Beaux livres anciens et modernes - Bibliophilie - Reliures - Editions originales - Livres illustrés - Estampes - Dessins - Photographies - Bertrand Hugonnard-Roche, Bibliophile - libraire.
mardi 27 août 2024
Jules Verne | Le tour du monde en quatre-vingts jours | Collection Hetzel, s.d. (1906-1911). Joli exemplaire de ce titre phare de l'auteur des Voyages extraordinaires.
vendredi 23 août 2024
MOUHY, Chevalier de (Charles de Fieux de) | Les Mille et une Faveurs, Contes de Cour, tirés de l'ancien gaulois par la reine de Navarre ; par le Chevalier de Mouhy. A Londres, aux dépens de la Compagnie, 1784 (volumes I et II) A Londres, aux dépens de la Compagnie, 1740 (volumes III à VIII). 8 volumes petits in-12. Reliure strictement de l'époque plein maroquin vert. Très bel exemplaire de ce titre rare en maroquin de l'époque, condition rare et désirable.
MOUHY, Chevalier de (Charles de Fieux de)
Les Mille et une Faveurs, Contes de Cour, tirés de l'ancien gaulois par la reine de Navarre ; par le Chevalier de Mouhy.
A Londres, aux dépens de la Compagnie, 1784 (volumes I et II)
A Londres, aux dépens de la Compagnie, 1740 (volumes III à VIII)
8 volumes petits in-12 (14 x 8,2 cm) de XLII-262, [IV] à VI-330, (4)-268, (4)-264, (6)-236, (4)-246, (8)-272 et (8)-235 pages. Collationné complet.
Reliure strictement de l'époque plein maroquin vert, dos lisses ornés aux petits fers dorés, triple-filet doré en encadrement des plats, roulette dorée en encadrement intérieur des plats, tranches dorées, doublures et gardes de papier uni jaune. Les deux premiers volumes présentent de petites différences dans les décors mais l'ensemble reste tout à faire homogène (voir plus bas pour le détail de cet exemplaire). Très bel exemplaire parfaitement conservé.
Les volumes III à VIII sont ici en première édition tandis que les volumes I et II sont de la réimpression de 1784, de même format. L'ensemble a été relié vers 1784 ou peu après.
Fils d'un colonel des dragons, Charles de Fieux naît à Metz le 9 mai 1701. Suivant les traces de son père, il devient naturellement officier de cavalerie, ce qu'il mentionnera parfois sur le frontispice de ses ouvrages. Il se marie et quitte le métier des armes pour vivre de sa plume. À Paris, en 1735, Charles de Fieux de Mouhy fonde un bureau d'adresses et publie Le Répertoire, un périodique contenant des anecdotes parisiennes et des critiques littéraires. En 1736, il se met au service de Voltaire, lui envoyant des "nouvelles à la main" de Paris, soutenant ses pièces de théâtre, suivant ses procès et, occasionnellement, lui servant de prête-nom. Le 25 avril 1741, le chevalier de Mouhy est enfermé à la Bastille pour avoir publié les Mille et une faveurs sans permission. La Chronique scandaleuse de 1785 le dépeint, à la fin de sa vie, comme boiteux et bossu. Charles de Fieux est mort à Paris le 29 février 1784.
