lundi 20 novembre 2023

Monsieur le Chevalier de Méré (Antoine Gombaud). Discours : Les Agréments - De la Justesse - De la Conversation - De L'Esprit. Rare contrefaçon à la date de 1678. Bel exemplaire conservé dans sa première reliure.


Chevalier de Méré [i.e. Antoine Gombaud, dit le « chevalier de Méré »]

Les Agrémens. Discours de Monsieur le Chevalier de Meré à Madame * * *.

A Paris, chez Denys Thierry et Claude Barbin, 1678 [Hollande ? Rouen ?]

(2)-92 pages

suivi de : 

De la Justesse. Discours de Monsieur le Chevalier de Meré à Madame * * *.

A Paris, chez Denys Thierry et Claude Barbin, 1678 [Hollande ? Rouen ?]

1 feuillet de titre puis paginé de 93 à 128.

suivi de : 

De la Conversation. Discours de Monsieur le Chevalier de Meré à Madame * * *.

A Paris, chez Denys Thierry et Claude Barbin, 1678 [Hollande ? Rouen ?]

1 feuillet de titre puis paginé de 129 à 196.

suivi de : 

De l'Esprit. Discours de Monsieur le Chevalier de Meré à Madame * * *.

A Paris, chez Denys Thierry et Claude Barbin, 1678 [Hollande ? Rouen ?]

1 feuillet de titre puis paginé de 197 à 276.









Soit 4 textes réunis en un seul volume avec pagination continue et page de titre distincte pour chacun. Collationné complet.

Reliure pleine basane brune granitée de l'époque, dos à nerfs orné aux petits fers dorés, tranches mouchetées de rouge. Infimes marques à la reliure qui est solide et déorative. Petite réparation à la coiffe supérieure (latéral droit). Intérieur frais.

Probable réémission avec le titre à la date de 1678 de la contrefaçon hollandaise (ou française) en petits caractères de 1677.








Issu de la petite noblesse peu fortunée de province (angoumois), Antoine Gombaud (1607 ? -1684 ou 1685) a été assez peu étudié des biographes du Grand Siècle pour que sa vie reste en grand partie mystérieuse et embrouillée. Méré, arrivé à Paris, devient une sorte d'arbitre du bon goût et du bon ton. Son style précieux, ses relations à la cour, l'amènent à devenir l'intime de plusieurs beaux esprits de son temps (Pascal, Balzac, Ménage, la maréchale de Clérambault, etc.). Il aurait participé à l'éducation de la jeune fille qui deviendra Mme de Maintenon. Devenu vieux et obligé de fuir devant les créanciers (selon Michaud dans sa Biographie Universelle) il va finir ses jours dans son domaine du Poitou où il meurt en janvier 1685 ?. "C'était un homme de beaucoup d'esprit, qui avait fait des livres qui ne lui faisaient pas beaucoup d'honneur" (Mémoires de Dangeau). Michaud, lui, cite Dreux du Radier qui indique qu'on lui attribue des Réflexions, Sentences et Réflexions morales et politiques (Paris, 1687, in-12). On confond parfois (même souvent) Antoine Gombaud, dit le « chevalier de Méré » avec un certain Georges Brossin Chevalier de Méré. Qu'en est-il vraiment ?

Ce même Chevalier de Méré est connu pour son « pari » avec Pascal. C’est son talent de joueur aux cartes qui l’amena à poser les probabilités de gains sous cette question : « Ai-je plus de chance d'obtenir au moins un six sur quatre lancers de un dé ou au moins un double six sur vingt quatre lancers d'une paire de dés ? ».

Ses ouvrages montrent un penchant constant vers la maxime précieuse. Toutes ses expressions, très étudiées, très fabriquées, dénotent un esprit brillant mais néanmoins souvent prétentieux. Il y a dans ses productions comme une envie de régler le monde, le goût, la conversation, les moeurs de tout le monde. Monsieur Ménage disait de lui : « M. de Méré est un des hommes de Paris le plus à la mode ; sa vertu, sa valeur, sa science, sa bonne mine, sa naissance, et encore plus que tout cela les qualités de son esprit et la douceur de sa conversation le font rechercher de tout le monde. » Sorbière en faisait grand cas. » Quelques années après sa mort, Vigneul-Marville écrivait : « M. de Méré était un homme à réflexion ; il avait une grande abondance de pensées et pensait bien. Mais il faut avouer aussi qu’à force d’avoir voulu polir son style il l’a exténué ; qu’il est quelquesfois guindé et peu naturel. » Mme de Sévigné, parait toutefois avoir échappé à l’engouement universel. « Corbinelli, dit-elle, abandonne le Chevalier de Méré et son chien de style , et la ridicule critique qu’il fait, en collet monté, d’un esprit libre, badin et charmant comme Voiture. (…) Ces productions sont loin d'être absolument sans mérite. A travers une recherche d'expressions un peu trop nrécienses, on distingue le souci du style, de l'élégance, de la pureté. Le chevalier de Mère est tout à fait un écrivain, dit M. Sainte-Beuve, son style a de la manière ; mais entre les styles maniérés d'abord, c'est un des plus distingués, des plus marqués au coin de la propriété et de la justesse des termes. » (P. Larousse, GDU, XI, 72, col. 2-3.)

