mercredi 31 juillet 2024

Histoire du Palais Royal ou les Amours du Roy Louis le Grand, avec Madame de La Vallière, Madame Henriette d'Angleterre épouse de son frère Philippe d'Orléans, Madame de Montespan, intrigues d'amour et de cour avec le marquis de Vardes, le comte de Guiche, Madame la comtesse de Soissons, etc. Copie manuscrite clandestine exécutée vers 1674-1680. Reliure vers 1850. Très bel exemplaire. Rare et émouvant témoignage des amours à la cour du roi soleil.


[Bussy-Rabutin, Roger de Rabutin, comte de Bussy, dit] [Manicamp] [Anonyme]

[Manuscrit, ca 1674-1680, copie anonyme clandestine, d'une seule et même écriture]

Histoire du Palais Royal ou les Amours du Roy Louis le Grand (du folio 1 au folio 46)

L'Histoire de l'Amour feinte du Roy pour Madame (du folio 47 au folio 58)

L'Emprisonnement de Monsieur de Vardes (du folio 59 au folio 62)

Histoire de madame la comtesse de Soissons, de Monsieur le comte de Guiche et de Monsieur le marquis de Vardes (du folio 62 au folio 100 recto)

Histoire de Monsieur le marquis de Vardes (du folio 100 verso au folio 111 verso)

Suivent 3 feuillets blancs (folio 112, 113 et 114)

Discours ou Sermon prononcé à la vesture de Madame de la Vallière par Monsieur l'évêque d'Aire aux Carmellites de Paris le 2e jour de juin 1674 (du folio 115 au folio 145 recto)

Sur Madame de la Vallière se faisant religieuse au couvent des carmélittes de Paris (folio 145)

1 volume in-12 (18,5 x 12,5 cm). Manuscrit lisible (avec effort) d'une belle écriture complexe et typique de l'époque (vers 1674-1680).

Reliure plein veau glacé caramel, dos à faux-nerfs avec caissons décorés de filets à froid, encadrement de filets à froid sur les plats, doublures et gardes de papier peigne. Relié sur brochure, non rogné (ébarbé). Reliure fraîche en dépit de fentes aux mors sans conséquence sur la solidité de l'ensemble.

Exceptionnelle copie manuscrite clandestine d'époque pour plusieurs ouvrages satiriques sur les amours de Louis XIV et d'autres personnages de sa cour.







Voici l'historique de chacune des pièces contenues dans ce recueil manuscrit :

Histoire du Palais Royal ou les Amours du Roy Louis le Grand : ce texte a été publié clandestinement en Hollande en 1667. Ce roman "historique" libertin met en scène le jeune roi Louis XIV et Henriette d'Angleterre. La Cour soupçonna un temps Madame et le roi d'être amants. Des suppositions sur une éventuelle liaison amoureuse existent toujours mais rien n'a jamais été clairement prouvé. Il est certain qu'Henriette fut la reine incontestée de nombreuses fêtes que Louis XIV donnait. Pour faire pièce aux médisants, elle aurait suggéré de faire appel à un "paravent", un leurre : une jeune fille que le roi courtiserait et avec laquelle on lui prêterait une idylle. Le choix se serait porté sur une de ses suivantes, Louise-Françoise de La Baume Le Blanc (duchesse de La Vallière). Mais Louis XIV se serait épris réellement de la jeune fille et se serait éloigné un peu d'Henriette qui demeura tout de même la reine des bals de la Cour mais brocardait ouvertement et méchamment la jeune fille naïve qui l'avait supplantée dans le cœur du roi. livre fut imprimé en Hollande ; un exemplaire en fut envoyé à Louvois qui le porta au Roi, le Roi le montra à Mme Henriette ; elle y était, avec lui, fort compromise. Elle en parla à l’évêque de Valence, Cosnac ; l’évêque disparut et s’en alla à La Haye ; au bout de huit jours il revint chargé de toute l’édition qu’il avait achetée pour la brûler. Trois exemplaires étaient restés, la princesse les eut entre les mains et les jeta au feu. Cependant on les vit ; il y en eut des copies, d’incomplètes copies sur lesquelles on fit une seconde édition, pleine de lacunes (voir les Mémoires de Cosnac publiés seulement en 1852).  Ce roman satirique est souvent attribué à Bussy-Rabutin, l'auteur de l'Histoire amoureuse des Gaules publié sans son consentement en 1665 (mais rien n'est moins certain). Le texte de notre manuscrit est une des copies clandestines d'époque auquel on a ajouté les textes suivants :

