mercredi 25 septembre 2024

Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone]. Le Piéd de Fanchete [Pied de Fanchette] ou le Soulier couleur-de-rose. Première et seconde partie. Imprimé A LA-HAIE, 1776. 2 parties reliées en 1 volume in-12. Reliure bradel demi-toile verte maroquinée à petits coins. Véritable seconde édition imprimée à 500 exemplaires seulement. Bel exemplaire.



Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone]

Le Piéd de Fanchete [Pied de Fanchette] ou le Soulier couleur-de-rose. Première et seconde partie.

Imprimé A LA-HAIE, 1776

2 parties reliées en 1 volume in-12 (17 x 10,3 cm) de (4)-134 puis paginé de (135) à 290-(2) pages. 2 frontispices ajoutés (voir ci-dessous).

Reliure bradel demi-toile verte maroquinée à petits coins, plats de papier marbré, tranches marbrées, doublures et gardes de papier blanc. Collationné complet. Reliure et intérieur en très bon état (infime trace de choc sur une coupe, sans manque). Papier frais. Reliure exécutée vers 1880.

Véritable seconde édition imprimée à 500 exemplaires seulement.




La première édition du Pied de Fanchette date de 1769. Restif "en fit une seconde édition en 1776, tirée à 500 exemplaires, où est un Epilogue qui manque aux contrefaçons" (Revue des Ouvrages). "La première édition était interlignée, et en trois parties ; mais ma seconde, en deux parties, est plus correcte et plus ample" (Ouvrages, la Vie de mon père, 1788, p. 223). Dans l'Avis de l'auteur de cette édition, Restif écrit qu'il a tâché de corriger les fautes de la première bien qu'il y ait eu déjà trois ou quatre (contrefaçons). Rives Childs signale un exemplaire de cette seconde édition avec deux frontispices qui n'avaient été signalés dans aucune bibliographie. Notre exemplaire possède également deux frontispices gravés sur acier mais il ne s'agit pas de ceux décrits par Rives-Childs. Dans notre exemplaire les deux frontispices sont dessinées par H. F. Füger et gravés par C. G. Geÿser. Le frontispice placé en tête de la première partie montre un homme en train de regarder les souliers d'une dame assise dans un fauteuil. Le deuxième frontispice montre un salon avec des hommes (le sujet semble éloigné de l'histoire du soulieur couleur-de-rose). Ces gravures semblent postérieures à la date d'impression de cette édition (sans doute vers 1785-1790). Quoi qu'il en soit, il ne faut normalement pas de figures pour cette édition de 1776. Le premier ouvrage illustré de Rétif est son Quadragénaire paru en 1777.










Il y eut encore une troisième édition datée de 1786 (en réalité 1798) et enfin une cinquième édition parue en l'an VIII (1800) qui est fort rare et vaut comme édition définitive.

Le nom de Rétif (Rétif de la Bretone) est imprimé au bas de la dédicace (page 4). C'est la seule édition du Pied de Fanchette où figure le nom de Rétif.

Dès la première édition, Rétif n'était pas satisfait de son Pied de Fanchette : « [...] le Pied de Fanchette est un ouvrage manqué, depuis le quatorzième chapitre ; le succès qu'il a eu ici et quatre éditions ne m'en font pas accroire... J'ai fait une seconde édition du Pied de Fanchette, un peu meilleure que la première, en deux volumes, au lieu de trois, mais sans avoir rien retranché ; au contraire, elle commence par un Avertissement d'une page, qui n'est ni dans la première ni dans la seconde édition (sic), ni dans les contrefaçons. » (août 1778).

C'est dans cet ouvrage que, pour la première fois, il fait éclater sa passion fanatique par les jolis pieds de femme et pour les jolies chaussures. Le pied de Fanchette est réellement le héros du livre : « Son pied, le pied mignon, qui fera tourner tant de têtes, était chaussé d'un soulier rose, si bienfait, si digne d'enfermer un si joli pied, que mes yeux, une fois fixés sur ce pied charmant, ne purent s'en détourner ... Beau pied ! dis-je tout bas, tu ne foules pas les tapis de Perse et de Turquie ; un brillant équipage ne te garantit pas de la fatigue de porter un corps, chef-d'oeuvre des Grâces ; tu marches en personne, mais tu vas avoir un trône dans mon coeur. » (cité par Lacroix).

