Les trois villes. LOURDES, par Emile Zola.
Paris, Bibliothèque-Charpentier, 1894 [Imprimeries réunies, rue Mignon, 2, Paris]
(4)-598 pages. Portrait de l'auteur ajuté en frontispice (pointe sèche par Albert Duvivier).
Un des 340 exemplaires sur papier de Hollande.
Edition originale.
Relié à la suite :
A propos de Lourdes par Emile Zola.
Lyon, Société des Amis des Lives, 1894 [achevé d'imprimer le 2 octobre 1894 par Alphonse Lemerre à Paris]
(4)-25-(3) pages.
Un des 41 exemplaires numérotés (celui-ci sur papier vélin teinté il porte le n°6).
Edition originale.
Reliure à la bradel demi-maroquin anthracite à larges coins, tête dorée, dos mosaïqué d'une gerbe de lys ouverts et fermés poussant au pied d'une croix. Exemplaire non rogné, les deux plats de couverture imprimée jaune ont été conservés en bon état (le dos du brochage n'a pas été conservé). Concernant l'opuscule "A propos de Lourdes" qui est relié à la suite, les deux plats de couverture imprimées ont été conservés en bon état (le dos du brochage n'a pas été conservée). Reliure strictement de l'époque signée CH. MEUNIER. Les plats du volumes sont légèrement frottés. Légère décharge sur la page de titre et feuillets faisant face aux couvertures jaunes brunis (modérément) comme à l'habitude (acidité des couvertures). Etui bordé parfaitement conservé.
Le 19 juin 1893 paraît le dernier titre de la série des 20 volumes des Rougon-Macquart : Le Docteur Pascal. Zola en a fini avec cet immense saga sociale et morale qui tient lieu désormais de pierre angulaire de l'école naturaliste. Mais Zola avait déjà en tête une autre suite de romans. Ce sera "Les Trois Villes : Lourdes - Rome - Paris". Lourdes paraît le 25 juillet 1894 après avoir été publié en feuilleton dans le Gil Blas. Un voyage dans les Pyrénées avait conduit Zola à Lourdes en 1891, où il avait observé effaré « un monde de croyants hallucinés ».
Il annonce son projet sur la ville miraculeuse en juillet 1892, dans le journal le Gil Blas, « sans intention malveillante ».
Sous la conduite du baron Malet et sous celle de M. de Lacvivier, le 25 août 1892, Zola visita la Grotte, le magasin des cierges, le bureau des envois de l’eau de Lourdes, puis le rosaire, la Crypte et la Basilique. Ces deux notables inspirèrent le personnage du baron Suire dans Lourdes. Zola livre au lecteur une vision laîque du pélerinage de Lourdes. Sous la forme du roman c'est un véritable documentaire que nous livre l'auteur de l'Assommoir et de Germinal sur un monde religieux, mystique, à la limite de la frénésie extatique. Les réactions à la publication de Lourdes sont immédiates, la polémique lancée par Mgr Ricard est reprise et alimentée par la droite catholique.
Elle aboutit à la mise à l'Index du roman et de toute l'œuvre d'Émile Zola. Léon Bloy publie, comme à son habitude, contre celui qu'il dénommera ouvertement "Le crétin des Pyrénées".
Léon Bloy écrit : "Lourdes, sujet religieux, est le grand estuaire et les autres bras n’ont plus l’air de rien. Il ne fallait pas moins que les Pyrénées pour lancer sur nous ce torrent de rinçures philosophiques et humanitaires :
« La foi aveugle, — l’obéissance sans examen, — le total abandon de la raison, — la foi qui étouffe le torturant besoin de la vérité, — les phénomènes prouvés qui démolissent les dogmes, — la dévotion étroite, — le miracle par suggestion, — la volonté de croire, — la tristesse de ne plus croire, — la divine ignorance, — la dévorante illusion de l’amour divin, — les exagérations !!! — le bonheur par la foi qui est dans l’ignorance et le mensonge, — les prêtres qui ne sont plus des hommes, — les prêtres châtrés, — le suicide volontaire, la vie libre et virile du dehors » ; etc., etc., etc.
Je vous dis qu’il n’en a pas raté un seul. Tout ce qui se débagoule de plus médiocre, de plus bête, de plus ignare, de plus malpropre chez les commis-voyageurs ou dans les bas feuilletons anticléricaux rédigés pour des cordonniers impies ; tous les résidus des vieilles opinions fétides, vomies autrefois par les renégats eux-mêmes, goulûment réavalées par des cuistres abominables et revomies à longs flots dans la gueule des derniers chiens du Matérialisme ; — M. Zola les a recueillis comme de très-précieux condiments et les a jetés à brassées dans son chaudron." (in Je m'accuse)
Mais Lourdes est un succès de librairie. Les mille s'enchaînent aux milles et sur le catalogue de l'éditeur Fasquelle (successeur de Charpentier) en 1902, à la mort de Zola, on peut lire que Lourdes en est à son 154e mille (202e mille en 1928).
A Lourdes Zola est saisi par le spectacle de cette "cité mystique" née de la vision d'une enfant de 14 ans (Bernadette Soubirou) en plein siècle positiviste. Il voit là un "admirable sujet" pour lequel il s'enthousiasme. De retour à Lourdes l'année suivante, il s'est documenté longuement, curieux de tout, reçu partout. Il en a rapporté un témoignage incomparable sur le pèlerinage, les malades, les foules ferventes, les intérêts affrontés autour de la Grotte, qu'il a transposé en un grand roman de la douleur et de l'espérance humaines. Il a fait aussi de Lourdes un symbole éternel, celui de l'humanité souffrante assoiffée de miracle, et le théâtre d'un grand drame idéologique moderne, la lutte de l'esprit de croyance et de l'esprit de raison.
Si Lourdes n'est plus un Rougon-Macquart et a é été de ce fait injustement délaissé depuis, malgré un immense succès à l'époque, il reste le témoignage de l'engagement permanent de Zola au service de l'observation de l'homme et de sa nature profonde au sein d'une société mouvante.
A propos de Lourdes, ce rare petit opuscule publié à très petit nombre, a été publié quelques mois après la sortie du roman. Zola y répond brièvement aux critiques les plus sévères qu'il a reçu.
Provenance : ex libris F. Van Antwerpen. Ce bibliophile d'origine flamande possédait une belle bibliothèque remplie des meilleurs ouvrages classiques de la littérature française contemporaine (Flaubert, Dumas, Zola, etc) dans des reliures de qualité. F. Van Antwerpen possédait au moins deux ex libris gravé. Celui présent dans notre exemplaire montre un homme fort au premier plan et une joueuse de lyre nue chevauchant un poisson géant au second plan.
Superbe exemplaire relié à l'époque par Charles Meunier de la plus jolie façon qui soit. Les éléments mosaïqués au dos (lys et croix jaillissant en queue du dos) en font une des plus intéressantes reliures parlantes pour ce titre.
Relié à l'époque avec le rare opuscule tiré à 41 exemplaires intitulé "A propos de Lourdes".
Condition la plus désirable pour ce titre.