L'Histoire de l'Amour feinte du Roy pour Madame a paru pour la première fois également cette même année 1667. Ce texte également souvent attribué (sans doute à tort) à Bussy-Rabutin. D'autres attribuent ce titre à Gatien Courtilz de Sandras, ce qui nous paraît tout aussi fantaisiste (Courtilz de Sandras étant né en 1644 il n'aurait eu que 23 ans au moment de la rédaction de ce roman satirique, son temps d'écrivain satirique et polygraphe n'était pas encore venu). C'est encore l'histoire des amours clandestines et supposés entre Louix XIV et Madame (épouse en 1661 de Philippe d'Orléans frère du roi Louis XIV).

L'Emprisonnement de monsieur de Vardes tel que nous le donne ce manuscrit a été publié sous le titre : La Princesse ou les Amours de Madame avec à la suite L'Histoire de madame la comtesse de Soissons, de Monsieur le comte de Guiche et de Monsieur le marquis de Vardes. Ce texte satirique serait l'oeuvre de Manicamp (la Bibliothèque nationale de France en possède un manuscrit au format in-folio, fonds français, n°23255). François-René Crespin du Bec, marquis de Vardes, est né vers 1621 et mort en 1688.​ Très porté sur les intrigues de Cour, il fut l'un des auteurs de la Lettre espagnole, qui avait pour vocation de révéler à la reine Marie-Thérèse la liaison de Louis XIV avec Louise de La Vallière. Madame de Lafayette raconte longuement cette ténébreuse affaire dans La Vie de la princesse d'Angleterre. Cette initiative intempestive lui valut d'être emprisonné quelque temps en 1665, puis relégué dans son gouvernement jusqu'en 1683.








L'Histoire de Monsieur le marquis de Vardes poursuit et détaille l'histoire des intrigues à la cour de Louis XIV concernant les amours clandestines avec La Vallière. On en trouve des morceaux dans les Mémoires de Conrart publiés seulement au XIXe siècle.

Les trois feuillets blancs viennent faire une séparation naturelle entre ces romans satiriques et le dernier texte qui vient clore ce volume et qui concerne directement Madame de La Vallière. Le Discours ou Sermon prononcé à la vesture de Madame de La Vallière par monsieur l'évêque d'Aire aux Carmélites de Paris le 2 juin 1674 a été publié dans le courant du XVIIIe siècle mais à l'époque il ne circulait qu'en manuscrit.

Enfin la dernière petite pièce manuscrite est une pièce en vers intitulée "Sur madame de la Vallière se faisant religieuse au couvent des carmélites de Paris". Ce sont 6 vers seulement, les voici :

Deux grands rois pour m'avoir se sont fait la guerre,

L'un est le roi du ciel, et l'autre de la terre.

Le roi du ciel vainqueur, me conduit en ce lieu :

Quel bonheur est plus grand sur la terre et sur l'onde !

Je me vois aujourd'hui l'épouse du grand Dieu.

D'amante que j'étais du plus grand roi du monde.

