mercredi 2 octobre 2019

Roger de Rabutin comte de Bussy dit Bussy-Rabutin. Les Mémoires (1697). Discours à ses enfants (1697). 2 vol. Superbe exemplaire de cette édition contrefaite en Hollande l'année suivant l'édition originale de Paris.


Roger de Rabutin, Comte de Bussy, dit Bussy-Rabutin.

Les mémoires de messire Roger de Rabutin comte de Bussy, Lieutenant Général des Armées du Roy, et Mestre de Camp Général de la Cavalerie légère.

A Paris, chez Jean Anisson, directeur de l'Imprimerie Royale, 1697 [i. e. Amsterdam ou La Haye]

2 volumes in-12 (16,2 x 10,5 cm) de (4)-489-(25) et (2)-427-(21)-164 pages. Portrait de l'auteur en frontispice.

Reliure de l'époque plein veau brun granité, dos à nerfs richement orné aux petits fers dorés, tranches mouchetées. Reliure probablement hollandaise de très bonne facture et très bien conservée (proche de son état d'origine à la sortie de chez le relieur de l'époque). Intérieur très frais, sans rousseurs. A noter cependant quelques cernes de mouillure ancienne à la fin du premier volume (sans aucune incidence sur le papier). Petite tache au portrait (dans l'écharpe - voir photo).

Nouvelle édition (clandestine).



Les Mémoires de Bussy-Rabutin ont paru pour la première fois en 1696 en 2 volumes in-4 et 3 volumes in-12. Aussitôt parus en France, ces Mémoires, connaissant un très grand succès, ont été publiés clandestinement à l'étranger (Hollande) sortant probablement des presses d'un imprimeur de La Haye ou d'Amsterdam (notre édition). Cette édition porte en effet les marques typiques d'une impression hollandaise (réclame à chaque page). Par ailleurs on trouve à la fin du deuxième volume un autre ouvrage de Bussy, à savoir son Discours à ses enfants (sous le titre : L'Usage des Adversités, ou l'Histoire de(s) plus illustres favoris contenant un Discours du comte de Bussy Rabutin à ses enfants sur les divers événements de sa vie), paginé séparément et portant sur le titre la mention "Sur l'imprimé A Paris" qui indique une contrefaçon faite sur l'édition originale de Paris (Jean Anisson). Ce dernier texte avait paru pour la première fois à Paris en juin 1694.



Dans ces Mémoires essentiellement militaires on trouve le ton et la faconde de Bussy-Rabutin dans de nombreuses pages. Il y décrit sa vie depuis sa naissance en 1618 jusqu'à son exil en 1666. On y trouve aussi quelques lettres intéressantes dont celles de la marquises de Sévigné sa cousine, ou adressées à elles. Le second volume contient les Maximes d'Amour (pp. 242 à 302). En 1653, honoré d'une belle carrière militaire, bien en cour, Bussy est reçu à l'Académie Française ; c'est durant cette période que la première partie de son Histoire amoureuse des Gaules, dont il avait, sous le sceau du secret, confié le manuscrit à Mme de la Baume, commença à faire du bruit en circulant de mains en mains à la cour. Dans cet ouvrage, la conduite scandaleuse de quelques femmes de l'entourage proche du jeune Louis XIV est révélée sans ménagement et sans pudeur ; les plaintes vinrent de tous côtés ; ces histoires étaient pourtant bien connues à la cour (Bussy dira de ce roman, qu'il n'a rien inventé) ; il fût fortement soupçonné d'avoir fait entrer le roi dans son roman. Pour cela il fut embastillé, et pour s'en sortir, il se démit de ses charges ; se soumettant de plus à écrire des excuses auprès des personnes diffamées dans son livre. Exilé dans ses terres de Bourgogne (château de Bussy-Rabutin), il ne supporta pas cette disgrâce avec le courage dont il avait tant de fois fait preuve à la guerre. Il ne cessa de solliciter la grâce du Roi pour son retour à la cour, dans un grand nombre de lettres du style le plus servile, et remplies des sentiments d'une adoration basse. Son exil dura 17 ans. Bussy put revenir en 1682 à la cour mais le Roi ne l'honora pas même d'un regard, il retourna alors dans sa terre bourguignonne, où il acheva sa carrière dans la culture des lettres et dans les exercices de la dévotion. Il décédera à Autun d'une apoplexie le 9 avril 1693, il était âgé de 75 ans. Bussy eut une jeunesse assez dissipée, comme toute la jeunesse dorée de son temps, ni plus ni moins. Il faisait grand cas de sa personne, et cela lui attira des ennemi(e)s durant toute sa vie. Sa cousine, la marquise de Sévigné (née Rabutin-Chantal), ne fut pas épargnée par ses sarcasmes. De celle-ci il donnera dans l'Histoire amoureuse des Gaules un portrait physique au vitriol et un portrait moral non moins bassement répugnant : il écrira d'elle qu'elle ne fut amie que jusqu'à la bourse (ce qui était somme toute vrai). Cousin cousine finirent par se réconcilier non sans peine. Le Discours adressé à ses enfants, après avoir passé en revue quelques illustres malheureux (Saint-Louis, le roi Jean, le Maréchal de Bassompierre, Enguerrand de Marigny, Boëce, Bélisaire, David, Le Maréchal de Gyé, Philippe de Comines, François premier, Samblançay, Le Duc de Bellegarde, La Chastre), consacre une bonne part à l'histoire malheureuse de l'auteur lui-même (de la page 169 à 454), se hissant ainsi orgueilleusement au même niveau que ces grands personnages de l'Histoire. Le véritable destinataire du Discours est en réalité le roi Louis XIV lui-même, comme Bussy le dit au père Bouhours "C'est pour le Roi uniquement, et pour madame de Maintenon, vous et le père de la Chaise." Bussy-Rabutin ne désespéra jamais de pouvoir rentrer à nouveau en grâce aux yeux de Louis XIV. Bussy-Rabutin de conclure son Discours : "Il n'y a rien de plus malheureux que le bonheur des gens qui vivent au gré de leurs passions." On peinerait à lui donner tort ...



Provenance : ex libris du XVIIIe siècle non identifié réalisé au pochoir sur les titres (initiales E. L. v. G. P.) surmonté d'un couronne princière. Sans doute un membre d'une noble famille hollandaise.



Très bel exemplaire de cette jolie édition clandestine. Rare dans cette condition.

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