Dans cette seconde édition remaniée, Mme Lévéque n'est pas encore nommée en tête de la dédicace qui lui est adressée. Dans la préface il écrit : « Très-indulgents lecteurs et très aimables lectrices. Ce fut la veille du mariage de Fanchette, que l'éditeur de la véridique Histoire que vous achevez, entrevit cette Belle, chez la marchande de modes, et que son joli pied, chaussé d'un soulier rose à talon vert, fut pour lui la divine Clio : on essayait à la fiancée sa parure pour le lendemain, et celle qui nomma Fanchette était Agathe. La clarté est le premier devoir d'un écrivain ; j'y ai satisfait. Adieu. ».







Cette seconde édition, corrigée, se termine par un Épilogue au Beau Sexe, qu'on ne trouvait pas dans la première. C'est toujours le pied qui est l'objectif : « La beauté de votre pied est à la fois appas, attrait, grâce et charme ; sa souplesse, sa petitesse, son élégance, le mettent au rang de vos appas ; le goût et la propreté dans votre chaussure le placent entre vos traits ; votre marche agréable, votre danse voluptueuse en font une de vos grâces ; l'art avec lequel vous le cachez ou le laissez entrevoir, le rend un de vos charmes, dont il est impossible d'exprimer l'effet. Aussi, une femme auteur l'a-t-elle défini ; l'extrait de la beauté et l'abrégé de vos charmes. ».

Cette passion pour les pieds des femmes et pour bien d'autres choses encore a été l'objet d'une thèse de doctorat intitulée : Le fétichisme : Restif de la Bretonne fut-il fétichiste ? Cette thèse fut présentée et publiquement soutenue devant la Faculté de médecine de Montpellier le 22 février 1913 par Louis Barras. 

Dans quelques passages des ouvrages de Rétif de la Bretonne on prend notre auteur en flagrant délit de masturbation à l'intérieur d'une mule de femme ... "Substitut du corps et du sexe, objet fétiche, topos romanesque permettant à l'intrigue de progresser, point de départ et aboutissement du récit, foyer dé la représentation picturale, marque du symbolique et de l'imaginaire, le pied de Fanchette est le lieu de tous les possibles." (Didier Masseau, in Etudes Françaises, La chaussure ou le pied de Fanchette, Volume 32, numéro 2, automne 1996)



Fils de paysans de l'Yonne, devenu ouvrier typographe à Auxerre et Dijon, Nicolas Restif de La Bretonne s'installe à Paris en 1761 : c'est alors qu'il commence à écrire. Il a une vie personnelle compliquée et est sans doute indicateur de police. Polygraphe, il fait paraître de très nombreux ouvrages touchant à tous les genres, du roman érotique (L'Anti-Justine, ou les Délices de l'amour) au témoignage sur Paris et la Révolution (Les Nuits de Paris ou le Spectateur nocturne, 1788-1794, 8 volumes) en passant par la biographie avec La Vie de mon père (1779) où il brosse un tableau idyllique du monde paysan avant la Révolution avec la figure positive de son père. Il a également touché au théâtre sans grand succès. Cherchant constamment des ressources financières - il mourra d'ailleurs dans la misère -, il écrit aussi de nombreux textes pour réformer la marche du monde. Cependant l'œuvre majeure de Restif de la Bretonne est sa vaste autobiographie, Monsieur Nicolas, en huit volumes échelonnés entre 1794 et 1797. Ce livre fleuve se présente comme la reconstruction d'une existence et expose les tourments de l'auteur/narrateur comme à propos de la paternité - le titre complet est Monsieur Nicolas, ou le Cœur humain dévoilé -, mais témoigne aussi de son temps et constitue une source très abondante de renseignements sur la vie rurale et sur le monde des imprimeurs au XVIIIe siècle. C'est aussi un philosophe réformateur pénétré de rousseauisme qui publie des projets de réforme sur la prostitution, le théâtre, la situation des femmes, les mœurs, et un auteur dramatique.


Provenance : de la bibliothèque Bertrand Hugonnard-Roche avec son ex libris.

Références : Rives-Childs, n°III, pp. 201-204 ; Lacroix, n°III, pp 85-92

Bel exemplaire de cette seconde édition rare car imprimée à seulement 500 exemplaires.

Prix : 2.500 euros