lundi 10 septembre 2018

De La Chapelle. Le Ventriloque ou l'Engastrimythe (1772). Edition originale rare et premier ouvrage sur le sujet. Bon exemplaire.


Jean-Baptiste De la Chapelle

Le Ventriloque, ou l'Engastrimythe ; Par M. De La Chapelle, censeur royal à Paris, de l'Académie de Lyon, de celle de Rouen, & de la Société Royale de Londres.

A Londres, chez de l'Etanville, en France (Paris) chez la Veuve Duchesne, 1772

2 parties en 1 fort volume in-12 (17 x 11 cm) de XXIII-(1)-572 pages (pagination continue).

Reliure demi-veau à coins de la première moitié du XIXe siècle. Reliure légèrement frottée, la pièce de titre manque, tranches rouges. Intérieur très frais. Rare rousseurs.


Edition originale rare du premier livre sur la ventriloquie.

"Ouvrage curieux, et le plus complet que nous ayons sur cette matière" (Quérard IV, 361). On trouve également dans ce volume (pp. 27-30 ) une lettre de M d'Artus capitaine au corps du génie, sur les exercices du scaphandre (du 7 septembre 1770) (expérience menée à l'aide d'un scaphandre inventé et fabriqué d'après les plans de M. de la Chapelle et testé en août 1770 dans les eaux du Rhin - il publiera un ouvrage sur le sujet en 1774). 


"Les ventriloques sont ainsi nommés parce qu'ils paraissent faire sortir leurs paroles du fond de leur ventre. Cet art est dû à un jeu particulier des muscles du gosier, jeu qu'on peut acquérir par un exercice constant et soutenu ; mais les sons des ventriloques s'articulant dans l'arrière-bouche, pourquoi n'y rapporte-t-on pas à la voix, comme on le fait ordinairement à la bouche intérieure ? Cela vient, dit l'auteur de ce Traité, de nos jugements d'habitude, il n'y a que l'expérience qui nous apprenne à juger par les yeux, de la distance des objets ; nous apprenons de même à en juger par les sons. Toutes les fois que l'air sera modifié de près, comme il l'est, pour produire les sons que l'expérience nous a appris venir de loin, nous en rapporterons le bruit à la même distance, et dans la même direction, quand ils ne partiraient qu'à deux pouces de nos oreilles ; c'est là un principe d'expérience et d'observation. La voix du ventriloque est basse, grêle, peu nourrie, prolongée et comme expirante ; voilà bien les caractères d'une voix faible qui vient de loin ; on doit donc lui attribuer cette qualité, jusqu'à ce que l'expérience ait appris à corriger ce jugement. [...]" (extrait de l'Esprit des Journaux, septembre 1772)


L'auteur insiste sur l'effet de dissimulation du ventriloque à l'égard de son auditoire et souligne que cet Art peut être source d'un dangereux manège et propre aux supercheries qu'il faut dénoncer, "c'est une des principales raisons qui m'ont déterminé à écrire sur ce sujet" écrit-il. "Le monde une fois bien instruit et bien prévenu que cette cause d'illusion existe et comment elle existe, n'aura plus à en redouter les effets."


La science moderne explique désormais cet artifice spectaculaire. Un ventriloque est un illusionniste qui utilise ses cordes vocales et non son ventre pour prêter la parole à un autre personnage, généralement une marionnette, en émettant les paroles sans bouger les lèvres. C'est bien là, la difficulté : les labiales (B, P, M) et les fricatives (F, V) ne peuvent pas être articulées. C'est à force d'entraînement que l'articulation du langage pourra être crédible. Les muscles du visage restant parfaitement immobiles, comme si le ventriloque ne faisait qu'écouter sa marionnette, le public a l'impression que la voix vient de plus loin, d'où le nom ventriloque. Au-delà du don naturel de nombreux ventriloques, il est indéniable qu'un long entraînement dans la maitrise des muscles faciaux, de la langue et des cordes vocales soit nécessaire. Cette discipline nécessite également un grand travail de coordination afin de donner l'illusion de la vie à la marionnette tout en gardant sa propre attitude sur scène. Selon Jean-Eugène Robert-Houdin, qui en parle dans son autobiographie concernant Comte, la « ventriloquie est la science de l'engastrimysme ». L'abbé Jean-Baptiste de La Chapelle, mathématicien français (vers 1710-1792), donne le premier ouvrage en langue française concernant la ventriloquie, Le Ventriloque, ou l'engastrimythe. On crut pendant longtemps que les ventriloques parlaient du ventre gastronomique, ce qui les a fait désigner sous une foule de noms exprimant cette idée : engastriloques, engastrimandres, engastrimythes, engastromandres, gastriloques, sibilots, etc.


Bon exemplaire de cet ouvrage rare.

Prix : 950 euros