CHATEAUBRIAND, François René de
Génie du Christianisme, ou Beautés de la Religion Chrétienne ; par F. A. de Chateaubriand. Sixième édition.
Paris, Le Normant, imprimeur-libraire, 1816
5 volumes in-8 (20,5 x 13 cm) de (6)-395, (4)-384, (4)-400, (4)-520 et XXIX-(2)-339-(4) pages. 9 figures hors-texte.
Reliure strictement de l'époque pleine basane fauve racinée, dos lisses ornés aux petits fers dorés, pièces de titre et tomaison dorés sur papier beige, tranches marbrées, doublures et gardes de papier marbré coordonné à la marbrure des tranches. Reliure très fraîche. Pièces de titre et de tomaison mitées (la dorure est bien présente, seul le fond en papier des pièces de titre et tomaison a en partie été attaqué). Petit travail de vers sur un plat (tome 4), légères épidermures et marques sans conséquence. Intérieur frais. Quelques rousseurs à quelques feuillets seulement.
Le Génie du Christianisme paraît à Paris pour la première fois chez le même libraire en 1802. Cet ouvrage fondamental a été en partie rédigé entre 1795 et 1799 lors de son émigration en Angleterre. Le cinquième tome contient un extrait des différents écrits sur cet ouvrage, des imitations en vers, etc, et la Défense du Génie du Christianisme par l'auteur. Dans cet ouvrage Chateaubriand se propose de montrer que le Christianisme est bien supérieur au paganisme par la pureté morale et qu'il n'est pas moins favorable à l'art et à la poésie que les « fictions » de l'Antiquité. Il y célèbre la liberté, selon lui fille du christianisme, et non de la Révolution. Ce livre fait événement et donne le signal d'un retour du religieux après la Révolution.
La première édition de 1802 sort des presses de Le Normant le 14 avril 1802, c'est à dire six jours après la ratification du Concordat par le corps législatif. Chateaubriand, conscient de l'enjeu, avait fait retardé la sortie de son ouvrage en librairie. Rome et Bonaparte avaient réussi à trouver un accord qui permettait alors de célébrer les beautés du christianisme.
Avec cet ouvrage Chateaubriand s'impose comme le père du romantisme et le porte étendard d'une liberté de penser en dehors des canons édités jusque là par les actes révolutionnaires. La personnalité de Chateaubriand se révélera pourtant plus complexe et les écrits qui suivront donnent une idée plus précise de la dualité de pensée politique et religieuse qui l'habitait. « Quant à moi, qui suis républicain par nature, monarchiste par raison, et bourbonniste par honneur, je me serais beaucoup mieux arrangé d'une démocratie, si je n'avais pu conserver la monarchie légitime, que de la monarchie bâtarde octroyée de je ne sais qui. »
"[...] Le propos apologétique du Génie du christianisme se justifie en effet par la conviction que la Révolution et ses séquelles n'ont pu effacer dans les mentalités collectives les souvenirs séculaires qu'y a déposés le christianisme : il suffit d'en réveiller les images et les émotions pour rendre à celui-ci sa vitalité. Ainsi le Génie, présenté comme le fruit d'un conversion personnelle, répond-il dans l'espérance à l'Essai sur les révolutions de 1797 qui s'était achevé sur l'angoisse de voir la tradition chrétienne dénaturée et épuisée. C'est une religion sensible au cœur et à l'imagination que le Génie veut promouvoir : non pas une sentimentalité religieuse mais un élan d'adhésion aux formes du sublime chrétien que recèlent aussi bien la doctrine, le culte, la sensibilité nouvelle à la nature et aux arts que développe le christianisme. C'est donc la " beauté de Dieu ", selon le mot de Joubert, qui inspire une telle apologie : sublime, grâce et mystère d'un Dieu qui appelle une heureuse contemplation de ses merveilles dans la nature mais aussi sublime terrible du désert de la mort et de l'abîme, sublime christique et fénelonien qui joint douceur et douleur. [...]" (Arlette Michel professeur émérite à l'université de Paris IV-Sorbonne in Commemorations Collection 2002).
Provenance : de la bibliothèque du château de La Fortelle (Seine-et-Marne) avec étiquette et référence de classement manuscrite dans chaque volume. Le châteaud de La Fortelle était situé sur la commune de Nesles la Gilberde (aujourd'hui commune de Lumigny). Sur une base médiévale, reconstruit au XVIIe siècle, en grande partie démoli pendant la révolution (alors la propriété de la famille De Vassal (Jean-André de Vassal mort en 1795, père d'Albine de Vassal devenue Albine de Montholon compagne d'exil de l'empereur Napoléon à Sainte-Hélène). Madame de Vassal meurt en 1812 et le château (en partie démoli) sera rebâti et modifié. Il passera ensuite à diversses familles dont celle des de Sancy de Rolland dans la seconde moitié du XIXe siècle et jusqu'au début du XXe siècle. Le château de la Fortelle a été totalement démoli au milieu des années 1950. La bibliothèque du château a été dispersée sans qu'on en trouve la trace formelle. L'étiquette présente dans notre exemplaire date des années 1820-1830. Albine de Montholon est morte en 1848. Elle suit son mari qui accompagne Napoléon lors de son exil à Sainte-Hélène, où naît son quatrième enfant, Napoléone Marie Hélène Charlotte, le 18 juin 1816. Elle est réputée pour avoir été la maîtresse de Napoléon, fait toutefois discuté par certains historiens, jusqu'à ce que l'Empereur apprenne sa liaison avec le lieutenant-colonel Basil Jackson et la fasse renvoyer en France en juillet 1819. Nous ne savons pas si cet exemplaire est passé ou non par les mains d'Albine de Montholon.
Bel exemplaire de ce texte majeur de provenance intéressante.
Prix : 650 euros