vendredi 22 février 2019

Voltaire. Lettres Chinoises, Indiennes et Tartares. A Monsieur Paw. (1776). Essai contre l'abus du pouvoir des souverains, et juste idée du gouvernement d'un bon Prince. Suivi du Tocsin contre le despotisme du souverain. 2 ouvrages reliés en 1 volume. Bel exemplaire relié à l'époque.


[Voltaire]

Lettres Chinoises, Indiennes et Tartares. A Monsieur Paw. Par un Bénédictin. Avec plusieurs autres Pièces intéressantes.

Londres, s.n., 1776

(4)-182-(2) pages

Relié à la suite :

[Anonyme]

Essai contre l'abus du pouvoir des souverains, et juste idée du gouvernement d'un bon Prince. Suivi du Tocsin contre le despotisme du souverain. Par M **, Avocat. Opuscules politiques et Moraux.

A Londres, s.n., 1776

(4)-214 pages

2 ouvrages reliés en 1 volume in-8 (21 x 12,5 cm).

Reliure de l'époque plein veau marbré, dos lisse richement orné aux "soleils dorés", tranches mouchetées de rouge, doublures et gardes de papier à la colle bleu. Quelques légères marques à la reliure restée très fraîche. Intérieur très frais.


Le premier ouvrage de Voltaire répond au livre de Monsieur Paw (ses Recherches philosophiques sur les Egyptiens et les Chinois parues pour la première fois en 1774). "J'ai lu vos livres, écrit Voltaire. Je ne doute pas que vous n'ayiez été longtemps à la Chine, en Egypte, et au Mexique : de plus vous avez beaucoup d'esprit ; avec cet avantage on voit et on dit tout ce qu'on veut" (Lettre III). Cette deuxième édition de ce texte de Voltaire est enrichie de plusieurs autres pièces (Le Dimanche ou les Filles de Minée et la Diatribe à l'auteur des Ephémérides"). "Malgré toutes ses erreurs, le témoignage de Voltaire est respectable : son admiration pour la Chine s'imposant par ses idées mille fois répétées fit retrouver à la Chine sa juste place dans l'histoire universelle, diffusa la pensée chinoise, contribuant ainsi à la Révolution de 1789." (Trousson, Dic. général de V.). Voltaire définissait lui-même ses propres lettres sur les Chinois etc comme des "Lettres assez scientifiques, assez ridicules". 12 lettres au total, un Dialogue de Maxime de Madaure, des Lettres de Monsieur le chevalier de Boufflers pendant son voyage en Suisse à Madame sa mère en 1764 (9 lettres), une Lettre de M. de Voltaire à M. l'abbé d'Olivet sur la langue française (1767), un Fragment d'une autre Lettre de M. de Voltaire à M. d'Olivet, Sentiment d'un académicien, divers fragments, etc. 

Références : Bengesco II, 1859.


Le deuxième ouvrage est resté désespérément anonyme. Aucun bibliographe, aucun catalogue n'ose une attribution à ce texte pourtant très intéressant. Quel avocat faut-il chercher derrière ce pamphlet ? Les quelques recherches que nous avons pu faire nous indiquent que ce texte aurait été imprimé par Christian Friedrich Voss à Berlin. Le livre imprimé se trouvait au catalogue du libraire Barthelemy Vlam d'Amsterdam (catalogue de 1781). Nous avons trouvé un exemplaire de ce texte relié en même temps que le livre de M. Gin, avocat (hasard) intitulé Les vrais principes du gouvernement français démontrés par la raison (1777). Hasard ? Peut-on accorder à M. Gin cet ouvrage engagé ? Une étude approfondie de cet Essai contre l'abus du pouvoir des souverains permettrait sans doute d'émettre quelques hypothèses sérieuses sur son auteur.


Voici quelques extraits choisis parmi d'autres du même style :

"Comme donc l'esclave est tenu de servir son maître, écrit l'auteur, de même le maître est indispensablement obligé, par le droit des gens, de donner la vie à son esclave. Que si le maître manque à ses engagements, et qu'il maltraite si fort son esclave, que la vie devienne pour celui-ci un supplice et un supplice plus cruel que la mort même ; l'esclave est alors quitte de toute obligation, puisqu'il ne s'était engagé que pour son bien et nullement pour rendre sa condition insupportable. Etant donc rentré dans les droits de l'état de nature, il peut ou se sauver ou tuer même son ennemi." (extrait p. 32).

"Les Princes sont rarement instruits de leurs devoirs, et les premières teintures d'une bonne éducation sont bientôt effacées. Ils se livrent au plaisir de régner, sans s'informer des justes bornes de leur autorité. L'orgueil, qui est le venin secret de la souveraine puissance, les porte à ne plus demander conseil, ou à ne le plus suivre. Ils reçoivent sans précaution les erreurs de ceux qui les flattent. Ils deviennent indifférents pour la vérité, ou même ses ennemis. Ils s'accoutument à confondre la raison et la justice avec leurs volontés. Ils s'amollissent par les délices, et ils abandonnent à d'autres le poids de l'état et des affaires. Ils se bornent aux seules choses qui ne demandent ni application, ni travail. Ils sont absorbés par la volupté. Ils ne veulent être instruits que de ce qui ne trouble point leur repos ou leurs plaisirs [...] C'est la même chose, d'être à la République et d'être Roi ; d'être pour le peuple, et d'être souverain. On est né pour les autres dès qu'on est né pour leur commander, parce qu'on ne leur doit commander que pour leur être utile. [...] L'adulation maligne, jointe à la dépravation du coeur de la plupart des Princes, conduit infailliblement au Despotisme. Le Despotisme, a dit Montesquieu, ne peut se soutenir que par la crainte. La doctrine de l'obéissance aveugle, sans faire aucun bien aux Princes, a été source fatale de maux pour les peuples. [...]" (extrait p. suiv.).


Nous avons retrouvé par hasard la mention manuscrite suivante sur un autre exemplaire de ce livre : "Le jeune homme qui lira ce livre est un homme perdu !" (ex. du Catalogus van de Openbare Bibliotheck te Arnhem).

Admirable ouvrage qui mériterait une redécouverte officielle (mesdames et messieurs des universités ...).

Provenance : 2 ex libris. Ex libris C. Y. M. Suffran (moderne). Ex libris B. H.-R. avec la devise "aucun livre ne t'appartient" (moderne).


Bel exemplaire pour la réunion de ces deux textes très intéressants pour l'histoire des idées progressistes dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle.

Prix : 1.150 euros