Le volume de Discours que nous avons a été publié pour la première fois l'année précédente (1677), avec une pagination identique. Il contient quatre discours publiés initialement séparément à savoir : Des Agréments, De la Justesse (paru séparément en 1671), De la Conversation et De l'Esprit. 

Bien que publié sous l'adresse parisienne de Denys Thierry et Claude Barbin, ce petit volume ne contient aucun privilège royal. Ce qui laisse supposer une contrefaçon sans doute hollandaise. Le Privilège pour le Discours des Agrémens uniquement est daté du 17 novembre 1676 est bien présent dans l'édition de 1677 en 152 pages. 

Il est fort probable que notre édition datée 1678 soit une remise en vente de la contrefaçon hollandaise faite l'année précédente (1677), sans doute en Hollande. Seule la page de titre aurait été changée. L'impression est en petits caractères. Cependant, compte tenu de la signature des cahiers (qui n'est pas celle des impressions hollandaises avec réclames au bas de chaque page), il se pourrait très bien qu'il s'agisse d'une contrefeçon produite en France, à Rouen, à Lyon ou encore ailleurs. Quoi qu'il en  soit la multiplicité des éditions des ouvrages du Chevalier de Méré montre bien le succès qu'il pouvait avoir alors dans les cercles précieux à la cour de France et au-delà.

"On peut encore observer qu'il y a deux sortes de galanterie. L'une vient purement de l'esprit et de l'honnêteté, c'est la moins commune, la plus excellente et celle qui plait toujours aux gens qui s'y connaissent. L'autre parait dans les habits, dans les modes, dans les bals, dans les carroussels, dans les courses de bague, et dans les aventures d'amour et de guerre. Les jeunes personnes qui n'ont pas encore de goût, aiment bien cette galanterie, qui n'est pas difficile et qu'on peut acquérir sans être fort honnête homme. Ces deux manières de galanterie subsistent séparément, et plaisent plus ou moins, selon le tempérament de ceux qui les considèrent ; mais quand elles sont ensemble, elles se donnent si bon air l'une à l'autre qu'on ne voit rien de plus agréable." (extrait du Discours des Agréments)

"Mais serait-il possible que dans une Cour si grande, si brillante et si magnifique, au milieu de tant de parure et d'éclat, parmi tant d'hommes bien faits et de belles femmes, qui ne songeaient tous qu'à plaire ; serait-il possible, dis-je, qu'il n'y eut pas la moindre étincelle de cet esprit que vous aimez, et qui vous rend aimable ? Cela d'abord parait bien étrange. Cependant à le considérer de plus près, il ne s'en faut pas étonner? Car il me semble qu'on est plus ébloui qu'on est éclairé de l'éclat et du faste. Les plus honnêtes gens veulent que tout soit propre, que tout soit agréable et commode ; mais ils se passent des choses de montre, et qui ne sont bonnes quà jeter de la poudre aux yeux. Ce n'est pas dans la frande parure que se trouvent les meilleurs entretiens, et les personnes qui se font tant remarquer par leurs habits, ne brillent pas pour l'ordinaire en leurs discours." (extrait du Discours de l'Esprit)


Provenance : de la bibliothèque de "De Paÿs d'Alissac" (XVIIe siècle) avec sa signature autographe sur le premier titre ; de la bibliothèque de Paul Langeard, 1936 (ex libris typographié au contreplat). Paul Langeard était chartiste et bibliophile. Il a été le bibliothécaire du grand bibliophile Marcel Jeanson. Il meurt en 1965 à l'âge de 72 ans (né en 1893). La première et plus ancienne provenance : De Pays d'Alissac fait sans doute référence à un membre de cette noble famille originaire de Valréas en pays de Vaucluse (depuis au moins le XVIe siècle).

Toutes les éditions anciennes des ouvrages du Chevalier de Méré sont rares, qui plus est comme ici en bonne condition d'époque.

Intéressantes provenances.

Prix : 2.000 euros