Joséphin PELADAN (dit le Sar Mérodack Joséphin Péladan)
Commémoration du Métaphysicien & Homme d'Etat Armand Hayem, commencée pour être insérée dans La Victoire du Mari, imparfaitement fini en hommage à Madame veuve Armand Hayem (titre de première page)
Pour Madame Veuve Armand Hayem. Hommage triste d'un regret toujours vivant. [signé] I. PELADAN. Nîmes, 29 décembre 1890 (titre de couverture)
Manuscrit autographe signé (deux fois - une première fois sur la couverture - une seconde fois en fin du dernier feuillet) à l'encre bleue sur papier jaune. Couverture de même papier (premier plat avec titre manuscrit) renfermant 17 feuillets 25,5 x 16,5 cm écrits au recto uniquement. Cachet à l'encre bleue en haut de la couverture et en haut du premier feuillet (cachet de Joséphin Peladan). Papier jaune fragile. Quelques ratures. Bon état.
Manuscrit inédit dans son intégralité.
Armand Hayem, avocat, publiciste et membre du Conseil général de Seine-et-Oise, est mort le 1er août 1889 à l'âge de 43 ans. De nature dépressive et atteint de dyspepsie (graves problèmes digestifs), étant revenu de cure sans amélioration de son état, il se tira une balle dans la tempe droite dans le bureau de son hôtel particulier des Champs Elysées où on le trouva mort étendu dans son canapé. Il était né à Paris le 24 juillet 1845 et était entré en politique vers 1871 où il fut nommé conseiller général du canton de Montmorency. Il a écrit et publié de nombreuses études sur les questions de philosophie politique, entre autres un mémoire sur le Mariage, couronné par l'Institut. Il laissa également une étude phychologique, le Don juanisme, et un drame, Don Juan de Marana, écrits dans une langue rappelant un peu celle de son maître Barbey d'Aurévilly.
"[...] Armand Hayem, est, je crois bien, parmi les jeunes écrivains de la génération qui s’élève quand le siècle finit, un des mieux faits pour avoir des succès d’institut. Il croit encore à cette immense chimère des instituts bombinants. Il a foi en eux. En attendant qu’il entre de plain-pied chez eux, il écrit pour eux, et si ces vieux Jacobs avaient des entrailles il devrait être leur Benjamin… Dans son respect superstitieux pour ces vénérables, il avait publié avant son Être social un livre du Mariage, auquel les Pères conscrits de l’Académie des sciences morales et politiques avaient accordé une mention honorable et dont il s’honore. [...] Esprit très élevé et très cultivé, heureux et fier dans sa pensée d’être un enfant du xixe siècle [...]" (Jules Barbey d'Aurévilly, à propos de son ouvrage L’Être social (article paru dans le Constitutionnel, le 20 mars 1882). Si les deux hommes sont devenus amis, Barbey n'a pourtant pas été très tendre dans sa critique de L'Être social (1881). Ils échangeront cependant une correspondance amicale jusqu'à la mort du connétable le 23 avril 1889 (Hayem meurt le 1er août de la même année). C'est en 1874 (ou vers 1878 selon une autre source) que Barbey d'Aurévilly s'est lié avec Armand Hayem et son frère Charles, fils du richissime négociant en soieries et tissus Simon Hayem, juif alsacien fondateur de la « maison du Phénix » (manufacture de chemises, faux-cols et cravates).
Armand Hayem, Joséphin Peladan et Barbey furent amis du même cercle. Jules Barbey d'Aurévilly adouba le premier roman de Peladan, Le Vice suprême (1884) en y fournissant une préface. Fort de ce premier succès, Peladan fut un nom important et remarqué du décadentisme fin de siècle. Aussi bien loué mais encore plus attaqué pour ses excentricités, son habillement, son phrasé crypté, cette "maladie du lyrisme" (Christophe Beaufils), ses envolées magiques. Auto-proclamé Mage, Sâr (roi) même, Peladan lance l'ésotérisme rosicrucien et en fait des évènements artistiques remarqués ou conspués. Il contribue à faire connaître bon nombre d'artistes du mouvement symboliste. Guillaume Apollinaire écrira sur Peladan : "Ce mage de l'esthétisme, cet amant des Arts morts, ce héraut d'une décadence hypothétique restera une figure singulière, magique, religieuse, un peu effacée, un peu ridicule, mais d'un grand attrait et d'une infinie délicatesse, un lys d'or à la main." (Guillaume Apollinaire, Echos. Mort de Joséphin Péladan", Le Mercure de France, tome 128, n°482, 16 juillet 1918, p. 373).
