jeudi 4 juillet 2024

Oeuvres diverses du Sieur D * * * avec le Traité du Sublime ou du Merveilleux dans le Discours, traduit du Grec de Longin. A Paris, chez Claude Barbin, 1674 [de l'imprimerie de Denys Thierry]. Edition en grande partie originale. Très belle impression en caractères italiques avec de nombreux ornements gravés. Bel exemplaire de cette importante édition dans le format in-quarto.


Sieur D *** [Nicolas BOILEAU DESPREAUX]

Oeuvres diverses du Sieur D * * * avec le Traité du Sublime ou du Merveilleux dans le Discours, traduit du Grec de Longin.

A Paris, chez Claude Barbin, 1674 [de l'imprimerie de Denys Thierry]

2 parties en 1 volume in-4 (25,2 x 18,3 cm | Hauteur des marges : 245 mm) de (6)-178-(2) et (12) puis paginé de (3) à 102-(10) pages, dont un frontispice gravé par P. Landry pour la première partie et un autre frontispice dessiné et gravé en 1674 par François Chauveaau (placé en regard du Traité du Sublime). Collationné complet. Léger grattage sur le titre.

Reliure plein maroquin janséniste vert sombre, dos à nerfs, toutes tranches dorées, dentelle dorée en encadrement intérieur des plats, doublures et gardes de papier marbré (reliure exécutée dans le courant du XXe siècle). Excellente reliure de belle facture pourtant non signée. Dos passé, intérieur très frais (exemplaire légèrement lavé conservant toute la beauté du tirage et le velouté du papier).


Edition en grande partie originale.

C'est la première édition de Boileau à porter le mot Oeuvres sur le titre. Elle contient 9 satires, 4 épitres, l'Art poétique en vers, les quatre premiers chants du Lutrin et le Traité du Sublime et du Merveilleux dans le discours, traduit du grec de Longin, suivi de Remarques. Avec des tables. 

Cette édition contient également un Avis au lecteur et une Préface au Traité du Sublime. Notre exemplaire est bien complet des deux extraits du privilège (le premier placé après la page 178 et le second placé à la fin du volume après la table, dans les deux cas la date d'achevé d'imprimer pour la première fois est celle du 10 juillet 1674. On sait par la mention au verso du tout dernier feuillet que ce volume sort des presses de Denys Thierry, imprineur rue Saint Jacques à l'Enseigne de la Ville de Paris.









Très belle impression en caractères italiques avec de nombreux ornements gravés.

La publication des Satires de Boileau en 1666 fit scandale. Jeune, peu connu, vivant encore dans l’ombre de son frère Gilles, le poète voulut faire une irruption fracassante dans la République des Lettres. L’émotion publique qu’il suscita fut à la hauteur de ses espérances. Elle devait durer jusqu’à sa mort, entretenue par les éditions successives de ses œuvres et notamment par les Satires X et XII. La Satire X contre les femmes, publiée en 1694, déchaîna un tollé. Quant à la Satire XII sur l’équivoque, œuvre testamentaire, écrite dans les années 1705-1710 et dirigée contre les jésuites, elle fut tout simplement interdite de publication par Louis XIV. La Querelle des Satires pose la question de la possibilité de dire ce qu’on pense être la vérité dans un environnement qui n’est pas prêt à l’entendre par peur et lâcheté, par paresse ou par habitude du mensonge et de la flatterie. C’est pourquoi entre la Querelle du Cid, celle de L’École des femmes, celle des deux Phèdre et celle des Anciens et des Modernes, il faut faire toute sa place à la Querelle des Satires de Boileau, qui d’ailleurs prit part à des degrés divers à toutes les autres querelles. Avec une rare audace au début du règne de Louis XIV, il s’érige en moraliste brusque et péremptoire ; mais plus encore, il se pose en censeur des Lettres, en régent du Parnasse, en nouvel Aristarque. Il fait le tri entre ceux qu’il juge les bons et les mauvais poètes, culbutant sans ménagement nombre d’écrivains qui pensaient pouvoir jouir d’une notoriété tranquille, honorable et sempiternelle. Boileau eut la chance, au milieu des émotions publiques qu’il déchaîna, de pouvoir étayer sa poétique sur les chefs-d’œuvre de Corneille, de Molière et de Racine (voir Nicolas Boileau et la Querelle des Satires par Pascal Debailly in Littératures classiques 2009/1 (N° 68), pages 131 à 144).