Le chevalier de Mouhy a publié un grand nombre de romans, qui presque tous sont tombés dans l'oubli. Les Mille et une faveurs fait partie des rares sui semble "avoir surnagé". Il faisit des romans de circonstances, ou tirait des circonstances et des auteurs à la mode, les titres qu'il donnait ensuite à ses propres romans (le Masque de fer, La Paysanne parvenue, les Mémoires d'une dame de qualité, etc.). Les Mille et une Faveurs est un roman erotico-allégorique, ou plutôt énigmatique, dans le genre du prince Apprius ; tous les termes du libertinage, sous le voile de l'anagramme, servent de noms à ses héros. Pour le comprendre, il faut en avoir la clef ; mais cette clef est devenue très rare (existe-t-elle vraiement ?). Il produisit beaucoup et vite. Il était attentif à toutes les vogues et imitait les ouvrages à succès. Il recueillait dans les cafés et les cénacles des anecdotes et traits d'esprit qu'il utilisait aussitôt, ce qui n'est pas sans rappeler les pratiques d'un certain Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne quelques années plus tard. Mouhy connut le succès avec ses romans et semble-t-ile en tira suffisamment d'argent pour en vivre. "Ces romans, d'assez mince valeur littéraire, ne manquent pas de verve, et à travers des imaginations assez lestes cèdent parfois quelque peu aux influences sentimentales." Dans les Mille et une Faveurs, les noms barroques de ses héros tels que Purisloves, de Croselivesyol, de Tanitbudan, de Netosniss, de Senasco, de Veoldufitulur, etc. (qui rendent la lecture difficile), deviennt fort choquants lorsqu'on en décompose l'anagramme (on y retrouve les mots obscènes du libertinage tels que connasse, bordel, vulve, vit, tétons, langue, maquereau, couilles, baiser, foutre, encul..., etc). Cet ouvrage é été condamné par la cour royale de Paris en 1827 comme outrageant les bonnes moeurs à cause de l'obscénité des anagrammes et les sitations qui sont décrites de manières plus que grivoises. Contrairement à ce qui est indiqué sur les titres et dans la préface, ce long roman ne doit rien à la reine Marguerite de Navarre, pas plus qu'à l'ancien gaulois. Mouhy en est le seul auteur.
"Les Mille et une Faveurs" estimées en librairie beaucoup plus qu'elles ne valent, sont devenues assez rares ; la destruction en a été ordonnée" (Drujon, Livres à clef)
"Mouhy n'en reste pas moins un des plus féconds représentants de la veine réaliste du temps" (Littérature française du XVIIIe siècle, par Michel Delon et Pierre Malandain)
Référence : Drujon, Les livres à clef, col. 633
Très bel exemplaire de ce titre rare en maroquin de l'époque, condition rare et désirable.
Prix : 4.500 euros
mardi 20 août 2024
Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone]. La Paysane pervertie, ou les Dangers de la ville ; Histoire d'Ursule R**, Soeur d'Edmond, le Paysan, mise au jour d'après les véritables Lettres des Personnages. Avec huit figures. A Paris, Chez la Veuve Duchesne, Libraire, 1818 [i.e. 1786]. Exemplaire provenant de la bibliothèque de Maurice Garçon. Bel exemplaire d'une édition rare avec les très rares titres de remise en vente à la date de 1818, et de belle provenance.
Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone]
La Paysane pervertie, ou les Dangers de la ville ; Histoire d'Ursule R**, Soeur d'Edmond, le Paysan, mise au jour d'après les véritables Lettres des Personnages. Avec huit figures.
A Paris, Chez la Veuve Duchesne, Libraire, 1818 [i.e. 1786]
8 parties reliées en 2 volumes in-12 (18 x 12 cm) de 211 pages (les 2 dernières mal foliotées : 110 et 111) ; 203, 203 et 223 pages. Avec 8 figures-frontispices à l'eau-forte, d'après les 8 frontispices de l'édition de Paris de 1784.
Reliure demi-maroquin rouge à larges coins, dos à nerfs richement orné aux petits fers dorés, têtes dorées, filets dorés sur les plats et coins, doublures et gardes de papier marbré, relié sur brochure (ébarbé mais non rogné). Reliure exécutée vers 1860-1880. Très bon état, un coin choqué et affaibli (sans gravité). Légères marques d'empoussiérages aux reliures qui restent fraîches, solides et décoratives. Intérieur très frais.
Rives-Childs décrit longuement cette édition comme étant une contrefaçon qui n'est pas imprimée avec les mêmes caractères que l'édition du Paysan perverti, publiée sous la rubrique d'Amsterdam, 1776, mais qui s'y trouve ordinairement réunie. C'est probablement de cette contrefaçon que Restif se plaignait quand il écrivait : "Il y a deux ans, je fis paraître un ouvrage, qui m'avait coûté 24 milles livres. Je le vendis à un libraire honnête : la Dame Duchesne. Le livre était cher, la vente allait, mais lentement. Cependant, l'instant du profit approchait lorsqu'un brigand étranger adresse à un brigand de Paris une mauvaise contrefaçon."
Paul Lacroix ne dit rien de plus de cette édition si ce n'est que les frontispices copiées sur ceux de l'édition originale de 1784 ont été grossièrement gravés.
