mardi 4 juin 2024

Le Pornographe ou Idées d'un honnête-homme sur un projet de règlement pour les prostituées, par Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone] (1769). Edition originale rare et recherchée en reliure de l'époque très bien conservée. De la biblithèque de M. de Maussion d'Arrancy (ex libris).


Nicolas-Edme RESTIF DE LA BRETONE (RÉTIF DE LA BRETONNE)

LE PORNOGRAPHE OU IDÉES D'UN HONNÊTE-HOMME SUR UN PROJET DE RÈGLEMENT POUR LES PROSTITUÉES, Propre à prévenir les Malheurs qu'occasionne le Publicisme des Femmes. Avec des Notes historiques et justificatives.

A Londres, chez Jean Nourse et à La Haye, chez Gosse junior et Pinet, 1769

2 parties reliées en 1 volume in-8 (18,8 x 12 cm) de 368 pages. Les pages 5/6 n'existent pas. Bien complet du faux-titre "Idées singulières. Première partie.".

Reliure strictement de l'époque demi-veau fauve marbré, dos lisse orné, pièce de titre dorée sur papier ocre, plats recouverts de papier à la colle dans les tons ocre, tranches rouges. Reliure et Intérieur très frais.



ÉDITION ORIGINALE DE CE CÉLÈBRE TEXTE DE RÉTIF DE LA BRETONNE VISANT A RÉGLEMENTER LA PROSTITUTION.

Tirage à 2.000 exemplaires suivant la Revue des ouvrages de l'Auteur (1784). Ici avec le tirage de la page de titre sans le nom du libraire Delalain qui vendait les exemplaires.








« La dépravation suit le progrès des lumières. Chose très naturelle que les hommes ne puissent s'éclairer sans se corrompre. » écrit Rétif dans son Pornographe, lui qui fréquentait assidûment les petites maisons de la capitale comme il le décrit lui-même dans divers ouvrages. Rétif se targuait de vouloir tout réformer : les mœurs, les arts (le théâtre), et bien d'autres choses encore. Les mots pornographie et pornographe ont déjà au XVIIIe siècle le sens d’aujourd’hui (peinture ou texte obscène, et celui qui produit ces œuvres), mais Rétif dans son titre l’emploie dans un sens plus technique, celui d’essai sur la prostitution et la manière de la réformer. « Je te vois sourire ; le nom demi barbare de PORNOGRAPHE erre sur tes lèvres. Va, mon cher, il ne m’effraie pas. Pourquoi serait-il honteux de parler des abus qu'on entreprend de réformer ? » (Le Pornographe).

L'ouvrage est divisé en deux parties. La première, sous forme de lettres adressées entre deux personnes de qualité. On trouve à la fin le Projet de Règlement pour les Filles publiques, sous la protection du gouvernement, établi en LXV articles. La seconde partie contient les notes historiques. C'est le même Rétif qui écrivait : « La pudeur des femmes n'est que leur politique ; tout ce qu'elles cachent ou déguisent n'est caché ou déguisé que pour en augmenter le prix quand elles le révèlent. » ou encore « La femme ne sent son pouvoir qu'autant qu'elle en abuse. » ; attaqué sournoisement par une première maladie vénérienne en 1757 (il a 23 ans), puis une seconde en 1770 même, puis encore en 1776 et 1785 ; Rétif avait de quoi en vouloir aux prostituées, sa passion dévorante pour le beau sexe et le libertinage lui aura prodigué mille délices et mille supplices. « Les belles du Palais Royal sont très jolies, surtout les jeunes ; quant aux vieilles, c’est comme partout ; une vieille bête n’est jamais belle. » in Le Palais Royal - Première partie: Les filles de l’Allée-des-soupirs, en 1790.








Fils de paysans de l'Yonne, devenu ouvrier typographe à Auxerre et Dijon, Nicolas Restif de La Bretonne s'installe à Paris en 1761 : c'est alors qu'il commence à écrire. Il a une vie personnelle compliquée et est sans doute indicateur de police. Polygraphe, il fait paraître de très nombreux ouvrages touchant à tous les genres, du roman érotique (L'Anti-Justine, ou les Délices de l'amour) au témoignage sur Paris et la Révolution (Les Nuits de Paris ou le Spectateur nocturne, 1788-1794, 8 volumes) en passant par la biographie avec La Vie de mon père (1779) où il brosse un tableau idyllique du monde paysan avant la Révolution avec la figure positive de son père. Il a également touché au théâtre sans grand succès. Cherchant constamment des ressources financières - il mourra d'ailleurs dans la misère -, il écrit aussi de nombreux textes pour réformer la marche du monde. Cependant l'œuvre majeure de Restif de la Bretonne est sa vaste autobiographie, Monsieur Nicolas, en huit volumes échelonnés entre 1794 et 1797. Ce livre fleuve se présente comme la reconstruction d'une existence et expose les tourments de l'auteur/narrateur comme à propos de la paternité - le titre complet est Monsieur Nicolas, ou le Cœur humain dévoilé -, mais témoigne aussi de son temps et constitue une source très abondante de renseignements sur la vie rurale et sur le monde des imprimeurs au XVIIIe siècle. C'est aussi un philosophe réformateur pénétré de rousseauisme qui publie des projets de réforme sur la prostitution, le théâtre, la situation des femmes, les mœurs, et un auteur dramatique. Rétif de la Bretonne s'est surtout raconté dans ses livres, il devint ainsi ce qu'il voulait être : l'homme-livre, tout entier dans ses livres qui ne font aujourd'hui plus qu'un avec lui.



Provenance : de la bibliothèque de M. de Maussion d'Arrancy avec son ex libris armorié contrecollé au premier contreplat. Il s'agit vraisemeblablement de Thomas de Maussion d'Arrancy (1764-1839). Magistrat en 1784, il resta en dehors des affaires publiques jusqu'au 18 brumaire, et devint ensuite maire d'Arrancy, conseiller d'arrondissement de Laon et conseiller général de l'Aisne. Élu, le 24 novembre 1821, député du grand collège de l'Aisne, il assista quelques jours après à un banquet offert aux élus de son département, et y déclara qu'il voulait, comme ses collègues, le maintien du trône constitutionnel, de la Charte et des libertés publiques. Il rentra, en 1830, dans la vie privée. Son ex libris présent dans ce volume est lithographié et semble avoir été imprimé au plus tôt vers 1830-1835, vers la fin de sa vie. La bibliothèque du Château d'Arrancy (Aisne) était pleine de plusieurs centaines de volumes alignés dans de belles "boiseries blanches", bibliothèque non composée pour l'apparat mais pour l'étude et la documentation (on trouve ces informations dans les Archives de la Société Française des Collectionneurs d'ex-Libris, année 1917). Le château du XVIIe siècle a été entièrement détruit (puis reconstruit à l'identique) pendant la première guerre mondiale. 

Références : P. Lacroix, p. 98-100 ; Rives-Childs, p. 210-212

Bel exemplaire en agréable reliure de l'époque.

Prix : 2.300 euros