mardi 30 juillet 2024

Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone]. Le Paysan perverti et La Paysanne pervertie. 1782-1784. 16 parties en 8 volumes in-12. 120 figures. Avec le très rare texte des Figures du Paysan et de la Paysane. Très bel exemplaire en reliure moderne plein papier raciné pastiche du XVIIIe siècle.


Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone]

Le Paysan perverti, ou les Dangers de la ville ; Histoire récente, mise au jour d'après les véritables lettres des personnages. Par N. E. Rétif de la Bretone.

Imprimé A La Haye, et se trouve à Paris, chés Esprit, M. DCC. LXXVI. [1776] (i.e. 1782)

8 parties en 4 tomes reliés en 4 volumes in-12 de VII-(1)-304, 312, 304 et 293-(3) pages. Avec 82 figures hors-texte dont 8 frontispices. Avec le texte des "Figures du Paysan perverti" intercalé à la fin de chaque partie (CLXVIII pages comprenant les pages de titres).

SUIVI DE :

Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone].

La Paysane pervertie, ou les Dangers de la ville ; Histoire d'Ursule R**, soeur d'Edmond, le Paysan, mise au jour d'après les véritables lettres des personnages : etc. Par l'auteur du Paysan perverti.].

Imprimé à La Haie [La Haye], et se trouve à Paris chés [la d.me Veuve Duchesne, libraire], 1784

8 parties en 4 volumes in-12 de 344, 320, 320 et 344-(8)-[clxix à ccxliv]-(12) pages. 38 figures hors-texte dont 8 frontispices. Avec le texte des "Figures de la Paysane pervertie" intercalé à la fin de chaque volume (LXXII pages comprenant les pages de titres)

Soit un ensemble complet de 16 parties reliées en 8 volumes in-12 (17 x 10,5 cm).

Avec 120 figures gravées hors-texte (complet).

Avec les texte ou explications des Figures pour le Paysan perverti et pour la Paysanne pervertie.

Reliure bradel plein papier raciné caramel, dos lisses avec filets dorés et pièces de titre et tomaisons dorées de maroquin caramel beurre salé, tranches dorées sur marbrure, doublures et gardes de papier vergé antique fin (voir l'historique de la reliure ci-dessous). Corps d'ouvrage conservé (exécuté au XIXe siècle vers 1880 par Adolphe Bertrand), couvrure bradel plein papier exécutée par Olivier Maupin, dorure des titres exécuté par l'atelier parisien "A la feuille d'Or".

Particularités de l'exemplaire : Notre exemplaire est bien complet de 120 figures hors-texte. A noter qu'une des figures a subi un petit arrachage dans le noir - report sur page en regard). La figure de l'attentat est ici dans son état après la censure (jambes non visibles pour le viol de Madame Parangon). Les autres figures sont également en état après la censure. Quelques rousseurs éparses au Paysan. Ensemble très frais.

Historique de l'exemplaire :

Cet exemplaire du Paysan perverti et de la Paysanne pervertie, bien complet de toutes les figures requises et même des Figures (explications), était, quand nous l’avons eu pour la première fois en mains (en janvier 2019), relié en plein maroquin rouge de la seconde moitié du XIXe siècle. Cette reliure, signée A. Bertrand (pour Adolphe Bertrand) et portant dans la dentelle dorée intérieure le nom du libraire Auguste Fontaine, avait subi un début d’incendie ou une forte source de chaleur de manière prolongée. Le cuir des dos de tous les volumes était noirci et cuit, les mors étaient tous fendus. La reliure était détruite. L'intérieur des volumes était bien préservé. Cette reliure, faite pour le libraire Auguste Fontaine, probablement vers 1874 ou 1875 (date de la publication de la Bibliographie des ouvrages de Rétif de la Bretonne par Paul Lacroix), ne pouvait être conservée en l’état, ni même restaurée. Cet exemplaire, bien que conservé dans un piteux état, était très complet et méritait d’être réhabilité pour les générations futures. C’est seulement fin mars 2024 que j’entrepris de demander un devis pour la réhabilitation complète de cet exemplaire. Seule une nouvelle reliure pouvait être envisagée, en conservant bien évidemment précieusement les corps d’ouvrage qui étaient intacts (tranches dorées sur marbrure). Le 11 avril 2024 j’acceptai le devis envoyé par Olivier Maupin pour la réhabilitation complète, à savoir la façon de cartonnages plein papier raciné à l’imitation des papiers de la fin du 18e siècle avec filets dorés et pièces de titre ad hoc avec l’époque de l’édition (fin 18e s.). Les volumes refaits ont été réceptionnés le mercredi 3 juillet 2024 et le résultat est à la hauteur de l'attente. Le travail de cartonnage effectué par Olivier Maupin lui-même ainsi que le travail de dorure par l’atelier parisien « à la feuille d’or » est magnifique de finesse. L’exemplaire est sauvé. Cette petite histoire accompagnera désormais cet exemplaire, où qu’il doive voyager dans l’espace et dans le temps (Bertrand Hugonnard-Roche).