Ces vers circulaient vraisemblablement en manuscrit dans des copies et ce dès l'entrée de Madame de la Vallière au couvent des Carmélites. Ces vers ont été reproduits depuis en imprimé dans les éditions du XVIIIe siècle des Lettres de Madame de la Vallière et divers opuscules joints. Il y a peu de chance pour que ces vers soient de Madame de La Vallière mais plutôt sortis de la plume de quelqu'un qui aura voulu résumer la situation de son entrée au couvent. D'ailleurs dans notre copie manuscrite probablement faite vers 1680, quelques mots sont changés par rapport aux versions imprimées que nous avons pu consulter.

En résumé nous avons ici un témoignage de ce que pouvait être une copie manuscrite clandestine des romans satiriques (parfois orduriers à l'égard du roi et La Vallière) réunissant la plupart des écrits publiés sur les amours de Louis XIV et Madame de La Vallière, depuis son ascension jusqu'à sa réclusion à perpétuité chez les Carmélites de Paris.

Madame de La Vallière est morte le 7 juin 1710 à l'âge de 65 ans, encore recluse au Carmel de Paris. Son fils Louis, né en 1667, fruit de ses amours avec le roi, était mort à l'âge de 16 ans le 18 novembre 1683 (légitimé par le roi en 1669). Louis XIV, dit « le Grand » ou « le Roi-Soleil », mourut le 1er septembre 1715 après 72 ans de règne. La Montespan avait remplacé depuis très longtemps La Vallière dans le coeur et la couche du roi (depuis mai 1667). Henriette d'Angleterre, autrement dit Madame épouse de Philippe d'Orléans, frère du roi, mourut quant à elle à l'âge de 26 ans en 1670. 

Toutes les histoires réunies dans ce volume manuscrit tiennent de l'année des années 1666-1667 (puis de l'année 1674) pour l'entrée Madame de La Vallière aux carmélites de Paris.

Les copies manuscrites de cette qualité sont aujourd'hui de la plus grande rareté. L'attribution des divers opuscules semble vaine puisque même au XIXe siècle les plus grands érudits qui se sont penchés sur ces "Histoires amoureuses des Gaules" et autres romans, n'ont pu attribuer avec certitude la plupart d'entre eux. Par facilité ils ont presque tous été attribués à Bussy-Rabutin, alors en prison puis exilé sur ces terres de Bourgogne pendant près de dix-huit années. On ne prête qu'aux riches, Bussy-Rabutin avait eu le malheur pour lui d'être un joyeux méchant chansonnier du puissant roi soleil qui ne lui pardonna jamais ses outrances réelles ou supposées.

La reliure date des années 1850 et ne porte aucune marque de provenance. Bien que la reliure ne soit pas signée elle sort sans contestation possible d'un grand atelier parisien (Duru ? Trautz ?).

Très bel exemplaire pour ce manuscrit unique et émouvant.

Prix : 8.000 euros

mardi 30 juillet 2024

Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone]. Le Paysan perverti et La Paysanne pervertie. 1782-1784. 16 parties en 8 volumes in-12. 120 figures. Avec le très rare texte des Figures du Paysan et de la Paysane. Très bel exemplaire en reliure moderne plein papier raciné pastiche du XVIIIe siècle.


Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone]

Le Paysan perverti, ou les Dangers de la ville ; Histoire récente, mise au jour d'après les véritables lettres des personnages. Par N. E. Rétif de la Bretone.

Imprimé A La Haye, et se trouve à Paris, chés Esprit, M. DCC. LXXVI. [1776] (i.e. 1782)

8 parties en 4 tomes reliés en 4 volumes in-12 de VII-(1)-304, 312, 304 et 293-(3) pages. Avec 82 figures hors-texte dont 8 frontispices. Avec le texte des "Figures du Paysan perverti" intercalé à la fin de chaque partie (CLXVIII pages comprenant les pages de titres).

SUIVI DE :

Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone].

La Paysane pervertie, ou les Dangers de la ville ; Histoire d'Ursule R**, soeur d'Edmond, le Paysan, mise au jour d'après les véritables lettres des personnages : etc. Par l'auteur du Paysan perverti.].