Ce que ne dit aucun bibliographe, c'est qu'il existe des exemplaires de cette contrefaçon de 1786 portant un nouveau titre refait à la même adresse de la Veuve Duchesne mais portant la date de 1818, date de la remise en vente des exemplaires invendus. Combien d'exemplaires ont ainsi été remis en vente avec de nouveaux titres portant la date de 1818, nous l'ignorons, mais vraisemblement très peu, ou alors finalement très peu ont été vendus sous ces titres, ce qui fait qu'aujourd'hui, cette sorte d'exemplaires ne se trouve pour ainsi dire pas.
Une autre particularité de cette édition de 1786 est que la page 35 de la VIIe partie est restée vierge d'impression, mais le texte se suit entre les pages 34 et 36 (nous avons pu vérifier ce même défaut d'imposition des pages lors de l'impression sur d'autres exemplaires).
Compte tenu des ornements et filets de séparation des lettres qui se trouvent dans cette impression, nous pensons qu'il s'agit d'une impression suisse (Genève, Neuchâtel ou Lausanne) qui ressemble en plusieurs points (ornements et caractères) à des éditions pirates des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos (1788 et avant) et aussi à une édition de Rétif (Le Nouvel Abeilard ou Lettres de deux amans qui ne se sont jamais vus. En Suisse, Chez les Libraire associés, 1779). Nous ne pensons pas que cette contrefaçon soit hollandaise.
Le relieur des années 1860-1880 a indiqué par erreur que l'édition était celle de 1785 (tout en indiquant également la date de 1818). C'est donc 1786 qu'il aurait fallu doré en queue des dos (voir photos).
Ouvrage composé en 30 jours par Rétif, dans le mois de septembre 1780, pour servir de suite et de complément à son Paysan perverti paru en 1776, la Paysane pervertie connut quelques déboires avec la censure qui ne lui permit pas de voir le jour avant 1784. "C'est l'ouvrage de prédilection de l'auteur qui a beaucoup plus pensé que le Paysan perverti" (Revue des ouvrages, p. ccxxxivj). La censure exigea que les titres fussent changés. De Paysane pervertie elle devient "Dangers de la ville" seulement (de nouveaux titres et faux-titres recollés sur les premiers émis). Rétif trembla tout 1785 de voir encore sa Paysane suspendue à chaque instant. Les exemplaires s'écoulèrent cependant. Aucune autre édition de la Paysane ne vit le jour (seules 2 contrefaçons circulèrent entre 1785 et 1786).
"La Paysane approfondit les caractères qui n'étaient qu'esquissés dans le Paysan : Fanchon, Pierre, Gaudet d'Arras surtout, y sont parfaitement achevés [...] Ces deux ouvrages, qui n'en sont réellement qu'un seul, sont peut-être la plus utile production qu'on ait mise au jour depuis le commencement du siècle." (Rétif de la Bretonne, Mes ouvrages, p. 34-35).
"Je n'ai jamais rencontré une nature aussi violemment sensuelle. Il est impossible de ne pas s'intéresser à la variété des personnages, des femmes surtout, qu'on voit passer sous ses yeux, et à ces nombreux tableaux caractéristiques qui peignent d'une manière si vivante les mœurs et les allures des Français de la classe populaire. Pour moi qui ai eu si peu l'occasion de penser au-dehors et d'étudier les hommes dans la vie réelle, cette oeuvre a une valeur inappréciable." (Schiller).
"Jamais écrivain ne posséda peut-être à un aussi haut degré que Rétif les qualités précieuses de l'imagination. " (Gérard de Nerval).
Références : Lacroix, 232 ; Rives-Childs, 293
Provenance : exemplaire provenant de la bibliothèque de Maurice Garçon (1889-1967), célèbre avocat ayant notamment gagné les procès de Jean-Jacques Pauvert et d'autres personnalités du monde du livre et défendu ainsi les libertés d'expression contre la censure aveugle. Maurice Garçon fut un grand bibliophile et avait notamment une belle collection de livres sur la sorcellerie et les sciences occultes. Avec son ex libris contrecollé au verso du premier plat de chaque volume. Un autre ex libris non identifié (voir photo).
Bel exemplaire d'une édition rare avec les très rares titres de remise en vente à la date de 1818, et de belle provenance.
Prix : 2.200 euros