Concernant Le Paysan :

Quatrième édition, la plus correcte, donnée par Rétif de la Bretonne lui-même.

Exemplaire bien complet de la suite de 82 figures en excellent tirage publiée courant 1781-1782.

Le Paysan perverti est aujourd'hui reconnu comme l'ouvrage le plus important de Rétif de la Bretonne et il fut en son temps aussi celui qui fit le succès de son auteur. Son style et son fond en font l'un des ouvrages du XVIIIe siècle précurseurs du genre naturaliste par bien des aspects. Avec le Paysan perverti de Rétif on est très loin des marivaudages creux et autres romans sans tenue de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Rétif insuffle à la psychologie des personnages une teneur inégalée alors. Le mode d'écriture épistolaire ajoute à l'intensité dramatique et ancre le tout dans la réalité non-romanesque. Avec ce long roman par lettres Rétif obtient la reconnaissance d'homme de lettres tant recherchée par lui depuis ses débuts en littérature en 1764 (La Famille vertueuse). La remarquable illustration renferme 82 figures gravées en taille-douce, 8 frontispices, dont quatre signés par Berthet, et 74 planches par Le Roy, le tout d'après Louis Binet sous la direction de Restif. Cette quatrième édition du Paysan, pourtant décriée par lui-même (Monsieur Nicolas), a en réalité été exécutée à Paris par lui et/ou sous ses ordres. C'est la seule édition du Paysan à posséder un errata et la seule pour laquelle le placement des figures correspond à la pagination. Cette édition s'accorde avec la Paysane pervertie publiée seulement en 1784 mais rédigée en seulement 30 jours en septembre 1780 (Monsieur Nicolas).

Rétif insiste sur les difficultés qu'il rencontra pour son Paysan avec la censure. Ce sont 3 figures qu'il dut faire refaire (fig. n°8, 24 et 33. Cf. liste P. Lacroix). La figure 8 montre Edmond et Gaudet d'Arras dans un cabinet dont les murs sont recouverts de peintures obscènes (la censure obligea Rétif à faire gratter ces peintures - dans la version censurée on ne les distingue plus). La figure 24 quant à elle montre Edmond et Gaudet d'Arras en habit religieux (la censure obligea Rétif à faire revêtir Gaudet d'Arras d'un habit civil). Enfin, la figure 33 représente Madame Parangon en train de se faire trousser par Edmond (la censure obligea Rétif à supprimer les jambes "un peu trop en l'air" de ladite dame). censuré. Les 2 autres figures sont ici dans l'état censuré.

Le Paysan perverti rapportera à Rétif, avec les rééditions, neuf mille livres, soit une dizaine d’années de son salaire à l’imprimerie quand il y était bien payé.

Le Paysan perverti a été publié pour la première fois en 1775 (sous la date de 1776, date que Rétif conservera pour toutes ses éditions du Paysan).

Né au sein d’une famille nombreuse, Edmond, fils de paysan, est envoyé par ses parents à la ville dans l’espoir de "parvenir" et de faciliter ainsi l’avenir de toute la famille. Enthousiaste, l’adolescent compte bien tirer profit de toutes les opportunités qui ne manqueront pas de se présenter à lui. Mais si la ville est le lieu de tous les possibles, elle est aussi celui de tous les dangers : la beauté inaccessible de Mme Parangon, les leçons du sulfureux Gaudet, les discours des femmes trop faciles, les mirages d’un orgueil que l’on ne combat plus, les belles promesses des pensées libertines… autant d’attirantes lumières qui éblouissent le naïf Edmond, et qui, s’il n’y prend garde, pourraient bien l’aveugler…"(extrait de la présentation de l'édition du Paysan perverti donnée par Norbert Crochet, 2016).

