samedi 8 juin 2024

Mémoires de Mademoiselle de Montpensier, fille de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII, roi de France. A Amsterdam, chez J. Wetstein & G. Smith, 1735. 8 tomes reliés en 4 volumes in-12. Reliure plein maroquin bleu nuit signée Chambolle-Duru (ca 1880). Superbe exemplaire.


Anne Marie Louise d’Orléans, duchesse de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle

Mémoires de Mademoiselle de Montpensier, fille de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII, roi de France. Nouvelle édition, où l'on a rempli les lacunes qui étaient dans les éditions précédentes, corrigé un très-grand nombre de fautes, et ajouté divers ouvrages de Mademoiselle très curieux.

A Amsterdam, chez J. Wetstein & G. Smith, 1735

8 tomes reliés en 4 volumes in-12 (16,5 x 10 cm) de XXI-(1)-246, (2)-307, (2)-247, 1 f. bl., (2)-251, (2)-264, 1 f. bl., (2)-285, (2)-229, 1 f. bl., (2)-348-(61) pages. Portrait de la Grande Mademoiselle en frontispice du premier tome (gravé par P. Tangé).

Reliure plein maroquin bleu nuit, dos à nerfs richement ornés aux petits fers dorés, triple-filet doré en encadrement des plats, double-filet doré sur les coupes, dentelle dorée en encadrement intérieur des plats, doublures et gardes de papier peigne, tranches dorées sur marbrure (reliure signée CHAMBOLLE-DURU exécutée vers 1880). Splendide exemplaire. Reliures très fraîches (quelques légères marques sur les plats). Intérieur très frais. Papier légèrement teinté (exemplaire lavé réencollé au moment de la reliure).