Imprimé à La Haie [La Haye], et se trouve à Paris chés [la d.me Veuve Duchesne, libraire], 1784

8 parties en 4 volumes in-12 de 344, 320, 320 et 344-(8)-[clxix à ccxliv]-(12) pages. 38 figures hors-texte dont 8 frontispices. Avec le texte des "Figures de la Paysane pervertie" intercalé à la fin de chaque volume (LXXII pages comprenant les pages de titres)

Soit un ensemble complet de 16 parties reliées en 8 volumes in-12 (17 x 10,5 cm).

Avec 120 figures gravées hors-texte (complet).

Avec les texte ou explications des Figures pour le Paysan perverti et pour la Paysanne pervertie.

Reliure bradel plein papier raciné caramel, dos lisses avec filets dorés et pièces de titre et tomaisons dorées de maroquin caramel beurre salé, tranches dorées sur marbrure, doublures et gardes de papier vergé antique fin (voir l'historique de la reliure ci-dessous). Corps d'ouvrage conservé (exécuté au XIXe siècle vers 1880 par Adolphe Bertrand), couvrure bradel plein papier exécutée par Olivier Maupin, dorure des titres exécuté par l'atelier parisien "A la feuille d'Or".

Particularités de l'exemplaire : Notre exemplaire est bien complet de 120 figures hors-texte. A noter qu'une des figures a subi un petit arrachage dans le noir - report sur page en regard). La figure de l'attentat est ici dans son état après la censure (jambes non visibles pour le viol de Madame Parangon). Les autres figures sont également en état après la censure. Quelques rousseurs éparses au Paysan. Ensemble très frais.

Historique de l'exemplaire :

Cet exemplaire du Paysan perverti et de la Paysanne pervertie, bien complet de toutes les figures requises et même des Figures (explications), était, quand nous l’avons eu pour la première fois en mains (en janvier 2019), relié en plein maroquin rouge de la seconde moitié du XIXe siècle. Cette reliure, signée A. Bertrand (pour Adolphe Bertrand) et portant dans la dentelle dorée intérieure le nom du libraire Auguste Fontaine, avait subi un début d’incendie ou une forte source de chaleur de manière prolongée. Le cuir des dos de tous les volumes était noirci et cuit, les mors étaient tous fendus. La reliure était détruite. L'intérieur des volumes était bien préservé. Cette reliure, faite pour le libraire Auguste Fontaine, probablement vers 1874 ou 1875 (date de la publication de la Bibliographie des ouvrages de Rétif de la Bretonne par Paul Lacroix), ne pouvait être conservée en l’état, ni même restaurée. Cet exemplaire, bien que conservé dans un piteux état, était très complet et méritait d’être réhabilité pour les générations futures. C’est seulement fin mars 2024 que j’entrepris de demander un devis pour la réhabilitation complète de cet exemplaire. Seule une nouvelle reliure pouvait être envisagée, en conservant bien évidemment précieusement les corps d’ouvrage qui étaient intacts (tranches dorées sur marbrure). Le 11 avril 2024 j’acceptai le devis envoyé par Olivier Maupin pour la réhabilitation complète, à savoir la façon de cartonnages plein papier raciné à l’imitation des papiers de la fin du 18e siècle avec filets dorés et pièces de titre ad hoc avec l’époque de l’édition (fin 18e s.). Les volumes refaits ont été réceptionnés le mercredi 3 juillet 2024 et le résultat est à la hauteur de l'attente. Le travail de cartonnage effectué par Olivier Maupin lui-même ainsi que le travail de dorure par l’atelier parisien « à la feuille d’or » est magnifique de finesse. L’exemplaire est sauvé. Cette petite histoire accompagnera désormais cet exemplaire, où qu’il doive voyager dans l’espace et dans le temps (Bertrand Hugonnard-Roche).


Concernant Le Paysan :

Quatrième édition, la plus correcte, donnée par Rétif de la Bretonne lui-même.

Exemplaire bien complet de la suite de 82 figures en excellent tirage publiée courant 1781-1782.

