MOUHY, Chevalier de (Charles de Fieux de)
Les Mille et une Faveurs, Contes de Cour, tirés de l'ancien gaulois par la reine de Navarre ; par le Chevalier de Mouhy.
A Londres, aux dépens de la Compagnie, 1784 (volumes I et II)
A Londres, aux dépens de la Compagnie, 1740 (volumes III à VIII)
8 volumes petits in-12 (14 x 8,2 cm) de XLII-262, [IV] à VI-330, (4)-268, (4)-264, (6)-236, (4)-246, (8)-272 et (8)-235 pages. Collationné complet.
Reliure strictement de l'époque plein maroquin vert, dos lisses ornés aux petits fers dorés, triple-filet doré en encadrement des plats, roulette dorée en encadrement intérieur des plats, tranches dorées, doublures et gardes de papier uni jaune. Les deux premiers volumes présentent de petites différences dans les décors mais l'ensemble reste tout à faire homogène (voir plus bas pour le détail de cet exemplaire). Très bel exemplaire parfaitement conservé.
Les volumes III à VIII sont ici en première édition tandis que les volumes I et II sont de la réimpression de 1784, de même format. L'ensemble a été relié vers 1784 ou peu après.
Fils d'un colonel des dragons, Charles de Fieux naît à Metz le 9 mai 1701. Suivant les traces de son père, il devient naturellement officier de cavalerie, ce qu'il mentionnera parfois sur le frontispice de ses ouvrages. Il se marie et quitte le métier des armes pour vivre de sa plume. À Paris, en 1735, Charles de Fieux de Mouhy fonde un bureau d'adresses et publie Le Répertoire, un périodique contenant des anecdotes parisiennes et des critiques littéraires. En 1736, il se met au service de Voltaire, lui envoyant des "nouvelles à la main" de Paris, soutenant ses pièces de théâtre, suivant ses procès et, occasionnellement, lui servant de prête-nom. Le 25 avril 1741, le chevalier de Mouhy est enfermé à la Bastille pour avoir publié les Mille et une faveurs sans permission. La Chronique scandaleuse de 1785 le dépeint, à la fin de sa vie, comme boiteux et bossu. Charles de Fieux est mort à Paris le 29 février 1784.
Le chevalier de Mouhy a publié un grand nombre de romans, qui presque tous sont tombés dans l'oubli. Les Mille et une faveurs fait partie des rares sui semble "avoir surnagé". Il faisit des romans de circonstances, ou tirait des circonstances et des auteurs à la mode, les titres qu'il donnait ensuite à ses propres romans (le Masque de fer, La Paysanne parvenue, les Mémoires d'une dame de qualité, etc.). Les Mille et une Faveurs est un roman erotico-allégorique, ou plutôt énigmatique, dans le genre du prince Apprius ; tous les termes du libertinage, sous le voile de l'anagramme, servent de noms à ses héros. Pour le comprendre, il faut en avoir la clef ; mais cette clef est devenue très rare (existe-t-elle vraiement ?). Il produisit beaucoup et vite. Il était attentif à toutes les vogues et imitait les ouvrages à succès. Il recueillait dans les cafés et les cénacles des anecdotes et traits d'esprit qu'il utilisait aussitôt, ce qui n'est pas sans rappeler les pratiques d'un certain Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne quelques années plus tard. Mouhy connut le succès avec ses romans et semble-t-ile en tira suffisamment d'argent pour en vivre. "Ces romans, d'assez mince valeur littéraire, ne manquent pas de verve, et à travers des imaginations assez lestes cèdent parfois quelque peu aux influences sentimentales." Dans les Mille et une Faveurs, les noms barroques de ses héros tels que Purisloves, de Croselivesyol, de Tanitbudan, de Netosniss, de Senasco, de Veoldufitulur, etc. (qui rendent la lecture difficile), deviennt fort choquants lorsqu'on en décompose l'anagramme (on y retrouve les mots obscènes du libertinage tels que connasse, bordel, vulve, vit, tétons, langue, maquereau, couilles, baiser, foutre, encul..., etc). Cet ouvrage é été condamné par la cour royale de Paris en 1827 comme outrageant les bonnes moeurs à cause de l'obscénité des anagrammes et les sitations qui sont décrites de manières plus que grivoises. Contrairement à ce qui est indiqué sur les titres et dans la préface, ce long roman ne doit rien à la reine Marguerite de Navarre, pas plus qu'à l'ancien gaulois. Mouhy en est le seul auteur.
"Les Mille et une Faveurs" estimées en librairie beaucoup plus qu'elles ne valent, sont devenues assez rares ; la destruction en a été ordonnée" (Drujon, Livres à clef)
"Mouhy n'en reste pas moins un des plus féconds représentants de la veine réaliste du temps" (Littérature française du XVIIIe siècle, par Michel Delon et Pierre Malandain)
Référence : Drujon, Les livres à clef, col. 633
Très bel exemplaire de ce titre rare en maroquin de l'époque, condition rare et désirable.
Prix : 4.500 euros