mercredi 27 septembre 2023

Pierre Kropotkine. La conquête du pain (1892). Edition originale rare (premier mille) sur papier d'édition. Exemplaire "offert par l'éditeur" (P.-V. Stock) avec tampon.Très bon exemplaire relié à l'époque. Vision enchantée d'un monde désenchanté par l'humain.



Pierre Kropotkine.

La conquête du pain. Préface par Élisée Reclus.

Paris, Tresse et Stock, 1892 [imprimerie générale de Châtillon-sur-Seine, Pichat et Pépin].

1 volume in-18 (18,2 x 12 cm) de XV-297-(1) pages.

Reliure strictement de l'époque demi-percaline rouge, fleuron doré au dos, filets dorés, auteur et titre dorés, doublures et gardes de papier marbré. Reliure très bien conservée avec seulement quelques légères marques et traces du temps. Les couvertures rouges imprimées n'ont pas été conservées. 
Intérieur sain, papier uniformément jauni de médiocre qualité comme toujours pour le tirage courant (papier des imprimeurs Pichat et Pépin de Châtillon-sur-Seine). Quelques rousseurs.

Edition originale sur papier ordinaire.

Il n'a été tiré que 10 exemplaires sur papier de Hollande.



Un des quelques exemplaires portant au bas du titre le tampon "OFFERT PAR L'EDITEUR" (P.-V. Stock)



La conquête du pain a été écrit directement en français par le Prince Noir, Pierre Kropotkine (1842-1921). C'est sans conteste son ouvrage le plus important. Il influença durablement les milieux anarchistes qui en firent un plan général pour mettre en application leur idéologie. C'est d'abord une série d'articles dans les journaux anarchistes Le Révolté et La Révolte (dirigés par Kropotkine). La première publication comme livre a lieu à Paris en 1892, chez Tresse et Stock, avec une préface d'Élisée Reclus, qui a aussi suggéré le titre. Le livre est immédiatement réédité. Entre 1892 et 1894, il est partiellement publié sous formes d'articles dans le journal de Londres Freedom (liberté), dont Kropotkine est cofondateur. Il a été traduit et réimprimé de nombreuses fois. Dans cet ouvrage, Kropotkine pointe ce qu'il considère comme les défauts des systèmes économiques, du féodalisme et du capitalisme, et comment il croit que ces systèmes prospèrent grâce à et maintiennent la pauvreté et la pénurie, malgré l'abondance de la production grâce aux progrès techniques, par le maintien de privilèges. Il propose à nouveau un système économique décentralisé basé sur l'entraide et la coopération volontaires, affirmant que les tendances pour ce type d'organisation existent déjà, aussi bien dans l'évolution que dans les sociétés humaines. Il traite également des détails de la révolution et de l'expropriation afin qu'elles ne finissent pas de manière réactionnaire.












"Lorsque les socialistes affirment qu’une société, affranchie du Capital, saurait rendre le travail agréable et supprimerait toute corvée répugnante et malsaine, on leur rit au nez. Et cependant, aujourd’hui même on peut voir des progrès frappants accomplis dans cette voie ; et partout où ces progrès se sont produits, les patrons n’ont qu’à se féliciter de l’économie de force obtenue de cette façon. [...] Eh bien, peut-on douter que dans une société d’égaux, où les « bras » ne seront pas forcés de se vendre à n’importe quelles conditions, le travail deviendra réellement un plaisir, un délassement ? La besogne répugnante ou malsaine devra disparaître, car il est évident que dans ces conditions elle est nuisible à la société tout entière. Des esclaves pouvaient s’y livrer ; l’homme libre créera de nouvelles conditions d’un travail agréable et infiniment plus productif. Les exceptions d’aujourd’hui seront la règle de demain. Il en sera de même pour le travail domestique, dont la société se décharge aujourd’hui sur le souffre-douleur de l’Humanité, — la femme." (extrait)

"Les ouvriers ne pouvant acheter avec leurs salaires les richesses qu’ils ont produites, l’industrie cherche des marchés au dehors, parmi les accapareurs des autres nations. En Orient, en Afrique, n’importe où, Égypte, Tonkin, Congo, l’Européen, dans ces conditions, doit accroître le nombre de ses serfs. Mais partout il trouve des concurrents, toutes les nations évoluant dans le même sens. Et les guerres, — la guerre en permanence, — doivent éclater pour le droit de primer sur les marchés. Guerres pour les possessions en Orient ; guerres pour l’empire des mers ; guerres pour imposer des taxes d’entrée et dicter des conditions à ses voisins ; guerres contre ceux qui se révoltent ! Le bruit du canon ne cesse pas en Europe, des générations entières sont massacrées, les États européens dépensent en armements le tiers de leurs budgets, — et l’on sait ce que sont les impôts et ce qu’ils coûtent au pauvre." (extrait)





Cet ouvrage est une vision enchantée d'un monde désenchanté par l'humain, mais où ce même humain doit parvenir à réaliser cet idéal de société dont le bénéfice sera une répartition juste et équitable des bienfaits par la révolution et la lutte.

Kropotkine conclut ainsi : "Pouvant désormais concevoir la solidarité, cette puissance immense qui centuple l’énergie et les forces créatrices de l’homme, — la société nouvelle marchera à la conquête de l’avenir avec toute la vigueur de la jeunesse. Cessant de produire pour des acheteurs inconnus, et cherchant dans son sein même des besoins et des goûts à satisfaire, la société assurera largement la vie et l’aisance à chacun de ses membres en même temps que la satisfaction morale que donne le travail librement choisi et librement accompli, et la joie de pouvoir vivre sans empiéter sur la vie des autres. Inspirés d’une nouvelle audace, nourrie par le sentiment de solidarité, tous marcheront ensemble à la conquête des hautes jouissances du savoir et de la création artistique. Une société ainsi inspirée n’aura à craindre ni les dissensions à l’intérieur, ni les ennemis du dehors. Aux coalitions du passé elle opposera son amour pour l’ordre nouveau, l’initiative audacieuse de chacun et de tous, sa force devenue herculéenne par le réveil de son génie. Devant cette farce irrésistible, les « rois conjurés » ne pourront rien. Ils n’auront qu’à s’incliner devant elle, s’atteler au char de l’humanité, roulant vers les horizons nouveaux, entr’ouverts par la Révolution sociale.".

Très bon exemplaire relié à l'époque "offert par l'éditeur" du premier tirage de l'édition originale.

Prix : 1.800 euros