Le Paysan perverti est aujourd'hui reconnu comme l'ouvrage le plus important de Rétif de la Bretonne et il fut en son temps aussi celui qui fit le succès de son auteur. Son style et son fond en font l'un des ouvrages du XVIIIe siècle précurseurs du genre naturaliste par bien des aspects. Avec le Paysan perverti de Rétif on est très loin des marivaudages creux et autres romans sans tenue de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Rétif insuffle à la psychologie des personnages une teneur inégalée alors. Le mode d'écriture épistolaire ajoute à l'intensité dramatique et ancre le tout dans la réalité non-romanesque. Avec ce long roman par lettres Rétif obtient la reconnaissance d'homme de lettres tant recherchée par lui depuis ses débuts en littérature en 1764 (La Famille vertueuse). La remarquable illustration renferme 82 figures gravées en taille-douce, 8 frontispices, dont quatre signés par Berthet, et 74 planches par Le Roy, le tout d'après Louis Binet sous la direction de Restif. Cette quatrième édition du Paysan, pourtant décriée par lui-même (Monsieur Nicolas), a en réalité été exécutée à Paris par lui et/ou sous ses ordres. C'est la seule édition du Paysan à posséder un errata et la seule pour laquelle le placement des figures correspond à la pagination. Cette édition s'accorde avec la Paysane pervertie publiée seulement en 1784 mais rédigée en seulement 30 jours en septembre 1780 (Monsieur Nicolas).

Rétif insiste sur les difficultés qu'il rencontra pour son Paysan avec la censure. Ce sont 3 figures qu'il dut faire refaire (fig. n°8, 24 et 33. Cf. liste P. Lacroix). La figure 8 montre Edmond et Gaudet d'Arras dans un cabinet dont les murs sont recouverts de peintures obscènes (la censure obligea Rétif à faire gratter ces peintures - dans la version censurée on ne les distingue plus). La figure 24 quant à elle montre Edmond et Gaudet d'Arras en habit religieux (la censure obligea Rétif à faire revêtir Gaudet d'Arras d'un habit civil). Enfin, la figure 33 représente Madame Parangon en train de se faire trousser par Edmond (la censure obligea Rétif à supprimer les jambes "un peu trop en l'air" de ladite dame). censuré. Les 2 autres figures sont ici dans l'état censuré.

Le Paysan perverti rapportera à Rétif, avec les rééditions, neuf mille livres, soit une dizaine d’années de son salaire à l’imprimerie quand il y était bien payé.

Le Paysan perverti a été publié pour la première fois en 1775 (sous la date de 1776, date que Rétif conservera pour toutes ses éditions du Paysan).

Né au sein d’une famille nombreuse, Edmond, fils de paysan, est envoyé par ses parents à la ville dans l’espoir de "parvenir" et de faciliter ainsi l’avenir de toute la famille. Enthousiaste, l’adolescent compte bien tirer profit de toutes les opportunités qui ne manqueront pas de se présenter à lui. Mais si la ville est le lieu de tous les possibles, elle est aussi celui de tous les dangers : la beauté inaccessible de Mme Parangon, les leçons du sulfureux Gaudet, les discours des femmes trop faciles, les mirages d’un orgueil que l’on ne combat plus, les belles promesses des pensées libertines… autant d’attirantes lumières qui éblouissent le naïf Edmond, et qui, s’il n’y prend garde, pourraient bien l’aveugler…"(extrait de la présentation de l'édition du Paysan perverti donnée par Norbert Crochet, 2016).

Il y a énormément de Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne dans Edmond, pour ne pas dire tout ! Sa venue à Auxerre en tant qu'apprenti imprimeur (Edmond est apprenti peintre dans une ville qu'on ne peine pas à reconnaître pour Auxerre). Son arrivée à Paris, ses illusions et ses désillusions, etc. Tout y est, fardé, changé, un peu, beaucoup ou à peine. Les lecteurs de son temps, eux, n'en savaient rien et lisaient le Paysan comme une jolie histoire véritable (ce qu'elle était presque entièrement).

