Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone]
Le Paysan et la Paysane pervertis ; ou les Dangers de la Ville ; Histoire récente, mise au jour d'après les véritables lettres des personnages. Par N-E. Rétif de la Bretone.
Imprimé à La Haie [Paris, Veuve Duchesne, imprimeur ?], 1784 (i.e. 1787)
16 parties reliées en 4 volumes in-12 (17 x 10 cm) de 542-(2), 536, 552 et 550-(2) pages.
Reliure ancienne (exécutée vers 1820) demi-basane blonde, pièces de titre de maroquin rouge, pièce de tomaison bleu nuit, tranches rouges. Reliure légèrement frottées, coins usés, frottements sur les plats recouverts à l'époque de papier couleur moutarde de Dijon. Petit accroc à la coiffe supérieure et mors fendillé au troisième volume (sans conséquence sur la solidité du volume). Intérieur assez frais, avec quelques rousseurs sans gravité. Collationné complet. A la fin du premier volume se trouve relié une variante (carton) de l'Avant-Propos (13 et 14 bis). Exemplaire qui n'a jamais reçu les gravures annoncées, comme presque toujours (voir ci-dessous).
Edition originale rare.
"Cette édition du Paysan et de la Paysanne fondus ensemble est fort rare, écrit Paul Lacroix sans sa bibliographie des éditions anciennes de Rétif de la Bretonne, et ne se trouve presque jamais avec la suite complète des gravures (120 gravures annoncées et qu'on trouve plus souvent avec les exemplaires du Paysan de 1782 et de la Paysanne de 1784). Paul Lacroix poursuit : "On peut affirmer que, si l'édition ne fut pas contrefaite, elle ne se vendit pas, quoique Restif y eût ajouté 16 petites nouvelles plus ou moins inédites. Il fallut la mettre au vieux papier ou du moins la vendre à vil prix, sans gravures."
Cette édition nouvelle qui est donc en réalité un nouveau ouvrage, a été imprimée entre mars 1783 et juillet 1785 (et mise dans le commerce après approbation au commencement de l'année 1787) et non en 1784 comme l'indique les titres. Comme l'indique encore Paul Lacroix, les journalistes qui n'avaient pas refusé d'accorder des comptes-rendus plus ou moins élogieux au Paysan et même à la Paysanne, jugèrent inutile de s'occuper de la fusion des deux romans en un seul (alors qu'il s'agit d'un ouvrage presque entièrement nouveau). Paul Lacroix poursuit : "L'Année littéraire fut peut-être la seule feuille périodique dans laquelle l'édition collective de ces romans ait été examinées et vivement critiquées".
Lacroix écrit encore : "Restif était surtout blessé qu'on comparât son Paysan-Paysanne aux Liaisons dangereuses de Laclos, en donnant toujours la préférence à ce dernier ouvrage (une comparaison dont Rétif aurait pu s'enorgueillir si elle n'avait été à son désavantage) : Plusieurs personnes, dit Rétif, ont feint de regarde cet ouvrage comme défavorable aux moeurs et l'ont comparé aux Liaisons dangereuses ! Cette comparaison est fautive, sous tous les points de vue, soit que l'on considère le plan ou le fonds des deux ouvrages, soit qu'on fasse attention aux caractères, soit enfin qu'on examine le style. Par le plan et par le fonds, le Paysan perverti diffère essentiellement des Liaisons dangereuses. Quel est le plan, la marche et le fonds de ce dernier ouvrage ? Son plan est de décrire toute la méchanceté de deux roués dans les deux sexes : un Valmont et une Merteuil. Sa marche est de présenter le développement de la noirceur de ces deux vilaines âmes, noirceur à la mode et plus commune qu'on ne pense, quoiqu'elle ne soit pas générale. Son fonds est absolument les moeurs atroces des scélérats du grand monde, de ces honnêtes gens sans principes, qui commettent les plus grands crimes sans remords et presque sans plaisir. Le Paysan perverti, également utile et effrayant, présent le tableau intéressant d'un jeune homme et d'une jeune fille pleins d'innoncence et de candeur, qui viennent bonnement à la ville, de l'aveu de leurs parents, dans des vues honnêtes et légitimes, avec d'excellentes dispositions, et qui s'y perdent par la séduction que leur beauté, leurs qualités même semblent attirer sur le frère et la soeur. Ils deviennent scélérats et perdus. On voit, par leurs lettres, la progression du vice, d'abord imperceptible au fond de leurs coeurs, et ensuite plus développé ; enfin, d'autant plus effronté que leur éducation ne leur a point appris à l'amabiliser. Et tel est le livre qu'il fallait à nos provinces, pour effrayer les bons pères de famille et leurs enfants eux-mêmes."
"L'édition collective des deux chefs-d'oeuvre de Restif eut un censeur secret, nommé de Sanci, qui exigea mi grand nombre de cartons, et qui fit tout pour empêcher la publication de ces livres. Il est vrai vrai que Restif ne se montrait pas trop docile aux exigences des censeurs." (Lacroix)
"On peut regarder cette édition comme le spécimen le plus complet de son système d'orthographe, avec l'accentuation et la ponctuation, qui n'appartiennent qu'à lui seul" (Lacroix)
"A la fin du tome IV, de la page 449 à 327, l'auteur a imprimé quatre juvénales : la Parure, les Femmes , les Coquettes, les Catins."
Références : Paul Lacroix, XXXIII, pp. 251-257 ; Rives-Childs, XXXII, pp. 298-301
Bon exemplaire en reliure ancienne de cette édition rare dite "Paysan-Paysane" de l'ouvrage chéri par son auteur.
Prix : 2.500 euros