Le Lutrin est une célèbre parodie épique de Nicolas Boileau, sous-titrée « poème héroï-comique ». Tandis que les quatre premiers chants en sont antérieurs à l'Art poétique, puisque publiés entre 1672 et 1674, les deux derniers chants en virent le jour en 1683. Tout d’abord intitulé « poème héroïque » (épopée), Boileau y substitua le sous-titre de « poème héroï-comique » en 1698, sur les conseils de ses amis. Son élaboration semble due à une gageure : Boileau aurait cherché à démontrer la possibilité de faire une épopée sur des sujets aussi minces soient-ils (en l’occurrence une dispute entre un trésorier et un chantre du chapitre). Le caractère parodique de l’œuvre est à entendre dans un tout autre sens que pour le Virgile travesti par exemple. Au contraire de Scarron, Boileau ne cherche en effet pas à détourner un sujet sérieux, mais au contraire à bâtir une œuvre sérieuse sur un sujet insignifiant. S’il n’en détourne pas moins quelques canons épiques, en donnant par exemple à son poème un titre évoquant un meuble, en parodiant le fameux cano de l'Énéide de Virgile, en mettant en scène des personnages sans noblesse et des allégories pour le moins originales, comme la Mollesse, il ne sombre jamais dans le grotesque baroque. Critique, le Lutrin l’est aussi : Boileau n’y cache pas sa volonté de moquer quelques œuvres à succès de son temps, mais qu'il n'apprécie pas, comme le Cyrus et la Clélie de Madeleine de Scudéry et d’attaquer « l’abus de l’allégorie, de la mythologie », « le goût du siècle pour l’emphase et le ton ampoulé ».

On chercherait vainement ailleurs tout ce qu'on peut trouver de travers chez l'homme dans les vers de Boileau.

"De tous les animaux qui s'élèvent dans l'air, qui marchent sur la terre, ou nagent dans la mer, de Paris au Pérou, du Japon jusqu'à Rome, le plus sot animal, à mon avis, c'est l'Homme." (début de la Satire VIII).

"Avant donc que d'écrire, apprenez à penser. Selon que notre idée est plus ou moins obscure, L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure. Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément." (Chant I de l'Art poétique, extrait)

Bel exemplaire de cette importante édition dans le format in-quarto.

Prix : 2.500 euros

mercredi 3 juillet 2024

Guy de Maupassant. La Maison Tellier. Texte et illustrations gravés à l'eau-forte par Léon Courbouleix. Sans lieu ni date [chez Léon Courbouleix, vers 1940]. Ouvrage rare au tirage limité à 106 exemplaires seulement. Avec 60 eaux-fortes originales dont 46 encadrements dans le texte et 9 double-pages. Sans aucun doute parmi les plus beaux livres illustrés de cette période. Très bel exemplaire tel que paru.



Guy de MAUPASSANT | Léon COURBOULEIX, illustrateur graveur éditeur

La Maison Tellier. Texte et illustrations gravés à l'eau-forte par Léon Courbouleix.

Sans lieu ni date [chez Léon Courbouleix, vers 1940]

1 volumes grand in-4 (33 x 25 cm), en feuilles sous couverture rempliée illustrée sur le premier plat d'une eau-forte (portrait de Guy de Maupassant), de 80 feuillets non chiffrés avec 1 eau-forte sur la page de titre, 49 eauc-fortes tirées en bistre dans les marges et hors-texte faisant office de chapitre, 9 eaux-fortes tirées sur double-page, soit un total de 60 eaux-fortes. Etui et emboîtage de l'éditeur. Le volume est en parfait état extérieur et intérieur, très frais. L'étui et l'emboîtage sont en bon état avec de minimes marques.



Nouvelle édition.

Ouvrage entièrement gravé par l'artiste Léon Courbouleix et imprimé  sur la presse à bras de son atelier.

Les capitales de chaque exemplaire ont été enluminées à la main (en rouge). Tirage en noir et or (pour une partie de la page de titre, faux-titre et grandes lettrines).