Références : Cohen, 498-499 ; Rives Childs, p. 236, n°10 ; Paul Lacroix, pp. 131-132, n°5. 







Concernant La Paysanne :

Exemplaire bien complet des 38 figures d'après Binet.

Exemplaire bien complet des pages additionnelles à la fin du tome IV.

Ouvrage composé en 30 jours par Rétif, dans le mois de septembre 1780, pour servir de suite et de complément à son Paysan perverti paru en 1776, la Paysane pervertie connut quelques déboires avec la censure qui ne lui permit pas de voir le jour avant 1784. "C'est l'ouvrage de prédilection de l'auteur qui a beaucoup plus pensé que le Paysan perverti" (Revue des ouvrages, p. ccxxxivj). La censure exigea que les titres fussent changés (notre exemplaire possède les titres dans leur premier état non censuré). De Paysane pervertie elle devient "Dangers de la ville" seulement (de nouveaux titres et faux-titres recollés sur les premiers émis). Rétif trembla tout 1785 de voir encore sa Paysane suspendue à chaque instant. Les exemplaires s'écoulèrent cependant. Aucune autre édition de la Paysane ne vit le jour (seules 2 contrefaçons circulèrent entre 1785 et 1786). Les 38 estampes de la Paysane étaient déjà achevées au mois de juin 1783 et annoncées au public au commencement de 1784. 2 figures (qui manquent souvent) n'ont été livrées qu'après la mise en vente de l'ouvrage (elles sont bien présentes dans notre exemplaire - figures III bis et VIII bis).

La Paysane pervertie a été imprimée à 3.000 exemplaires mis en vente par la Veuve Duchesne.

"La Paysane approfondit les caractères qui n'étaient qu'esquissés dans le Paysan : Fanchon, Pierre, Gaudet d'Arras surtout, y sont parfaitement achevés [...] Ces deux ouvrages, qui n'en sont réellement qu'un seul, sont peut-être la plus utile production qu'on ait mise au jour depuis le commencement du siècle." (Rétif de la Bretonne, Mes ouvrages, p. 34-35).








"Je n'ai jamais rencontré une nature aussi violemment sensuelle. Il est impossible de ne pas s'intéresser à la variété des personnages, des femmes surtout, qu'on voit passer sous ses yeux, et à ces nombreux tableaux caractéristiques qui peignent d'une manière si vivante les mœurs et les allures des Français de la classe populaire. Pour moi qui ai eu si peu l'occasion de penser au-dehors et d'étudier les hommes dans la vie réelle, cette œuvre a une valeur inappréciable." (Schiller).

"Jamais écrivain ne posséda peut-être à un aussi haut degré que Rétif les qualités précieuses de l'imagination. " (Gérard de Nerval)

Références : Paul Lacroix, Rétif de la Bretonne, pp. 224-232 ; Rive-Childs, pp. 289-291



















Provenance : de la bibliothèque Bertrand Hugonnard-Roche avec ex libris contrecollé dans chacun des volumes ; exemplaire initialement relié en plein maroquin rouge par Adolphe Bertrand pour le libraire parisien Auguste Fontaine, spécialiste des éditions rares de Rétif de la Bretonne à partir des années 1874-1875 (photographies de la reliure dans son état initial fournies à l'acquéreur).

Superbe exemplaire parfaitement réhabilité de cet ensemble des plus complets du Paysan et de la Paysanne de Rétif de la Bretonne ; bien complet des 120 figures hors-texte et du texte des Figures du Paysan et de la Paysanne.

