mercredi 10 mai 2023

Jules LAFORGUE. GEO A. DRAINS, illustrateur. LES COMPLAINTES. Cent vingt huit lithographies de Géo A. Drains. Aux Editions du Sagittaire, chez Simon Kra, Paris, s.d. (1923). Un des 425 exemplaires sur vélin teinté. Magnifique exemplaire relié à l'époque plein maroquin (J. Conte).


Jules LAFORGUE. GEO A. DRAINS, illustrateur.

LES COMPLAINTES. Cent vingt huit lithographies de Géo A. Drains.

Aux Editions du Sagittaire, chez Simon Kra, Paris, s.d. (1923)

1 volume in-4 (25,8 x 20,3 cm) de (10)-231-(8) pages. Frontispice en couleurs et 128 lithographies tirées en sanguine dans le texte.

Reliure de l'époque plein maroquin noir, dos lisse orné de filets dorés concentriques, tête dorée, non rogné, couvertures conservées, étui bordé de maroquin et doublé pleine peau caramel. Les contreplats et les gardes, ainsi que les plats de l'étui sont en papier peint couleur sang. Encadrement intérieur de même maroquin noir avec double-filet doré (reliure signée J. CONTE). Parfait état.

Nouvelle édition.

Tirage à 500 exemplaires.

Celui-ci, un des 425 exemplaires sur vélin teinté.

Il a été tiré 25 ex. sur Japon impérial et 50 exemplaires sur vélin de Hollande.


Le plus connu des poètes méconnus de la fin du siècle passé, Jules Laforgue (1860-1887), est mort à vingt-sept ans. Publiées en 1885, Les Complaintes constituent un des recueils majeurs de la modernité. En reprenant la forme de la complainte, si typique de la chanson populaire, triste certes, mais faussement naïve et volontiers goguenarde, Laforgue entend bien faire œuvre originale et se démarquer de poètes qu’il n’aime guère, tel Corbière. Et c’est précisément parce qu’elle est inclassable que sa poésie suscite des avis partagés. Si Gide et Malraux ont aimé Laforgue, les surréalistes l’ont boudé, le suspectant d’amitiés « réactionnaires ». Il faut ainsi, pour lire Laforgue, se passer de recommandation extérieure et simplement l’écouter, lui qui compare la musique des Complaintes à celle de « son congénère l’orgue de Barbarie ». (Présentation par Jean-Pierre Bertrand pour l'édition Garnier-Flammarion, 1997).


Laforgue est connu pour être un des inventeurs du vers libre, il mêle, en une vision pessimiste du monde, mélancolie, humour et familiarité du style parlé. Après ces études avortées (il a raté son oral de philosophie au baccalauréat en partie à cause de sa timidité maladive), il mène alors à Paris une vie relativement difficile. Il collabore en 1879 à sept livraisons de La Guêpe, revue éditée à Toulouse par les anciens lycéens de Tarbes, et y produit critiques et dessins légendés au ton moins comique qu'ironique, ainsi qu'au premier numéro de l'éphémère revue L'Enfer. Fin 1880, il publie ses trois premiers textes dans la revue La Vie moderne dirigée par Émile Bergerat qui lui en donne vingt francs. Par le biais de Paul Bourget, ami d'Amédée Pigeon, Jules trouva un poste de lecteur de l'impératrice allemande Augusta de Saxe-Weimar-Eisenach, princesse libérale et francophile, âgée de 71 ans et grand-mère du futur Kaiser Guillaume II. Il part le 18 novembre 1881 pour Berlin, juste au moment de la mort de son père, à l'enterrement duquel il ne put assister. Son travail consiste à lire à l’impératrice, deux heures par jour, les meilleures pages des romans français, et des articles de journaux comme ceux de la Revue des deux Mondes. Il s’agit d’un emploi rémunérateur, payé tous les trois mois, pour un total de 9 000 francs annuel, qui lui laisse du temps libre et lui permet de voyager à travers l’Europe. L'impératrice partait en villégiature de mai à novembre : Laforgue devait l'accompagner. Mais surtout, une fois cette « corvée impériale » effectuée, il se consacre à la lecture et achète de nombreux livres. Le soir, il va au cirque ou dans des cafés. En 1886, il quitte son poste de lecteur. En janvier de cette année-là, à Berlin, il avait rencontré une jeune Anglaise, Leah Lee (née le 9 avril 1861 à Teignmouth), qui lui donnait des cours d'anglais. Elle devient sa compagne, puis il l'épouse le 31 décembre à Londres. Il rentre alors à Paris. Son état de santé se dégrade rapidement : atteint de phtisie, il meurt le 20 août 1887 à son domicile du 8, rue de Commaille. Son épouse meurt du même mal l'année suivante.











"Permettez, ô sirène, 

Voici que votre haleine 

Embaume la verveine ; 

C’est l’printemps qui s’amène !"

(extrait de la Complainte des Printemps)

Superbe édition magistralement et profusément illustrée par Géo A. Drains (illustrateur d'origine belge ayant notamment illustré Sade "Le Bordel de Venise" sous le pseudonyme de Couperyn et les Gestes d'Alfred Jarry (1920). L'illustration à la fois puissante, mélancolique, étrange, mêlée d'érotique et d'humour, image parfaitement la poésie décadente de Laforgue.

J. Conte n'est pas référencé dans Fléty (Dictionnaire des relieurs de 1800 à nos jours). La reliure est fine et dénote un relieur habile utilisant des papiers et des cuirs de qualité. 

Références : "En français dans le texte", 313 ; Carteret, V, 117 "Edition estimée".



Magnifique exemplaire finement relié à l'époque.

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