jeudi 24 novembre 2022

Louis DUMONT, La Chimère. Pages de la Décadence. Paris, Editions de La Plume, 1902. Bel exemplaire relié à l'époque du rarissime tirage de tête sur Japon (3 exemplaires).


DUMONT, Louis

La Chimère. Pages de la Décadence.

Paris, Editions de La Plume, 1902

1 volume petit in-8 (19,7 x 14 cm) de 276-(2) pages.

Reliure strictement de l'époque demi-chagrin caramel, dos à quatre nerfs, fer doré au centre du dos, titre et tomaison dorés sur cuir lie de vin encadrés de filets dorés, tête dorée, non rogné, couvertures illustrées conservées (les deux plats). Légère insolation du dos. Excellent état, proche du neuf.


Edition originale.

Un des 3 exemplaires de tête sur Japon (n°3 au composteur).

Il a été tiré 10 ex. sur Hollande et 50 ex. sur papier vélin.

La couverture est signée SOFFICI. Ardengo Soffici (Rignano sull'Arno, 7 avril 1879 – Forte dei Marmi, 19 août 1964). Il s'agit ici de l'une de ses premières couvertures illustrées sinon la première.


Messaline, en latin Valeria Messalina (c. 20 – 48), est la troisième épouse de l'empereur romain Claude et la mère de Britannicus en 41. Les historiens antiques lui attribuent une conduite scandaleuse qui finit par provoquer sa perte. Soupçonnée de comploter contre l'empereur, elle est exécutée en 48.












"La Chimère de M. Louis Dumont (éditions de La Plume) est très osée, et ce n'est pas un livre a laisser traîner sur les tables des petites filles qui mangent de la confiture en tartines. Je regrette ce parti pris d'inconvenance têtue, car j'aurais loué sans réserve le talent de cette évocation des Romains de la décadence. Le style sonne plein, l'agencement est artiste, la documentation est solide, et, par des détails, semble révéler un familier de l'archéologie romaine, peut-être quelque universitaire. Il y a là des tableaux de processions, de cirques, de fêtes, qui ont du relief, de la couleur, de la vie. Seulement, comme c'est Messaline qui mène la ronde, on trébuche à chaque pas sur des ordures. C'est tant pis ; on détacherait en choisissant, de jolis panneaux d'anthologie sur cet édifice équivoque." (Léo Clarétie, Le Mouvement littéraire, in Le Monde moderne, p. 251, livraison du 1er février 1902).

Louis Dumont est né en 1877 à Villotte-Saint-Seine en Bourgogne, département de la Côte d'Or. D'origine modeste (son père était maréchal ferrant à Villotte-Saint-Seine), il fut interne au collège de Montbard en 1891 (pour lequel il obtint une bourse). Nous ne savons pas comment il entra en contact avec le cénacle littéraire de La Plume, probablement vers 1900-1901. Au moment de la rédaction de La Chimère il n'est âgé que de 22 ans. En effet, ce roman a été commencé en septembre 1899 et achevé en mars 1901. Il a tout d'abord paru dans La Plume à la fin de l'année 1901. La préface est signée Paul Adam, qui écrit : "Il est aussi honorable d'être pornographe que d'être géographe ou paléographe. La pornographie est une science du ressort de la psychologie." Dumont utilise le thème de la décadence pour multiplier les scènes d'amour où les partenaires se multiplient à mesure que le roman progresse. Dumont publie son roman alors que Quo Vadis vient de frapper très fortement les esprits et diviser la jeunesse littéraire. La mode du roman antique était lancée. Alfred Jarry proposa sa propre Messaline (Revue Blanche, 1900) et en profita pour dénoncer comme plagiaires Louis Dumont et Nonce Casanova. Il faut lire la lettre qu'Alfred Jarry écrit au directeur de la Revue Blanche en 1902 pour prendre la mesure du mépris que celui-ci avait pour La Chimère de Louis Dumont : "Ma Messaline, publiée dans votre Revue et dans ses Editions, a déjà eu deux fois l'honneur d'être démarquée ; d'abord par un sieur Dupont ou Dumont (Jarry ignore qui est cet auteur d'à peine 25 ans), qui méritait miséricorde parce que, non sans une pudeur relative, il déguisa son emprunt sous un nouveau titre : "La Chimère" [...]". Jarry dénonce les emprunts en citant les passages incriminés. Sa démonstration est peu convaincante et injuste.


"La Chimère. Pages de la Décadence, roman que Louis Dumont consacre à Messaline, dessine également le parcours d'un délestage du vêtement, comme si l'Impératrice n'accomplissait sa vraie nature qu'en apparaissant enfin nue. Le texte se lit en même temps que l'impératrice se dénude, tendant vers un dépouillement ultime." (Marie-France David-de Palacio)

Louis Dumont rééditera La Chimère sous un nouveau titre : La Louve. (Paris : Bibliothèque des auteurs modernes, [1907]). En 1905 il donne un petit opuscule intitulé A la louange de la vie (1905, Reims : édition de la "Revue littéraire de Paris et de Champagne", puis un petit recueil de vers intitulé "De l'ombre et de la solitude, sonnets familiers (Roubaix : édition du "Beffroi", 1908). C'est tout ce que la Bibliothèque nationale de France répertorie. On sait qu'il écrira par ailleurs dans des revues régionalistes. Visiblement Louis Dumont, bien qu'introduit très tôt dans les cercles littéraires parisiens (La Plume), n'aura pas la carrière littéraire qu'on aurait pu attendre après la publication très commentée de La Chimère. Dont acte. Jarry reste. Dumont s'évanouit dans les limbes. Il ne reste pas moins que ce roman des temps de la décadence romaine marqua son époque et donna à la critique de quoi alimenter les moulins à vent. Reste à lire ou à relire ce livre, devenu rare, d'une sensualité forte et très bien amenée qui le fait rentrer de droit dans la catégorie des livres érotiques et curiosa.


Bel exemplaire du rarissime tirage de tête sur Japon (3 exemplaires).

Prix : 3.500 euros