Prix : 15.000 euros

lundi 29 juillet 2024

[Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne] [RESTIF DE LA BRETONE] Le Palais-Royal. Première partie. Les Filles de l'Allée-des-Soupirs. Seconde partie. Les Sunamites. Troisième partie. Les Converseuses. A Paris, au Palais-Royal d'abord ; puis Partout ; même chés Guillot, libraire rue des Bernardins, 1790. 3 parties reliées en 3 volumes in-12. Bien complet des trois jolis frontispices dépliants. Reliure demi-veau cerise à larges coins (première moitié du XIXe siècle). Bel exemplaire finement relié dans la première moitié du XIXe siècle de cet ouvrage rare.



[Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne] [RESTIF DE LA BRETONE]

Le Palais-Royal. Première partie. Les Filles de l'Allée-des-Soupirs. Seconde partie. Les Sunamites. Troisième partie. Les Converseuses.

A Paris, au Palais-Royal d'abord ; puis Partout ; même chés Guillot, libraire rue des Bernardins, 1790

3 parties reliées en 3 volumes in-12 (172 x 102 mm | Hauteur des marges : 166 mm) de 280, 248 et 288 pages. Frontispice dépliant en tête de chaque volume.

Reliure demi-veau cerise à larges coins, dos lisses ornés avec fleurons à froid et filets dorés, roulettes à froid sur les plats et coins (reliure romantique exécutée vers 1830). Reliures fraîches en dépit de légers frottements ou usures aux coins et deux petits manque de cuir en queue des dos (volumes I et III). Intérieurs très frais.



Edition originale rare.

Bien complet des trois frontispices dépliants en parfait état.



Les trois frontispices dépliants portent les titres suivants : Les trente-deux filles dans l'allée des Soupirs - La Colonnade - Le Cirque. Ces figures sont très jolies.

L'ouvrage fut composé et imprimé par Restif en 1789 (Monsieur Nicolas, Tome XI, p. 114 et 169). Il s'est mis lui-même en scène, sous le nom de M. Aquilin-des-Escopettes. Le libraire Guillot fut décapité le 27 août 1792 comme faux-assignataire (il fabriquait de faux assignats à Passy). (Rives Childs)



Du Palais-Royal, Restif disait : "Ce genre d'héroïnes n'était que légèrement historié passim dans les cinq suites [des Contemporaines] précédentes. Par celle-ci, en tois volumes, j'approfondis la matière, en dévoilant une multitude de choses que je tenais de mon ami le docteur Guillebert, et que je n'aurais jamais connues sans lui : les différentes manières de se divertir à Paris, avec les femmes, ou de les faire servir au plaisir des hommes [...] "Les différents détails de cette production singulière la rendent, pour les Français, ce que fut la Satire de Pétrone pour les Romains : les Sunamites, les Berceuses, les Ressemblantes, etc., sont autant de phénomènes moraux, réservés sans doute à notre siècle. Cette VIe Suite des Contemporaines ne pouvait entrer dans les premières, à cause des censeurs ; mais elle était nécessaire à leur intégrité." (Mes Ouvrages, p. 162)







Restif ajoutait, dans une notice qu'on trouve à la fin du tome VIII de l'Année des dames nationales : "Cet ouvrage [le Palais-Royal] présente le Tableau philosophique de l'ancienne corruption. Ce ne sont pas les histoires des filles en elles-mêmes, qui sont intéressantes. C'est la peinture des moeurs qu'elles amènent, et le mérite de cette peinture ne consiste que dans la vérité. Mais ce n'est pas tout : on trouve, dans ce nouveau Pétrone, des genres de prostitution raffinés ; différentes espèces, non de débauche, mais d'usage des femmes, inventées par des Matrulles sagaces, qui tirent un parti inconnu des charmes qu'un sexe offre à l'autre. C'est donc un livre très instructif et même philosophique, que le Palais-Royal, en trois volumes, que vend le citoyen Louis, libraire, rue Saint-Séverin."