Il y a énormément de Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne dans Edmond, pour ne pas dire tout ! Sa venue à Auxerre en tant qu'apprenti imprimeur (Edmond est apprenti peintre dans une ville qu'on ne peine pas à reconnaître pour Auxerre). Son arrivée à Paris, ses illusions et ses désillusions, etc. Tout y est, fardé, changé, un peu, beaucoup ou à peine. Les lecteurs de son temps, eux, n'en savaient rien et lisaient le Paysan comme une jolie histoire véritable (ce qu'elle était presque entièrement).

Références : Cohen, 498-499 ; Rives Childs, p. 236, n°10 ; Paul Lacroix, pp. 131-132, n°5. 







Concernant La Paysanne :

Exemplaire bien complet des 38 figures d'après Binet.

Exemplaire bien complet des pages additionnelles à la fin du tome IV.

Ouvrage composé en 30 jours par Rétif, dans le mois de septembre 1780, pour servir de suite et de complément à son Paysan perverti paru en 1776, la Paysane pervertie connut quelques déboires avec la censure qui ne lui permit pas de voir le jour avant 1784. "C'est l'ouvrage de prédilection de l'auteur qui a beaucoup plus pensé que le Paysan perverti" (Revue des ouvrages, p. ccxxxivj). La censure exigea que les titres fussent changés (notre exemplaire possède les titres dans leur premier état non censuré). De Paysane pervertie elle devient "Dangers de la ville" seulement (de nouveaux titres et faux-titres recollés sur les premiers émis). Rétif trembla tout 1785 de voir encore sa Paysane suspendue à chaque instant. Les exemplaires s'écoulèrent cependant. Aucune autre édition de la Paysane ne vit le jour (seules 2 contrefaçons circulèrent entre 1785 et 1786). Les 38 estampes de la Paysane étaient déjà achevées au mois de juin 1783 et annoncées au public au commencement de 1784. 2 figures (qui manquent souvent) n'ont été livrées qu'après la mise en vente de l'ouvrage (elles sont bien présentes dans notre exemplaire - figures III bis et VIII bis).

La Paysane pervertie a été imprimée à 3.000 exemplaires mis en vente par la Veuve Duchesne.

"La Paysane approfondit les caractères qui n'étaient qu'esquissés dans le Paysan : Fanchon, Pierre, Gaudet d'Arras surtout, y sont parfaitement achevés [...] Ces deux ouvrages, qui n'en sont réellement qu'un seul, sont peut-être la plus utile production qu'on ait mise au jour depuis le commencement du siècle." (Rétif de la Bretonne, Mes ouvrages, p. 34-35).








"Je n'ai jamais rencontré une nature aussi violemment sensuelle. Il est impossible de ne pas s'intéresser à la variété des personnages, des femmes surtout, qu'on voit passer sous ses yeux, et à ces nombreux tableaux caractéristiques qui peignent d'une manière si vivante les mœurs et les allures des Français de la classe populaire. Pour moi qui ai eu si peu l'occasion de penser au-dehors et d'étudier les hommes dans la vie réelle, cette œuvre a une valeur inappréciable." (Schiller).

"Jamais écrivain ne posséda peut-être à un aussi haut degré que Rétif les qualités précieuses de l'imagination. " (Gérard de Nerval)

Références : Paul Lacroix, Rétif de la Bretonne, pp. 224-232 ; Rive-Childs, pp. 289-291



















Provenance : de la bibliothèque Bertrand Hugonnard-Roche avec ex libris contrecollé dans chacun des volumes ; exemplaire initialement relié en plein maroquin rouge par Adolphe Bertrand pour le libraire parisien Auguste Fontaine, spécialiste des éditions rares de Rétif de la Bretonne à partir des années 1874-1875 (photographies de la reliure dans son état initial fournies à l'acquéreur).

Superbe exemplaire parfaitement réhabilité de cet ensemble des plus complets du Paysan et de la Paysanne de Rétif de la Bretonne ; bien complet des 120 figures hors-texte et du texte des Figures du Paysan et de la Paysanne.

Prix : 15.000 euros