jeudi 18 octobre 2018

Pierre Leroux. Malthus et les économistes, ou y aura-t-il toujours des pauvres ? (1849). Socialisme utopique, politique et philosophie pour trouver une solution pacifique aux problèmes du prolétariat. Peu commun.


Pierre Leroux

Malthus et les économistes, ou y aura-t-il toujours des pauvres ? Par Pierre Leroux. Nouvelle édition.

Boussac, Imprimerie de Pierre Leroux, 1849

1 volume in-12 (17 x 11,5 cm) de IV-344 pages.

Reliure de l'époque demi-veau caramel. Reliure frottée. Intérieur frais. Quelques coupures de presses relatives à Pierre Leroux et à son imprimerie de Boussac contrecollés sur les premières gardes. La reliure est marquée BOUSSAC (doré en pied).

Edition originale en librairie de ces articles parus, pour la première fois dans la Revue Sociale de novembre 1845 à mai 1846, sous le titre « De la recherche des biens matériels ». Dans cet ouvrage "Pierre Leroux critique la loi de Malthus, en conteste la scientificité et s’oppose à la limitation des naissances. Il considère qu’il faut davantage se préoccuper de l’agriculture et de la question de l’augmentation des ressources que de se soucier de réduire la population." (Bibliothèque virtuelle - Les premiers socialismes Service commun de la documentation - Université de Poitiers).

La Préface de ce volume est signée par Jules Leroux, frère de Pierre Leroux, et datée de Boussac, le 6 avril 1849. C'était Jules Leroux qui dirigeait l'imprimerie de son frère à Boussac. Les deux frères, figures importantes du socialisme utopique, ont imprimé à Boussac 12 numéros de la Revue Sociale (ou Solution pacifique du problème du prolétariat) entre 1845 et 1850.



Pierre Leroux est issu du milieu pauvre du Paris des années de l'Empire. Il doit à une bourse la possibilité de suivre des études secondaires. Il renonce à intégrer Polytechnique pour aider sa mère devenue veuve à élever ses trois frères. Il devient maçon, apprenti imprimeur chez son cousin. A partir de 1824 il s'engage dans le combat politique libéral contre la monarchie. Les articles qu'il publie sont remarqués. A partir de 1830 il rejoint les rangs des Saint-Simoniens mais s'en écarte très rapidement au bout d'un an, ses idéaux de liberté n'étant pas compatibles avec ceux de ce mouvement. En 1834 c'est lui qui forge le néologisme "Socialisme". Pour lui le socialisme désigne l'idéal d'une société « qui ne sacrifiera aucun des termes de la devise liberté, égalité, fraternité ». Pierre Leroux souhaite un socialisme républicain, c'est-à-dire qui fasse toute sa place à la liberté tout en prenant l'idéal d'égalité dans son sens le plus exigeant, le sens social. Bien que contre les églises, la religion est au coeur de ses théories, avec une lecture de l’Évangile particulièrement ouverte sur toutes les autres religions. En 1843, Leroux obtient un brevet pour créer une imprimerie à Boussac (Creuse), que George Sand, « la voisine de Nohant », lui avait sans doute fait découvrir lors d'une excursion au site des Pierres Jaumâtres. Leroux s'installe à Boussac, fait venir sa famille, ses proches, puis, au fil des mois, des disciples séduits par ses théories et le mode de vie de la communauté. On s'adonne à l'agriculture mettant en application le Circulus, théorie écologiste avant la lettre, selon laquelle les êtres vivants se nourrissent des dépouilles et des déchets les uns des autres. Cette loi inspire toute la doctrine évolutionniste de Leroux, disciple de Lamarck et de Geoffroy Saint-Hilaire, qu'il s'agisse de l'évolution des espèces ou de celle des civilisations. En toutes choses, « les vivants se nourrissent des morts » (Anthologie, p. 249), ce qui condamne le volontarisme autant que le fixisme. Leroux continue en parallèle son travail de typographe et d'animateur de revue. Après Le Globe, la Revue encyclopédique, la Revue indépendante, fondé en 1841, il crée La Revue sociale lancée en octobre 1845. En 1848 il est initié Franc-maçon à Limoges à la loge "Les Artistes réunis" du Grand Orient de France. En février 1848, Leroux proclame la République à Boussac. Nommé maire de la commune par le gouvernement provisoire, il est élu le 4 juin député de la Seine comme candidat des démocrates-socialistes à l'Assemblée constituante de 1848. Il est réélu lors des élections législatives du 13 mai 1849 représentant de la Seine à l'Assemblée législative. Il combat pour un socialisme mutualiste et associationniste. Il prend la défense des insurgés de juin 48. Sa position est résumée par son discours du 30 août 1848 : « Il ne s’agit pas de faire intervenir l’État dans les relations sociales ; mais entre l’intervention de l’État dans les relations sociales et la négation de toute médiation et de tout droit tutélaire de sa part, il y a un vaste champ où l’État peut marcher et doit marcher, sans quoi, il n’y a plus d’État, il n’y a plus de société collective, et nous retombons dans le chaos. L’État doit intervenir pour protéger la liberté des contrats, la liberté des transactions mais il doit intervenir aussi pour empêcher le despotisme et la licence, qui, sous prétexte de liberté des contrats, détruiraient toute liberté et la société tout entière. Deux abîmes bordent la route que l’État doit suivre ; il doit marcher entre ces deux abîmes : inter utrumque tene. ». Après le coup d'État du 2 décembre 1851, Leroux s'exile à Londres, puis dans l'île de Jersey où Hugo est son voisin. Leurs promenades sur la plage de Samarez ont laissé des traces dans l'œuvre de Hugo. Leur amitié se termina par une brouille, mais les œuvres du philosophe et du poète méritent, elles aussi, d'être rapprochées. Revenu en France en 1860 à la faveur de la loi d'amnistie de 1859, Leroux publie un long poème philosophique en deux volumes (1863-64) La Grève de Samarez. Il meurt à Paris en avril 1871. La Commune délègue deux de ses représentants à ses obsèques. Pierre Leroux laisse un corpus de plus de 12.000 pages !



A la question soulevée par Pierre Leroux en 1849 : y aura-t-il toujours des pauvres ? En 2018 (169 années plus tard), nous avons la réponse. Il est probable qu'en 2187 la réponse soit la même.

Bon exemplaire de ce livre peu commun.

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