mardi 1 octobre 2024

Les Avantures de Gil Blas de Santillane par Monsieur Le Sage. Nouvelle édition, avec des figures. A Amsterdam, chez Meynard Uytwerf, 1747. 4 volumes in-12. Reliure plein maroquin janséniste vert sombre (milieu XIXe siècle). Avec 32 figures sur cuivre différentes de celles de l'édition de Paris. De la bibliothèque du bibliophile Amédée Rigaud. Bel exemplaire relié sur brochure de cette jolie édition peu commune.


LESAGE ou LE SAGE (Alain-René)

Les Avantures de Gil Blas de Santillane par Monsieur Le Sage. Nouvelle édition, avec des figures.

A Amsterdam, chez Meynard Uytwerf, 1747

4 volumes in-12 (14,5 x 9 cm | hauteur des marges : 141 mm) de (16)-392, (8)-344, (14)-369 et (12)-370-(6) pages. Avec 32 figires hors-texte non signées. Collationné complet.

Reliure plein maroquin janséniste vert sombre, dos à nerfs, titre, tomaison et millésime dorés, filet doré sur les coupes, dentelle dorée en encadrement intérieur des plats, doublures et gardes de papier peigne, tête dorée, relié sur brochure (feuillets ébarbés non rognés). Reliure non signée dans le style de Duru (exécutée vers 1860-1870). Reliures fraîches avec seulement quelques très légères marques à peine visibles, intérieur parfaitement frais. Les estampes sont en excellent tirage. Les 6 dernières pages du quatrième volume sont un catalogue des livres du fonds du libraire et imprimeur Meynard Uytwerf à Amsterdam dans lequel on retrouve ce Gil Blas et de nombreux titres d'ouvrages français contrefaits.

Edition parue en Hollande la même année que l'édition définitive de Paris (chez les libraires associés, 1747).

Le texte est strictement identique à l'édition de Paris qui passe pour être l'édition définitive et la meilleure de ce texte classique.

Notre édition hollandaise est illustrée de 32 gravures sur cuivre qui sont cependant totalement différentes de celle de Paris (les sujets sont différents, le nombre des gravures est identique).











"Cette édition (celle de Paris, que la nôtre reprend mot à mot), devenue peu commune, présente de nombreuses corrections et des augmentations considérables de l'auteur, lesquelles ne forment pas moins d'une centaine de pages ; elle doit donc être regardée comme la première bonne édition du chef-d'oeuvre de Le Sage." (Brunet, III, 1006).

Si l'édition de Paris est considérée comme "belle et recherchée", celle-ci, imprimée en Hollande avec soins, enrichie de belles gravures inédites, ne devrait pas l'être moins. D'autant qu'on la rencontre moins souvent que celle de Paris qui se trouve dans presque toutes les bibliothèques classiques.

"Écrite par Lesage entre 1715 et 1735, l’Histoire de Gil Blas de Santillane raconte les aventures de Gil Blas, fils d’un écuyer et d’une femme de chambre, dans l’Espagne des années 1610-1640. Tour à tour bandit, prisonnier, apprenti-médecin, économe, acteur d’une troupe itinérante, le jeune homme devient serviteur de différents personnages et débute alors son ascension sociale : domestique de bourgeois, puis de nobles, intendant des puissants, il fait son apprentissage à la Cour, jusqu’à finir secrétaire du premier ministre espagnol. Rendu cynique, à l’image du pouvoir qu’il côtoie, il se change en manipulateur corrompu, avant de connaître la disgrâce, puis de nouveau les faveurs du trône. Anobli, il termine retiré sur ses terres avec femme et enfants." (in Essentiels Bnf, en ligne)








L’Histoire de Gil Blas de Santillane est un roman d'inspiration picaresque, paru entre 1715 et 1735. L'auteur s'inspire du modèle picaresque mais le détourne, dans la mesure où son héros, Gil Blas, s'élève au fur et à mesure de ses innombrables aventures dans l'échelle sociale (il s'enrichit et finit bien marié et père de famille), contrairement au picaro qui, lui, cherchant à changer de milieu, échoue toujours dans son ascension. Lesage joue également avec les références antiques, le découpage en douze livres rappelant par exemple les douze chants de l'Énéide. Le roman a occupé son auteur vingt ans durant, puisque les douze livres (subdivisés eux-mêmes en chapitres) qui le composent ont paru en trois temps: livres I à VI en 1715 (en deux tomes); VII à IX en 1724 (tome III) et X à XII en 1735 (tome IV). La filiation de Gil Blas avec Turcaret, la pièce à succès composée par Lesage en 1709, est évidente : une fois de plus, Lesage met en scène non seulement des valets fripons servant des maîtres voleurs, des femmes de mœurs légères, des maris trompés et contents, mais aussi les pédants gourmés, les poètes ridicules, les faux savants, les médecins ignorants qui commettent des homicides. Chaque classe, chaque profession se résume à des types et chacun de ces types se peint lui-même dans l’action. Le choix des traits est inspiré par un goût parfait et ils sont mis en œuvre avec autant de sobriété que de finesse. Une caractéristique du récit de Gil Blas est l’accent de vérité qui l'imprègne d’un bout à l’autre. Quelque invraisemblables que soient ses aventures, le héros en parle, non comme d’une fiction, mais comme d’une réalité dont il a joui ou souffert. Il a vécu avec tous ces personnages et fait vivre le lecteur avec eux. Ils ont beau être de leur pays, de leur temps, ils ont, pour toutes les nations, une vie immortelle.

Cette œuvre, à la fois si universelle et si française dans son cadre espagnol, ne fut pas adoptée sans conteste comme une production originale. Lesage avait fait trop d’emprunts jusque-là à l’Espagne pour ne pas être soupçonné d’avoir pris Gil Blas à la même source. Voltaire fut l’un des premiers à l’accuser de plagiat et à signaler comme modèle de Gil Blas un roman de l'écrivain espagnol Vicente Gomez Martinez-Espinel (1550-1624) intitulé Vie et aventures de l'écuyer Marcos de Obregon, auquel Lesage avait fait, comme à tant d’autres romanciers espagnols, des emprunts de détail qui n’ont jamais diminué le caractère d’originalité d’une grande composition littéraire. La thèse de l’origine espagnole du Gil Blas fut plusieurs fois reprise par eux. Le Père Jose de Isla, en traduisant l’ouvrage de Lesage en espagnol, affirma le restituer à sa patrie et à sa langue. Faute de faits, l'inquisiteur et historien espagnol Juan Antonio Llorente (1756-1823) invoqua des preuves de sentiment en affirmant que Gil Blas devait être de l’historien espagnol Antonio de Solis y Ribadeneyra (1610-1686), par cette raison qu’à l’époque où il a paru, aucun autre écrivain n’eût été capable d’écrire un pareil ouvrage.

Il est désormais reconnu que l'on ne peut accuser d'emprunt l'œuvre inoubliable de Lesage, ultime éclat du roman picaresque. Bien qu'il se soit inspiré de sources variées, Gil Blas reste une création unique et authentique. À travers les aventures d'un picaro plein d'astuce, l'auteur dresse, par le biais de rencontres de hasard, un tableau satirique de la société de son temps.

Provenance : de la bibliothèque d'Amédée Rigaud avec son ex libris, financier (agent de change) et bibliophile dont la belle bibliothèque (environ 1.500 ouvrages choisis) fut vendue à sa mort survenue en 1874 (Catalogue de la bibliothèque de monsieur Amédée Rigaud, Paris, Aubry, 1874, n° 657).

Bel exemplaire relié sur brochure de cette jolie édition peu commune.

Prix : 2.500 euros