La Bourdonnais (Louis Charles Mahé de) et Méry (Joseph).
Le Palamède, revue mensuelle des échecs, par MM. de la Bourdonnais et Méry. Tome premier [second].
Paris, Au Bureau de la Revue, chez MM. Chatet et Causette, libraires [Paris, de l'imprimerie de Dezauche]
2 tomes reliés en 1 volume in-8 (23,7 x 15,3 cm) de 463 et 208 pages. Collationné complet pour les deux premières années présentes dans ce volume.
Reliure de l'époque demi-basane verte, dos orné à froid, filet dorés. Usures aux coiffes avec légers manques, un mors fendu dans la partie inférieure du plat supérieur, une épidermure le long du dos, éraflures, coins frottés. Reliure à restaurer qui reste néanmoins solide et décorative. Intérieur frais imprimé sur papier vélin fin. Quelques rousseurs mais très frais dans l'ensemble.
Première et deuxième année de cette célèbre revue échiquéenne.
Cette revue (tirée à petit nombre - on a compté au mieux environ 300 abonnés à cette revue) a connu une publication chaotique du fait du décès de son principal collaborateur et fondateur M. de La Bourdonnais (mort en décembre 1840 à Londres). En 1836, des passionnés du Café de la Régence, place du Théâtre-Français (actuellement place André-Malraux) à Paris, réunis autour de Charles de la Bourdonnaisn, décident de créer un magazine où vont être retranscrites, sur le papier, les beautés qu'ils voient sur l'échiquier. Le Français, reconnu comme le meilleur joueur du monde depuis sa victoire contre le Londonien Alexander McDonnell en 1834, a l'intuition du formidable essor que va connaître le jeu. En effet, une quinzaine d'années plus tard, le premier tournoi international a lieu à Londres, puis c'est la généralisation du contrôle du temps de réflexion avec les premières pendules d'échecs, enfin, en 1886, a lieu le premier championnat du monde entre Wilhelm Steinitz et Johannes Zukertort. La mort prématurée de La Bourdonnais, en 1840, interrompt durant deux ans la parution du Palamède, avant qu'il soit relancé par Pierre Saint-Amant, son successeur dans la suprématie au Café de la Régence. Le magazine vivra encore cinq ans, approchant les 300 abonnés, avant de s'éteindre en 1847.
Ces deux premières années sont d'une insigne rareté.
Outre la retranscription de célèbres parties complètes disputées par les meilleurs joueurs de l'époque illustrées de nombreux diagrammes, on y trouve d'intéressants articles de quelques pages sur l'histoire du jeu d'échecs, les personnalités du monde des échecs (Philidor, etc). Par ailleur on trouve après la page 200 du premier tome une longue poésie échiquéenne par Méry intitulée "Une revanche de Waterloo", poème héroï-comique, en 19 pages, publiée à Paris, au Club des Panoramas, sous la date de 1836 et possédant sa propre page de titre.
Provenance : de la bibliothèque de l'orientaliste, secrétaire interprète pour les langues orientales, Pierre Amédée Jaubert (1779-1847), accompagnateur de Napoléon durant la campagne d'Egypte. Joueur d'échecs lui-même, comme l'était Napoléon Premier, il joua avec lui et lui servit d'interprète lorsque Napoléon joua avec différentes personnes étrangères. "En Egypte, Napoléon jouait aux échecs avec M. Poussielgue, ordonnateur de l'armée d'Orient, ou avec M. Amédée Jaubert. M, Poussielgue était d'une force supérieure, et il battait quelquefois le vainqueur des Pyramides." (Méry). "Pendant la campagne de Pologne, l'ambassadeur persan fut introduit devant l'empereur ; une partie d'échecs était engagée avec Berthier. Napoléon ne se dérangea point et donna audience; M. Amédée Jaubert servait d'interprète. Tout eu poussant ses pièces, l'empereur fit beaucoup de questions à l'ambassadeur sur la Perse, sur l'Orient, sur l'organisation militaire et civile de ces pays. Le Persan, habile diplomate, vantait la Perse et ne tarissait pas d'éloges emphatiques sur la cavalerie d'Ispahan. Napoléon l'interrompait quelquefois, mais l'ambassadeur revenait encore à la charge avec sa cavalerie persanne, qu'il mettait au-dessus de toutes les cavaleries de l'univers. L'empereur se détourna en sursaut de l'échiquier, et s'adressant à M. Amédée Jaubert : « Dites-lui que demain je lui montrerai un peu de cavalerie. » L'audience finit là. Tout en continuant sa partie, Napoléon donna des ordres pour rallier autour de son quartier-général les corps disséminés dans les cantonnements voisins. Il les avait sous la main, comme les cavaliers de son jeu, et le lendemain l'ambassadeur vit défiler quarante mille hommes à cheval, comme il n'en avait jamais vu à Ispahan, cavalerie puissante que Paris ne devait plus revoir : elle allait à Moscou !" (Méry). Ce texte extrait de "Napoléon joueur d'échecs" a paru dans Le Palamède de 1836 (première année de cette revue - que nous proposons). Avec son Ex libris Petri Amadei Jaubert [Pierre Amédée Jaubert] (cachet à l'encre rouge apposé sur le premier faux-titre).
Émouvant exemplaire ayant appartenu à celui qui joua aux échecs avec Napoléon Ier.
Prix : 1.950 euros