MESLIER, Jean. (dit le Curé Meslier). HOLBACH (Baron Paul Thiry d'). VOLTAIRE.
LE BON SENS du curé J. MESLIER, suivi de son TESTAMENT. [Le bon sens du curé Meslier. Idées naturelles opposées aux idées surnaturelles. 1733].
Paris, Guillaumin, libraire, 1830 [de l'imprimerie de A. Barbier, Paris]
1 volume petit in-8 (17 x 11 cm) de 380 pages.
Reliure plein chagrin vermillon, dos à nerfs orné aux petits fers dorés, plats encadrés d'une large décor aux petits fers et à la roulette, jeu de roulettes et filets dorés en encadrement intérieur des plats, tranches dorées, doublures et gardes de papier peigne (reliure vers 1870-1880). La reliure n'est étonnamment par signée. Excellent état de la reliure. Intérieur avec rousseurs éparses plus ou moins prononcées selon les feuillets sur papier vélin chiffon resté cependant bien blanc. Un feuillet de notes manuscrites a été retiré en tête du volume. Une note manuscrite à la fin du volume sur un feuillet blanc.
Nouvelle édition.
L'histoire éditoriale de cet ouvrage est très emmêlée et les multiples "bon sens du curé Meslier" ont été maints fois relevés et débattus dans la littérature et les publications scientifiques.
C'est bien à d'Holbach qu'il faut donner cet ouvrage matérialiste, véritable bible de l'athéisme. Bien qu'en tête de notre volume on trouve une Vie du curé Jean Meslier, des lettres échangées entre Voltaire et d'Alembert au sujet de la publication du Bon sens et du Testament dudit curé. Tout ceci est avéré faux et ledit curé Meslier n'a pas écrit un traitre mot de ce Bon sens ni même de ce Testament.
Le bon sens, ce célèbre ouvrage athéiste a paru pour la première fois en 1772. En 206 courts paragraphes il dévoile au lecteur toute un argumentaire anticlérical et matérialiste. L'ouvrage fut condamné au feu en 1774 et mis à l'Index l'année suivante.
C'est à Voltaire qu'on doit le Testament publié clandestinement en 1762. L'existence du curé Meslier n'a été connue qu'à partir de la publication en 1762 par Voltaire, sous le titre de Testament de J. Meslier, d'un texte qu'il présentait comme un extrait d'un document beaucoup plus volumineux, retrouvé chez lui et dans lequel un curé professait avec détermination son athéisme, et se livrait par ailleurs à une critique radicale des injustices de la société de son temps. Ce texte, au titre original de Mémoires des pensées et sentiments de Jean Meslier…, est parfois considéré comme le texte fondateur de l'athéisme et de l'anticléricalisme militant en France. La pensée de Meslier annonce la Révolution française et, bien au-delà, le socialisme utopique, le matérialisme, le communisme et l'anarchisme. Pour Régis Messac, le curé Meslier est un penseur libertin, « précurseur des philosophes qui proclameront bien haut leur croyance au progrès, et en la nécessité de ce progrès ». Ce testament philosophique fait de lui un précurseur des Lumières de tout premier plan. Il y est le premier à professer un athéisme sans concession tandis qu'il développe avant la lettre un matérialisme rigoureux et pose également en précurseur les bases d'une philosophie anarchiste, ainsi qu'une conception communiste de la société selon Michel Onfray, qui le cite comme le premier philosophe athée radical et sans concessions.
Selon Grimm (Correspondance) c'est un "catéchisme où l'athéisme a été mis à la portée des femmes de chambre et des perruquiers".
"Des voyageurs assurent que dans une contrée d'Asie règne un sultan rempli de fantaisies, et très-absolu dans ses volontés les plus bizarre. Par une étrange manie, ce prince passe son temps assis devant une table sur laquelle sont placés trois dés et un cornet. L'un des bouts de la table est couvert de monceaux d'or destinés à exciter la cupidité des courtisans et des peuples dont le sultan est entouré. Celui-ci connaissant le faible de ses sujets, leur tient à peu près ce langage : Esclaves ! je vous veux du bien. Ma bonté se propose de vous enrichir et de vous rendre tous heureux. Voyez-vous ces trésors ? eh bien ! ils sont à vous ; tâchez de les gagner ; que chacun à son tour prenne en main ce cornet et ces dés ; quiconque aura le bonheur d'amener rafle de six, sera maître. du trésor : mais je yous préviens que celui qui n'aura pas l'avantage d'amener le nombre requis, sera précipité pour toujours dans un cachot obscur, où ma justice exige qu'on le brûle à petit feu. Sur ce discours du monarque, les assistants consternés se regardent les uns les autres ; aucun ne veut s'exposer à courir une chance si dangereuse. Quoi, dit alors le sultan courroucé, personne ne se présente pour jouer ! oh ; ce n'est pas là mon compte. Ma gloire demande que l'on joue. Vous jouerez donc ; je le veux : obéissez sans répliquer. Il est bon d'observer que les dés du despote sont tellement préparés que sur cent mille coups, il n'en est qu'un qui porte : ainsi le monarque généreux a le plaisir de voir sa prison bien garnie et ses richesses rarement emportées. Mortels ! ce Sultan, c'est votre Dieu ; ses trésors sont le ciel ; son cachot, c'est l'enfer, et vous tenez les dés." (extrait).
Provenance : de la bibliothèque de Auguste Clarou fils (Limoux, Aude), avec son timbre sec répété sur les gardes blanches. Exemplaire relié à ses initiales A. C. dorées en queue du dos du volume. La note manuscrite qui subsiste est vraisemblablement de sa main. Auguste Clarou (1830-1881) était le fils de Pierre Louis Clarou (1803-ap. 1860), alors négociant, et de Françoise Antoinette Lagarde, décédée en 1830 des suites de l’accouchement. Il appartenait à une famille de banquiers de Limoux et, en 1860, exerçait ce métier avec son père et son cousin Jean Jacques Louis Clarou. Auguste Clarou était banquier et juge au tribunal de commerce ; sympathisant des fouriéristes ; conseiller municipal républicain de Limoux ; défenseur du communard Émile Digeon et père du député radical socialiste Armand Clarou. Auguste Clarou connut une fin très étrange : En 1880, alors qu’il était retiré de la politique, Clarou fut l’objet d’un fait divers qui fit sensation dans la presse. Avec la complicité d’un médecin, sa femme le fit déclarer fou et le fit enfermer dans l’asile de Braqueville à Toulouse. Après un séjour de sept mois, il réussit à s’enfuir et se réfugia chez un ami à Paris. Sur les conseils de Victor Hugo il prit un avocat puis porta plainte contre ceux qui l’avaient fait enfermer. Quelques mois après il finit par se suicider en se jetant dans le puits de sa maison de Limoux au 62 rue de la Blanquerie. Il était alors membre de la commission de surveillance de l’asile d’aliénés de Limoux !; (voir Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et du mouvement social, consulté en ligne).
NDLR : Ce petit volume doit se trouver sur toutes les tables de nuit des véritables athées et autres ennemis de Dieu ou anticléricaux patentés (pour le moment il est sur la mienne).
Très bel exemplaire luxueusement relié et de provenance intéressante.
VENDU