« L'Avis qui précède le Palais-Royal commence ainsi : « Tandis que des journalistes mensongers répandent le venin et la terreur, tandis​ que des âmes atroces cherchent à détruire la confiance, et, par un air de tristesse, aggravent nos malheurs , ne serait-il pas à propos de montrer que la Nation a conservé le goût du plaisir, qu'elle n'est point accablée et qu'elle veut rire encore ? Nous donc, célibataires jadis célèbres, un peu singuliers, peut-être bizarres, avons entrepris de ramener la Nation à des idées plus douces, et, tout en attaquant des abus, de présenter quelquefois l'attrait du plaisir. Nous allons former une galerie de tableaux, gaiement tristes... » (Lacroix)

Rétif écrit en finissant son ouvrage : « La Révolution est opérée, citoyens ! Tous les abus vont disparaître, et l'égalité va ramener les bonnes-moeurs. Hé ! ne dites pas que le riche fait vivre le pauvre ! Il le corrompt plus sûrement qu'il ne le fait vivre ! Cependant nous observerons les moeurs, nous les guetterons, pour ainsi dire, et nous crierons sus au Vice, comme vos sentinelles-nationales crient sus aux ennemis du Peuple ! »

« Ce curieux et bizarre ouvrage a été composé sur le vif, comme on disait autrefois ; on peut dire que l'auteur a travaillé in anima vili, comme l'anatomiste sur le cadavre. » (Lacroix)

« On sait que le nouveau Palais-Royal, écrivait-il en 1796 (Monsieur Nicolas, p. 1789), est devenu le rendez-vous universel des motions, des affaires, des plaisirs, de la volupté, de la débauche, du jeu, de l'agiotage, de la vente d'argent, d'assignats, de mandats, et par conséquent le temple ou le prostituteur de l'observation. Ce célèbre bazar m'attirait donc par lui-même et par les agréments que je rencontrais sur la route. » L'auteur du Pornographe n'eut qu'à se souvenir, pour faire, ex professo, un traité sur les Filles du Palais-Royal. (Lacroix)







Fils de paysans de l'Yonne, devenu ouvrier typographe à Auxerre et Dijon, Nicolas Restif de La Bretonne s'installe à Paris en 1761 : c'est alors qu'il commence à écrire. Il a une vie personnelle compliquée et est sans doute indicateur de police. Polygraphe, il fait paraître de très nombreux ouvrages touchant à tous les genres, du roman érotique (L'Anti-Justine, ou les Délices de l'amour) au témoignage sur Paris et la Révolution (Les Nuits de Paris ou le Spectateur nocturne, 1788-1794, 8 volumes) en passant par la biographie avec La Vie de mon père (1779) où il brosse un tableau idyllique du monde paysan avant la Révolution avec la figure positive de son père. Il a également touché au théâtre sans grand succès. Cherchant constamment des ressources financières - il mourra d'ailleurs dans la misère -, il écrit aussi de nombreux textes pour réformer la marche du monde. Cependant l'œuvre majeure de Restif de la Bretonne est sa vaste autobiographie, Monsieur Nicolas, en huit volumes échelonnés entre 1794 et 1797. Ce livre fleuve se présente comme la reconstruction d'une existence et expose les tourments de l'auteur/narrateur comme à propos de la paternité - le titre complet est Monsieur Nicolas, ou le Cœur humain dévoilé -, mais témoigne aussi de son temps et constitue une source très abondante de renseignements sur la vie rurale et sur le monde des imprimeurs au XVIIIe siècle. C'est aussi un philosophe réformateur pénétré de rousseauisme qui publie des projets de réforme sur la prostitution, le théâtre, la situation des femmes, les mœurs, et un auteur dramatique.

Références : Monselet, n°36, pp. 163-165 ; Rives Childs, n°XXXVIII-1, pp. 313-314 ; Lacroix, XL-1, pp. 338-341

Provenance : de la bibliothèque du docteur André Chauveau (vente de février 1976) avec son ex libris.

Bel exemplaire finement relié dans la première moitié du XIXe siècle de cet ouvrage rare de Rétif de la Bretonne.

Prix : 4.500 euros