vendredi 26 octobre 2018

Prostitution / Bordels. Histoire d'une mère maquerelle au XVIIIe siècle d'après sa correspondance : Correspondance de Madame Gourdan dite la Petite Comtesse, par Octave Uzanne (1883). Rare tirage de luxe sur Japon (1/15) relié plein veau glacé noir. Triple état du frontispice dont le "bon à tirer".


UZANNE (Octave).

CORRESPONDANCE DE MADAME GOURDAN DITE LA PETITE COMTESSE. Pour servir à l'histoire des moeurs du siècle, et principalement de celles de Paris. Nouvelle édition augmentée de lettres inédites, de notes, suivie de la description de sa maison et des diverses curiosités qui s'y trouvent, et précédée d'une étude-causerie sur les sérails du XVIIIe siècle par Octave Uzanne.

A Bruxelles, Chez Henry Kistemaeckers, 1883 [imprimé à Bruxelles chez A. Lefèvre]

1 volume in-8 (23 x 15 cm) de (4)-LVIII-277-(3) pages. Frontispice à l'eau-forte ici en 3 états par Mordant.

Reliure de l'époque plein veau glacé noir, dos à nerfs janséniste, nerfs marqués à froid avec prolongements sur les plats terminés par un petit fleuron (à la manière des reliures du XVe siècle), tête dorée, roulette dorée en encadrement intérieur des plats, doublures et gardes de papier peigne, couvertures conservées. Impression en rouge et noir. Bel exemplaire malgré quelques éraflures superficielles sur les plats de la reliure. Intérieur très frais.

Édition originale.

Tirage à 777 exemplaires.

Celui-ci, 1 des rares 15 exemplaire de luxe sur Japon.

Notre exemplaire porte le numéro 1.



Le frontispice est en trois états : en bistre avant la lettre avec remarque, en noir avant la lettre avec remarque, en noir avant la lettre avec remarque et mention de "Bon à tirer" signé par le graveur (Mordant) avec cette remarque au crayon : tirer le fond très sourd.

« Cette petite excursion bibliographique en Belgique avait pour but de placer chez Kist[emaeckers] une étude assez complète sur les couvents de plaisir et les maisons de tolérance d'avant la Révolution. La correspondance plus ou moins authentique de la maman Gourdan, a fourni le prétexte désiré, et le bibliophile [Octave Uzanne] préfaça ce livre avec quelque plaisir et intérêt. » Octave Uzanne, in Notes pour la Bibliographie du XIXe siècle, Quelques-uns des Livres Contemporains en exemplaires choisis, curieux ou uniques, Tirés de la Bibliothèque d'un Ecrivain et Bibliophile Parisien [Octave Uzanne], n°443.

L'histoire de la mère maquerelle Gourdan serait plaisante à conter ici dans son entier. Son établissement de plaisir voir le jour en 1774 à l’angle de la rue Saint-Sauveur et de la rue des Deux-Portes. Marguerite Gourdan édicte, à l’usage de ses pensionnaires, un règlement en vingt articles, agrémenté, en complément, d’Instructions pour une jeune demoiselle qui veut faire fortune avec les charmes qu’elle a reçus de la nature. En dehors de la direction de son établissement et de l’arrangement des parties fines soit chez elle, soit dans les petites maisons de la noblesse, elle procure en appareilleuse consommée des femmes aux hommes, des jeunes gens aux « sodomistes » et des « succubes » (jouant le rôle passif dans les ébats amoureux féminins) aux « tribades ». Les lesbiennes les plus renommées se recommandent toutes auprès de Marguerite Gourdan pour avoir de jeunes et jolies filles, expérimentées ou débutantes. Parmi celles-ci, Mme de Fleury, femme de l’avocat général et ancien Procureur royal René-Nicolas de Maupeou et fondatrice de la « secte Anandryne ». Parmi les clients célèbres de Marguerite Gourdan, on trouve encore Christian IV de Palatinat-Deux-Ponts, le prince de Conti, le marquis de Fitz-James, le chevalier de Coigny, le duc de Chartres, le duc de Mazarin, le duc de Grammont, le marquis de Romcy, le marquis de Nesle, le duc de Fronsac, le fermier général Dangé, le marquis de Genlis, le duc de Luynes, le marquis César de Talaru, M. de Montaigu, M. de Moudran, le marquis de Duras, le duc de la Trémoille, le chevalier de Piis, le négociant Émery, le banquier Pexiotte. Parmi les ecclésiastiques, on trouve le père Élysée, le père Bernard, le séminariste M de Calonne, le professeur en théologie Adrien Aubert, l’aumônier François de Clugny, le docteur en Sorbonne Pierre-Gallon Francesqui, le grand-vicaire Joachin de Gobriacle, l’archidiacre Jean Mongin, le chapelain de la Reine, M. de Saint-Mery, ou le chapelain du Roi, Gaspard Bardonnet, le chanoine Joseph-Marie Mocet, le prévôt Pierre-Joseph Artaud, l’abbé Grisel, l’abbé de Voisenon, l’archidiacre Jean-Baptiste d’Aguesseau, le père Honoré Regnard, l’évêque jésuite de Sisteron Lafiteau, l’archevêque de Toulouse Loménie de Brienne, l’abbé Tencin, Lany, ancien maître des ballets de l’Opéra, en dehors de sa liaison avec Mlle Lachassaigne danseuse de ce théâtre ou le bibliothécaire des Petits-Pères de la place des Victoires, aiment à se faire fouetter chez Marguerite Gourdan. Le 6 septembre 1775, un arrêt du Parlement décrète la prise de corps Marguerite Gourdan, pour avoir recueilli chez elle la femme d’un gentilhomme de province et favorisé son goût pour le libertinage. Marguerite Gourdan n’attend pas l’application du Décret de prise de corps. Cinq jours après la prononciation de cette sentence, c’est-à-dire le 11 septembre 1775, la Petite-Comtesse licencie son personnel, ferme son établissement et prend la fuite. Elle parvient à rouvrir son établissement mais la situation a changé. Les mœurs plus austères du roi Louis XVI, nouvellement couronné, imposent à la paillardise une trêve dont Marguerite Gourdan est la première à souffrir, et ce à tel point qu’elle fait faillite au cours du mois de mai 1778. Une fois de plus, elle réussit à se tirer du péril, mais de jour en jour, les affaires vont diminuant et la publicité se fait de plus en plus rare autour du blason de la Petite-Comtesse. Peu de temps après, Marguerite Gourdan meurt dans une chambre à coucher au premier étage de son domicile de la rue des Deux-Portes-Saint-Sauveur. (source : Wikipédia).

Provenance : ancienne collection Bertrand Hugonnard-Roche avec son chiffre à l'encre au verso de la garde blanche, BHR, 2012.

Bel exemplaire du tirage le plus désirable et très bien relié à l'époque.

VENDU