Comme l'indique la première page de ce manuscrit resté inédit, ce texte aurait été commencé pour être inséré dans La Victoire du Mari (publié chez Dentu en 1889). Barbey venant de mourir c'est une commémoration du connétable des lettres qui est placé en tête du volume (datée du 28 avril 1889 - Barbey est mort le 23 avril). La commémoration de la mémoire d'Armand Hayem que nous avons ici en manuscrit a été composée (selon la date qu'on y trouve placée en tête), à Nîmes le 29 décembre 1890, soit plus d'un an et demi après son décès survenu le 1er août 1889. La chronologie est très importante dans cette affaire de la "veuve Hayem" puisque Péladan fit preuve d'une sollicitude soutenue pour la veuve du millionnaire "qui ne se borna pas à un simple témoignage de condoléances" (Cf. Beaufils). Péladan pria Mme de Bouglon, très proche de la famille Hayem, d'être son "ambassadrice", et proposa par son truchement de s'occuper d'une édition des manuscrits laissés par Armand Hayem. La veuve Hayem ne voulut rien entendre, tout autant en ce qui concerne les manuscrits de son défunt mari, que des sentiments intéressés de Péladan aspirant nouveau mari. "L'antipathie que vous inspirez à l'entourage des Hayem me paraît une des causes du refus ex-abrupto" (écrit Madame de Bouglon le 18 septembre 1889). La veuve Hayem recopia elle-même les manuscrits de son mari et les fit éditer en 1891 sous le titre "Vérités et Apparences". Concernant l'hypothétique mariage souhaité par Péladan (qui en parlait autour de lui à qui voulait bien l'entendre), ce fut un refus clair et net signié par l'intermédiaire de Madame de Bouglon signifié le 4 novembre 1889. C'est à ce moment là que Péladan prévoit d'écrire l'Oraison funèbre d'Armand Hayem. Madame Hayem toujours par l'intermédiaire de Madame de Bouglon lui demanda fermement d'abandonner cette idée. Elle lui demanda également qu'il cessât de parler à tort et à travers d'Isabelle Hayem : "Que son nom ne paraisse pas en vedette dans vos livres ni ailleurs". Le 16 avril 1890 Madame de Bouglon lui signifia qu'il n'avait rien à attendre : "Votre âge, vos succès de femmes aussi, une réputation que je ne connaissais pas ..., une trinté flatteuse et fâcheuse aussi" le séparaient définitivement de Mme Hayem qui ne lui demandait qu'une seule faveur : "de taire votre opinion sur les juifs, de ne point ajouter aux malédictions de Drumont". Madame Hayem se remaria finalement trois ans plus tard en 1891 avec Jules Comte (historien de l'art et haut fonctionnaire). Ce fut son troisième et dernier mariage. Péladan était marri (avec deux r). Et pourtant le 30 décembre 1890, à Nîmes, il écrit ces 17 pages de commémoration pour la mémoire d'Armand Hayem. Ces pages ont-elles finalement été communiquées à Madame Hayem ? Nous ne le savons pas. Ces pages sont-elles restées dans un tiroir comme une sorte de consolation posthume d'une amitié et une vénération visiblement réelle ? Peut-on penser qu'en ce 30 décembre 1890, alors que la veuve Hayem ne voulait plus rien savoir des intentions (illustions) maritales de Péladan, ce dernier insiste encore en louangeant son défunt mari ? Mystère ... Quoi qu'il en soit ce texte d'hommage est très beau et les élans du style du Sâr sont là, dans toute leur splendeur esthétique et hermétique. Nous retiendrons cette phrase qui fait écho à notre époque : "La politique de ce temps étant sale, est faite par gens laids." Barbey d'Aurévilly, Drumont, le judaïsme et la judaïté, sont convoqués au banquet des louanges. "Armand Hayem est mort de la bassesse de son temps ; la politique l'a tué [...]", écrit-il. Le Sar Peladan se marie finalement le 10 janvier 1896 à Paris (7e) avec la comtesse Leroy de Barde, née en 1863, veuve de Henri, Gaston, Raoul Leroy, comte de Barde, née Joséphine de Malet-Roquefort, fille du vicomte et de la vicomtesse de Malet-Roquefort, petite-fille du comte et de la comtesse de Larmandie. Ils divorceront le 31 mai 1900. Le contexte de la fin de siècle s'éloignant, Joséphin Péladan renonce à ses outrances vestimentaires et vit dans la vénération de sa seconde femme, Christiane Taylor (épousée en 1901), une ancienne admiratrice, vivant péniblement de critiques d'art « que l'ancienne ironie des badauds empêchait de remarquer » (d’après Henry Bordeaux).Il meurt presque oublié le 27 juin 1918. Cet occultiste très difficile à appréhender, fonda le salon de la Rose-Croix 1892-98, et fut l'auteur de dix-neuf romans appelés par lui éthopées, sous le titre général de "Décadence latine" 1884-1901, de pièces de théâtre: "Le Fils des étoiles" 1895, "Prométée", "Sémiramis" 1897, "Oedipe et le sphinx" 1898, "Le Mystèe du Graal", et d'essais: "La Dernière Leçon de Léonard de Vinci", "La Clef de Rabelais", "De Parsifal à don Quichotte", "Origine et esthétique de la tragédie", et de notices estimées sur Léonard de Vinci.
Important manuscrit inédit (17 pages) de Joséphin Péladan "Commémoration du Métaphysicien et homme d'état Armand Hayem" offert "à Madame veuve Armand Hayem".
Renseignements complémentaires sur demande. Filigrane anti-copie sur les photographies de cette annonce.
Prix : 8.000 euros