Anne Marie Louise d’Orléans, duchesse de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle, née le 29 mai 1627 au palais du Louvre et morte le 5 avril 1693 au palais du Luxembourg, est une des principales personnalités de la haute noblesse de cour du Grand siècle. Fille de Gaston d'Orléans, petite-fille de Henri IV et cousine germaine de Louis XIV, elle hérite, par sa mère, de la souveraineté de la principauté de Dombes, qu’elle transmet au fils légitimé du roi, le duc du Maine. Indépendante, dotée d'un fort caractère, elle n'a pas hésité à tenir tête à son père et au Roi Soleil au sujet de mariages qu'ils voulaient lui imposer ou de son immense fortune — qu'elle a tenu à gérer elle-même, à sa majorité, devenant ainsi une redoutable femme d'affaires. L'histoire la désigne sous le surnom de « Grande Mademoiselle » en raison du titre de « Grand Monsieur » porté par son père, Gaston de France (1608-1660), depuis la naissance de Philippe, frère cadet de Louis XIV, appelé alors « Petit Monsieur » ; Gaston avait d'abord porté celui de « Monsieur » en tant que frère cadet du roi Louis XIII. Elle tient son titre de duchesse de Montpensier de sa mère, Marie de Bourbon, duchesse de Montpensier, richissime et unique héritière d'une branche cadette des Bourbon. À cela s'ajoute la fortune de son père, ce qui fait de la Grande Mademoiselle la princesse la plus riche et la plus titrée d'Europe. Sa signature était « Anne Marie Louise d'Orléans ». À sa naissance, le 29 mai 1627, elle se retrouve la plus riche héritière du royaume de France, sa mère étant morte en la mettant au monde. Dans ses Mémoires, elle s'indignera que, selon l'opinion, les « grands biens que sa mère lui a laissés à sa mort pouvaient bien [la] consoler de l'avoir perdue ». Elle se voit proposer de nombreux projets de mariage du fait de sa très grande fortune ; nombre de princes et de souverains demandent sa main, mais ces projets échouent à cause de son père et du roi son cousin, jaloux, ainsi que de la haute opinion qu'elle avait de son propre rang — elle est très indépendante et refuse d'obéir à son père et au roi, entendant choisir elle-même son époux. Depuis son plus jeune âge, Anne-Marie-Louise avait le projet d'épouser le roi, son cousin. Le cardinal Richelieu, puis le cardinal Mazarin, font tout pour s'opposer à une telle union, s'attirant l'inimitié de la duchesse. Ses espoirs sont réduits à néant le jour où Louis XIV épouse l'infante d'Espagne. La Grande Mademoiselle prendra une part très active dans la Fronde qui l'opposera à son jeune cousin Louis XIV. Le 2 juillet 1652, lors de la bataille du faubourg Saint-Antoine, la duchesse fait tirer le canon de la Bastille sur les troupes royales pour sauver son cousin, le prince de Condé pour qui elle nourrit également des projets matrimoniaux. Le neveu préféré de Mazarin, Paul Mancini, fait partie des victimes de ces combats. Ces deux épisodes ruinent sa réputation et sa faveur : le roi l'exile en Bourgogne pour trois ans. Sur ses terres de Saint-Fargeau (Yonne), de 1652 à 1657, elle se lance dans l'écriture de mémoires dont elle poursuit la rédaction au château d'Eu, en Normandie. Dans ce récit elle raconte ses souvenirs comme une poignante confession. Elle brosse son portrait, confie ses états d'âme sans fausse pudeur et même avec un certain talent, teinté d'égotisme. Encore lus de nos jours, ses mémoires sont un témoignage important et, somme toute, unique de la vie d'une femme au xviie siècle, prisonnière de son éducation et de son rang : là où les autres mémorialistes disent ce qu'ils ont vécu, elle dit ce qu'elle a ressenti. Elle privilégie les arts durant son exil en découvrant notamment Lully, puis, ultérieurement, en l'introduisant à la cour du Roi. La duchesse revient à la Cour en 1657. Un épisode célèbre de sa vie est son aventure, à partir de 1670, à l'âge de 43 ans, avec le duc de Lauzun, un gentilhomme cadet de Gascogne, bellâtre et volage, de cinq ans plus jeune, qui lui fait une cour assidue. Le roi, devant l'insistance de sa cousine, autorise le mariage pour le plus grand bonheur de celle-ci en lui conseillant toutefois de vite se marier avant que la nouvelle ne se sache. Lorsque les courtisans apprennent ce projet, ils protestent en effet : Lauzun est issu d'une famille désargentée et qui n'a pas de place importante à la cour ; il y a entre lui et la Grande Mademoiselle un immense fossé social. Trois jours après avoir autorisé le mariage, Louis XIV convoque les amants, sa cousine et Lauzun, pour leur retirer le droit d'épouser Lauzun. Celle-ci est désespérée ; elle hurle, pleure, mais rien n'y fait. Lauzun, quant à lui, réagit froidement et demeure insensible et détaché : en effet, il souhaitait épouser Anne-Marie-Louise pour profiter de son immense fortune. Il essaie alors d'obtenir une charge plus importante à la cour, s'adressant pour cela à madame de Montespan, la maîtresse du roi. Elle accepte de parler au roi en sa faveur. Lauzun se cache alors sous le lit de la marquise de Montespan et du roi et entend celle-ci dire à Louis XIV qu'il faut se méfier de lui et surtout ne pas lui accorder cette charge. Peu de temps après, Lauzun, furieux, insulte la marquise. Le roi le fait alors emprisonner pendant dix ans dans la prison de Pignerol. Pour l'en faire sortir, la Grande Mademoiselle accepte de faire don d'une partie de sa fortune, essentiellement des terres (le comté d'Eu, la principauté des Dombes et la baronnie de Beaujolais) au fils naturel de Louis XIV, le duc du Maine et d'en faire son héritier. Elle épouse secrètement Lauzun — sans doute vers 1671, cependant encore aujourd'hui le doute demeure — mais n'y trouve pas son bonheur. Lauzun se lasse bientôt d'elle pour reprendre sa carrière de courtisan ambitieux et de séducteur invétéré. Malgré son immense fortune, la Grande Mademoiselle n'est pas très populaire à la Cour. La plupart des courtisans et des princes, dont Louis XIV lui-même, sont jaloux non seulement de son argent mais aussi de ses innombrables possessions. La marquise de Sévigné la décrit dans ses lettres comme une personne très avare et assez froide qui a peu d'amis à Versailles. Elle passe ses dernières années en dévotion. Elle meurt à soixante-cinq ans en 1693 d'une maladie de vessie qui s'aggrave rapidement. Le mémorialiste Saint-Simon écrit : « L'urne qui était sur une crédence et qui contenait les entrailles se fracassa avec un bruit épouvantable et une puanteur subite et intolérable ». Son corps est inhumé dans le caveau des Bourbons en l'église abbatiale de Saint-Denis. Son cœur est porté à la chapelle Sainte-Anne (nommée la « chapelle des cœurs » renfermant les cœurs embaumés de 45 rois et reines de France) de l'église du Val-de-Grâce. En 1793, lors de la profanation de cette chapelle, l'architecte Louis François Petit-Radel s'empare de l'urne reliquaire en vermeil contenant son cœur, le vend ou l'échange contre des tableaux à des peintres qui recherchaient la substance issue de l'embaumement dite « brun momie » – très rare et hors de prix – qui était censée, une fois mêlée à de l'huile, donner un glacis incomparable aux tableaux.






Cette édition de 1735 des Mémoires de la Grande Mademoiselle est considérée comme une des meilleures éditions anciennes même si les éditeurs ont alors jugés bon de faire de larges corrections de style et quelques erreurs. La première édition de ces Mémoires date de 1728 (6 volumes). La première édition faite sur le manuscrit original a été donnée par A. Chéruel avec notes biographiques et historiques à Paris (Charpentier, 1858-1859, 4 vol.).



Superbe exemplaire parfaitement établi par Chambolle-Duru vers 1880.

Prix : 4.000 euros