Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone].
La Paysan perverti, ou les Dangers de la ville ; Histoire récente, mise au jour d'après les véritables lettres des personnages : Par N. Rétif de la Bretonne.
Imprimé à La Haye, et se trouve à Paris, La veuve Duchêne, libraire, Dorez, libraire, 1776 (en réalité plutôt 1778 ou 1780)
8 parties reliées en 2 volumes in-12 (17,7 x 10,7 cm) de (2)-VII-(1)-290, 316, 268 et 211 pages.
Reliure pastiche demi-veau caramel, dos lisses ornés aux petits fers dorés façon XVIIIe siècle, tranches rouges, doublures et gardes de papier marbré (reliure exécutée vers le milieu ou la fin du XIXe siècle). Légères et discrètes restaurations plus récentes. Intérieur très frais. A noter cependant que les feuillets pp. 97-120 de la partie VII présentent une ancienne mouillure dans la partie basse des feuillets (mouillure qui était présente sur les feuillets avant la reliure - probablement au moment de l'impression - en effet les feuillets paginés 96 et 121 sont exempt de toute trace de mouillure) - en fait c'est tout le cahier E et uniquement ce cahier qui a subi cette mouillure anciennement laissant une cicatrice brune. Le papier est néanmoins en très bon état dans ce cahier E. Minime mouillure angulaire du même type au cahier D de la partie V. Le reste de l'ouvrage est imprimé dans l'ensemble sur beau papier, avec quelques feuillets légèrement brunis cependant.
Nouvelle édition désapprouvée par Rétif de la Bretonne, probablement imprimée à Paris par le libraire toulousain Delaporte ou De la Porte tant houspillé par Rétif lui-même dans la Revue de ses ouvrages (1784).
Cette réimpression ou contrefaçon, comme l'appelle Lacroix, qui paraît être la quatrième édition de ce titre, aurait été donnée par un libraire de Toulouse (imprimeur à Paris), un certain De La Porte ou Delaporte (signalé par Rétif lui-même dans la Revue de ses ouvrages donnée en 1784). Elle contient 250 lettres et
se termine par les Statuts du Bourg d'Oudun, en 44 articles (sorte de projet d'établissement d'une société utopique en 44 articles concernant le mariage, la natalité, les enfants, les peines, la nourriture, les fêtes, la religion, les femmes, etc.). "Ce qui prouve la contrefaçon, c'est que le contrefacteur
a modifié un peu le système typographique de Restif, en
supprimant les traits d'union dans les mots composés et en changeant
l'accentuation. C'est sans doute cette contrefaçon que Restif
mentionne, en ces termes, dans une note imprimée au verso du
premier titre des Figures du Paysan perverti : ( La contrefaçon du
libraire Laporte est pleine de fautes et d'omissions. »" (P. Lacroix, p. 131).
Le Paysan perverti est aujourd'hui reconnu comme l'ouvrage le plus important de Rétif de la Bretonne et il fut en son temps aussi celui qui fit le succès de son auteur. Son style et son fond en font l'un des ouvrages du XVIIIe siècle précurseurs du genre naturaliste par bien des aspects. Avec le Paysan perverti de Rétif on est très loin des marivaudages creux et autres romans sans tenue de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Rétif insuffle à la psychologie des personnages une teneur inégalée alors. Le mode d'écriture épistolaire ajoute à l'intensité dramatique et ancre le tout dans la réalité non-romanesque. Avec ce long roman par lettres Rétif obtient la reconnaissance d'homme de lettres tant recherchée par lui depuis ses débuts en littérature en 1764 (La Famille vertueuse). Le Paysan perverti rapportera à Rétif, avec les rééditions, neuf mille livres, soit une dizaine d’années de son salaire à l’imprimerie quand il y était bien payé.
Le Paysan perverti a été publié pour la première fois en 1775 (sous la date de 1776, date que Rétif conservera pour toutes ses éditions du Paysan).
Né au sein d’une famille nombreuse, Edmond, fils de paysan, est envoyé par ses parents à la ville dans l’espoir de "parvenir" et de faciliter ainsi l’avenir de toute la famille. Enthousiaste, l’adolescent compte bien tirer profit de toutes les opportunités qui ne manqueront pas de se présenter à lui. Mais si la ville est le lieu de tous les possibles, elle est aussi celui de tous les dangers : la beauté inaccessible de Mme Parangon, les leçons du sulfureux Gaudet, les discours des femmes trop faciles, les mirages d’un orgueil que l’on ne combat plus, les belles promesses des pensées libertines… autant d’attirantes lumières qui éblouissent le naïf Edmond, et qui, s’il n’y prend garde, pourraient bien l’aveugler…"(extrait de la présentation de l'édition du Paysan perverti donnée par Norbert Crochet, 2016).
Il y a énormément de Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne dans Edmond, pour ne pas dire tout ! Sa venue à Auxerre en tant qu'apprenti imprimeur (Edmond est apprenti peintre dans une ville qu'on ne peine pas à reconnaître pour Auxerre). Son arrivée à Paris, ses illusions et ses désillusions, etc. Tout y est, fardé, changé, un peu, beaucoup ou à peine. Les lecteurs de son temps, eux, n'en savaient rien et lisaient le Paysan comme une jolie histoire véritable (ce qu'elle était presque entièrement).
Notre édition en 290, 316, 268 et 211 pages a la particularité suivante, qui semble-t-il, n'a à ce jour été relevée par aucun bibliographe. Le premier volume, qui contient les quatre premières parties, a une anomalie en cela qu'il manque les titres pour les "suite de la partie" I et IV. Au départ nous croyions à un manque (exemplaire incomplet des feuillets de titre qui devaient se trouver entre les pages 154 et 157 (seconde partie, tome I), entre les pages 142 et 145 (quatrième partie, tome II), car le feuillet manquant représente dans les deux cas une erreur de pagination que le feuillet de titre viendrait corriger. En examinant le deuxième volume on s'aperçoit que les titres des parties VI (suite du tome troisième) et VIII (suite du tome quatrième) sont bel et bien présents. Il nous aura suffit de comparer avec deux autres exemplaires (un autre exemplaire de la même édition en notre possession et un exemplaire numérisé en ligne) pour nous rendre compte que dans les deux cas les titres manquent au premier volume. Il s'avère donc que trois exemplaires sont composés de manière identique avec à chaque fois ce manque, ce qui ne peut constituer un hasard. Ces deux feuillets de titre manquent donc toujours, pensons-nous (jusqu'à ce qu'on nous montre le contraire), à cette édition. Ni Lacroix ni Rives-Childs n'avaient relevé cette particularité pourtant bien évidente.
Références : Paul Lacroix, Bibliographie des ouvrages de Rétif de la Bretonne, XIV, pp. 125-135, notre édition est (mal) décrite sous le n°4. Lacroix ne donne que 208 pages au dernier tome alors qu'il en faut 211, les pages 209 à 211 formant la Table du tome quatrième, septième et huitième partie (sans doute ces deux feuillets manquaient-ils à l'exemplaire consulté alors par Paul Lacroix) ; Rives-Childs, Bibliographie de Rétif de la Bretonne, XIV, pp. 226-239 (pour toutes les éditions du Paysan perverti). Rives-Childs décrit notre édition sous le n°3 (XIV) p. 234. Il indique bien les particularités typographiques de cette édition. Rives-Childs ne donne pas cette édition à l'imprimeur Delaporte.
Bel exemplaire.
Prix : 1.200 euros