (16,5 x 10,5 cm - Hauteur des marges : 160 mm.) de (32)-662-XLIV-(6) pages.

Reliure plein veau brun de l'époque, dos à nerfs richement orné aux petits fers dorés, gardes et doublures de papier marbré, tranches mouchetées de rouge. Réparations à la coiffe inférieure et aux coins. Intérieur très frais. Complet.

Neuvième et dernière édition originale revue par l'auteur.

Exemplaire enrichi d'une importante clé manuscrite de l'époque (environ 210 annotations). Nous avons pu repérer quelques exemplaires de cette même édition dans lesquels la clé manuscrite ne dépassait guère une centaine d’occurrences.


Cette dernière édition présent le texte définitif de La Bruyère, avec ses dernières retouches. Bayle dit qu'elle parut peu de jours après sa mort. L'auteur d'une clef manuscrite fixe la mort de La Bruyère au vendredi 11 mai 1696 et dit que cette édition parut trois semaines après sa mort. Cette édition est revue et corrigée, mais non augmentée. L'auteur avait considéré son oeuvre comme terminée à la huitième édition. C'est donc le texte de l'édition précédente, mais avec des variantes et des corrections. Il existe un premier état très rare avec la page 234 (lignes 15-16) où on lit "ignominie" (remplacé par "ignorance" dans le carton). Notre exemplaire est du tirage avec le carton.


La première édition des Caractères paraît à Paris, chez Étienne Michallet, à l’automne de 1687, sous ce titre : les Caractères de Théophraste, traduits du grec, avec les Caractères ou les Mœurs de ce siècle. L’ouvrage comptait cent pages de traduction et deux cents pages originales. Le nom de l’auteur ne figura sur aucune édition publiée de son vivant. Cette première édition qui contenait surtout des remarques, et presque point de portraits, connut un succès très vif tout de suite. Dès lors, la biographie de La Bruyère se confond à partir de 1688 avec la vie de son ouvrage. Deux autres éditions parurent dans la même année 1688, sans que La Bruyère eût le temps de les augmenter notablement. En revanche, la 4e édition (1689) reçut plus de 350 caractères inédits ; la cinquième (1690), plus de 150 ; la sixième (1691) et la septième (1692), près de 80 chacune ; la huitième (1693 - avec 1.120 caractères), plus de 40, auxquels il faut ajouter le Discours à l’Académie. Seule la 9e édition (1696), qui parut quelques jours après la mort de La Bruyère, mais revue et corrigée par lui, ne contenait rien d’inédit. La vente de son ouvrage n’enrichit point La Bruyère, qui d’avance en avait destiné le produit à doter la fille de son libraire Michallet — cette dot fut ainsi de 100000 F à 3000000 F.


"On a souvent voulu faire de La Bruyère une sorte de réformateur, de démocrate, un « précurseur de la Révolution française ». Les passages abondent dans son livre où l’on voit qu’il partage, au contraire, et qu’il accepte toutes les idées essentielles de son temps, en politique comme en religion. Il critique les abus, mais il respecte les institutions. Son principe était de montrer aux gens leurs défauts afin qu'ils puissent se corriger. Il reconnaît même que certains maux sont inévitables. Il avait trop l’amour de son art pour être un révolté (...) il ne pouvait haïr ce qu’il peignait si bien. Cela posé, il reste que le ton des Caractères est presque constamment celui de la plus mordante satire. Il y avait en La Bruyère un mélange singulier d’orgueil et de timidité, d’ambition secrète et de mépris pour les ambitieux, de dédain des honneurs et de conscience qu’il en était digne; il ressentit profondément, malgré son affectation d’indifférence stoïcienne, l’inégalité de son mérite et de sa fortune. Et son grand grief contre la société du XVIIe siècle est précisément de ne pas faire sa place au mérite personnel. Doué d’une sensibilité profonde et délicate, qui nous est attestée par certaines de ses réflexions sur l’amour et sur l’amitié, il n’est pas étonnant que La Bruyère, dont les instincts naturels étaient constamment froissés, finît par concevoir quelque amertume contre l’injustice du sort et l’épancha dans son livre. Son humeur aigrie fut admirablement servie par un style incisif, âpre, nerveux, hardi jusqu’à la brutalité. Sa phrase, courte, brusque, saccadée, est déjà celle du XVIIIe siècle ; le réalisme de l’expression, la crudité de certains traits, la tendance à peindre l’extérieur, les gestes des personnages, sont presque du XIXe. La Bruyère est le premier en date des stylistes."


« Ce ne sont point des maximes que j'aie voulu écrire, [...] l'usage veut qu'à la manière des oracles elles soient courtes et concises ; quelques-unes de ces remarques le sont, quelques autres sont plus étendues : on pense les choses d'une manière différente, et on les explique par un tour aussi tout différent. » (La Bruyère, extrait de la Préface).

Référence : Rochebilière, Editions originales, n°642-643.


Bel exemplaire en condition d'époque avec une importante clé manuscrite dans les marges.

VENDU