L'ouvrage est illustré de neuf hors-textes en double-page, de quarante-six gravures in-texte, d'une couverture, d'un titre, et de trois annonces de chapitre en pleine-page.

Le tirage comprend 106 exemplaires seulement.

Celui-ci, un des 75 exemplaires sur vélin de cuve comprenant l'état définitif des gravures.

Notre exemplaire porte le numéro 69 (numéroté et signé à la main par l'artiste).








La Maison Tellier a été publiée pour la première fois en 1881. Se situant dans la continuité des récits sur la prostitution, elle constitue la nouvelle réaliste de Maupassant la plus célèbre après Boule de suif. Guy de Maupassant écrivait à sa mère : « C’est au moins égal à Boule de suif, sinon supérieur ».

La maison close de province, tenue par Madame Tellier, est « fermée pour cause de première communion » au grand dam des habitués. Après un périple en chemin de fer, les pensionnaires assistent à la cérémonie et sont émues par Constance, nièce de Madame Tellier, et l’ambiance de l’église ... Guy de Maupassant, en grand habitué des maisons closes, dépeint avec force ce milieu particulier des filles de joie.

En juillet 1877, Maupassant écrit à Tourguenieff qu'en trois jours, il a "tiré 19 coups". Pierre Boborikine (autre écrivain russe) rapporte de son côté que l'auteur de La Maison Tellier a démontré sa virilité devant lui six fois de suite, suivies de trois autres avec une seconde partenaire dans une chambre voisine. La Maison Tellier est justement dédié à Yvan Tourguenieff.








Guy de Maupassant, après une courte et intense carrière de nouvelliste et romancier qui ne dura que 10 ans à peine, meurt interné et fou à l'âge de 42 ans le 6 juillet 1893, des suites de la syphillis.

Cette édition d'artiste de ce beau texte de Guy de Maupassant est sans conteste l'une des plus belles réussites de l'époque. Léon Courbouleix déploie ici tout son savoir faire d'illustrateur, graveur et pressier pour donner un livre d'une grande beauté et parfaitement harmonieux. La mise en page calligraphiée-gravée est encadrée à chaque page d'une illustration forte et fidèle au texte de Guy de Maupassant. L'ensemble est magnifié par les grandes compositions sur double-page qui viennent compléter le propos de manière subtile. La rubrication en rouge des petites et grandes capitales ainsi qu'une page de titre des plus harmonieuses vient parfaire le tout. Ce livre est une réussite totale de bout en bout.














L'artiste graveur Léon Courbouleix est bien connu des bibliophiles pour ses ouvrages imprimés à la presse à bras dans ses ateliers. Il a publié clandestinement plusieurs ouvrages illustrés érotiques (Le Mariage de Suzon, Les vacances de Suzon). On lui doit un ensemble d'ouvrages en grand format et illustrés sur des textes classiques tels que La vieille courtisane, L'Odalisque, Villon, Musset, etc. Ces ouvrages sont en tous points remarquables dans leur exécution. Il avait déjà illustré le milieu des prostituées dans Le Vieux Port de Marseille publié en 1927.

Ouvrage rare au tirage limité à 106 exemplaires seulement.

Sans aucun doute parmi les plus beaux livres illustrés de cette période.

Prix : 1.900 euros

mardi 2 juillet 2024

La plus rare des éditions anciennes des Lettres de la marquise de Sévigné (La Haye, Neaulme et Gosse, 1726). « cette édition est d’une très grande rareté. ». Elle contient 43 lettres ou fragments de lettres de plus que l'édition dite de Rouen en gros caractère parue la même année. Très bon exemplaire en condition d'poque.


MARQUISE DE SÉVIGNÉ (MARIE DE RABUTIN-CHANTAL)

LETTRES DE MADAME RABUTIN-CHANTAL, MARQUISE DE SÉVIGNÉ, à Madame la comtesse de Grignan, sa fille. Tome premier et deuxième (complet).

A La Haye, chez P. Gosse, J. Neaulme & comp., 1726.

2 tomes reliés en un fort volume in-12 (16,5 x 10,5 cm environ) de (20)-344-(1) et (2)-298-(13) pages. Titres imprimés en rouge et noir.

Reliures plein veau brun strictement d'époque, dos à nerfs ornés aux petits fers dorés, pièce de titre et tomaison rouges, tranches mouchetées de rouge, doublures de papier blanc (les gardes volantes manquent). Petit découpage en haut du premier titre sans atteinte au texte. Signature ex libris sur le premier titre. Quelques usures aux coins et coupes, extrémité de la coiffe supérieure restaurée. Intérieur frais.



IMPORTANTE ÉDITION EN PARTIE ORIGINALE.

TRÈS RARE ÉDITION HOLLANDAISE PARUE LA MÊME ANNÉE QUE L’ÉDITION ORIGINALE EN GROS CARACTÈRE PUBLIÉE A ROUEN, MAIS CONTENANT 43 LETTRES OU FRAGMENTS DE LETTRES DE PLUS.



Cette édition, postérieure de quelques semaines ou quelques mois à celle de Rouen et à ses contrefaçons, contient 177 lettres ou fragments de lettres ; le tome 1 se termine par la lettre XCV. Les 4 lettres à Coulanges sont ici rejetées au tome II (p. 235 à 244). Cette impression reproduit, avec quelques variantes, la préface de l’édition de Rouen et la fait précéder d’un avertissement de 8 pages qui fait la critique de l’édition antérieure de la même année et relève les avantages de la nouvelle.

La comparaison du contenu de l’une et l’autre des premières éditions (Rouen et La Haye) ne permet guère de douter qu’il y eût des copies diverses des originaux communiqués par Mme de Simiane. Cette édition de La Haye aurait été donnée par un certain J. J. Gendebien (d’après une note de l’exemplaire Walckenaer). On trouve à la fin du deuxième volume un important catalogue des livres en vente chez P. Gosse (compris dans la pagination et étrangement placé avant la table).









On sait que la première édition des lettres de Mme de Sévigné date de 1725 et a été donnée subrepticement en une mince plaquette de 75 pages regroupant seulement quelques lettres pour la plupart incorrectement retranscrites et fragmentaires (31 fragments). Cette première édition rarissime et quasi mythique n’était connue qu’à 2 ou 3 exemplaires à la fin du XIXè siècle, il ne semble pas qu’on en est répertorié d’autres depuis. Les bibliographes considèrent donc comme véritable seconde édition originale l’édition dite de Rouen publiée en 1726 par les soins du fils de Roger de Bussy-Rabutin (cousin indiscret de la Marquise). On a beaucoup tergiversé pour savoir s’il s’agissait du fils aîné (Amé-Nicolas de comte Bussy-Rabutin) ou bien du cadet, futur évêque de Luçon, abbé de Bussy. Cette édition furtive, désavouée par la petite-fille de Mme de Sévigné, Mme de Simiane, fille de Mme de Grignan, est très rare et les exemplaires en reliure de l’époque en bonne condition se rencontrent difficilement. Les éditions suivantes de 1726, 1728 et 1733 sont également peu communes et reprennent avec des variantes la première édition dite de Rouen en gros caractères citée plus haut. Seule l'édition de La Haye, très rare (celle-ci), apporte de nouvelles lettres (qui se retrouvent dans l'édition de 1728 et 1733 comme nous venons de le voir ci-dessus). Il faudra attendre 1734-1736 avec l'édition pourtant mutilée donnée par les soins du Chevalier Perrin pour avoir à disposition plusieurs centaines de nouvelles lettres. L'édition de 1818, puis l'édition de 1862, données par Monmerqué, puis Charles Capmas (supplément "Lettres inédites" de 1876), donneront un panorama complet du génie épistolaire de la marquise de Sévigné.







Références : Tchémerzine V, 320 : « cette édition est d’une très grande rareté. » ; Edition des Grands Écrivains de la France, Lettres de Mme de Sévigné, tome XI.

TRÈS BON EXEMPLAIRE DE CETTE TRÈS RARE ÉDITION PRIMITIVE DES CÉLÈBRES LETTRES DE LA MARQUISE DE SÉVIGNÉ, MONUMENT DE LA LITTÉRATURE FRANCAISE.

Prix : 4.000 euros