Élisée RECLUS.
L'évolution, la révolution et l'idéal anarchique.Paris, Stock, 1898 (Imprimerie Générale A. Pichat à Châtillon-sur-Seine)
1 volume in-18 (19,5 x 13 cm) de 296 pages.
Reliure de l'époque demi-maroquin chocolat à larges coins, dos à nerfs orné aux petits fers dorés, tête dorée sur témoins, non rogné, plats et dos de couverture rouge imprimée conservés en parfait état. Excellent état de la reliure avec seulement quelques légers frottements sur les plats et aux mors. Intérieur très frais.
Édition originale.
Un des 10 exemplaires de luxe tirés à part sur papier de Hollande et numérotés à la presse.
" [...] l'on fait preuve d'ignorance en imaginant entre l'évolution et la révolution un contraste de paix et de guerre, de douceur et de violence. Des révolutions peuvent s'accomplir pacifiquement, par suite d'un changement soudain du milieu, entraînant une volte-face dans les intérêts ; de même des évolutions peuvent être fort laborieuses, entremêlées de guerres et de persécutions. Si le mot d'évolution est accepté volontiers par ceux-là même qui voient les révolutionnaires avec horreur, c'est qu'ils ne se rendent point compte de sa valeur, car de la chose elle-même ils ne veulent à aucun prix. Ils parlent bien du progrès en termes généraux, mais ils repoussent le progrès en particulier. Ils trouvent que la société actuelle, toute mauvaise qu'elle est et qu'ils la voient eux-mêmes, est bonne à conserver ; il leur suffit qu'elle réalise leur idéal : richesse, pouvoir, considération, bien-être. Puisqu'il y a des riches et des pauvres, des puissants et des sujets, des maîtres et des serviteurs, des Césars qui ordonnent le combat et des gladiateurs qui vont mourir, les gens avisés n'ont qu'à se mettre du côté des riches et des maîtres, à se faire les courtisans des Césars. Cette société donne du pain, de l'argent, des places, des honneurs, eh bien ! que les hommes d'esprit s'arrangent de manière à prendre leur part, et la plus large possible, de tous les présents du destin ! Si quelque bonne étoile, présidant à leur naissance, les a dispensés de toute lutte en leur donnant pour héritage le nécessaire et le superflu, de quoi se plaindraient-ils ? Ils cherchent à se persuader que tout le monde est aussi satisfait qu'ils le sont eux-mêmes : pour l'homme repu, tout le monde a bien dîné. Quant à l'égoïste que la société n'a pas richement loti dès son berceau et qui, pour lui-même, est mécontent de l'état des choses, du moins peut-il espérer de conquérir sa place par l'intrigue ou par la flatterie, par un heureux coup du sort ou même par un travail acharné mis au service des puissants. Comment s'agirait-il pour lui d'évolution sociale ? Évoluer vers la fortune est sa seule ambition ! Loin de rechercher la justice pour tous, il lui suffit de viser au privilège pour sa propre personne. [...]" (extrait du chapitre 1).
Communard militant et théoricien anarchiste, Elisée Reclus (1830-1905) participe au journal "Le Révolté" avec ses condisciples anarchistes Pierre Kropotkine et Jean Grave. Il fut par ailleurs un géographe renommé auteur de nombreux ouvrages estimés.
Ce volume fait partie de la Bibliothèque sociologique (n°19) de l'éditeur P.-V. Stock.
Ce volume fait partie de la Bibliothèque sociologique (n°19) de l'éditeur P.-V. Stock.
" [...] l'on fait preuve d'ignorance en imaginant entre l'évolution et la révolution un contraste de paix et de guerre, de douceur et de violence. Des révolutions peuvent s'accomplir pacifiquement, par suite d'un changement soudain du milieu, entraînant une volte-face dans les intérêts ; de même des évolutions peuvent être fort laborieuses, entremêlées de guerres et de persécutions. Si le mot d'évolution est accepté volontiers par ceux-là même qui voient les révolutionnaires avec horreur, c'est qu'ils ne se rendent point compte de sa valeur, car de la chose elle-même ils ne veulent à aucun prix. Ils parlent bien du progrès en termes généraux, mais ils repoussent le progrès en particulier. Ils trouvent que la société actuelle, toute mauvaise qu'elle est et qu'ils la voient eux-mêmes, est bonne à conserver ; il leur suffit qu'elle réalise leur idéal : richesse, pouvoir, considération, bien-être. Puisqu'il y a des riches et des pauvres, des puissants et des sujets, des maîtres et des serviteurs, des Césars qui ordonnent le combat et des gladiateurs qui vont mourir, les gens avisés n'ont qu'à se mettre du côté des riches et des maîtres, à se faire les courtisans des Césars. Cette société donne du pain, de l'argent, des places, des honneurs, eh bien ! que les hommes d'esprit s'arrangent de manière à prendre leur part, et la plus large possible, de tous les présents du destin ! Si quelque bonne étoile, présidant à leur naissance, les a dispensés de toute lutte en leur donnant pour héritage le nécessaire et le superflu, de quoi se plaindraient-ils ? Ils cherchent à se persuader que tout le monde est aussi satisfait qu'ils le sont eux-mêmes : pour l'homme repu, tout le monde a bien dîné. Quant à l'égoïste que la société n'a pas richement loti dès son berceau et qui, pour lui-même, est mécontent de l'état des choses, du moins peut-il espérer de conquérir sa place par l'intrigue ou par la flatterie, par un heureux coup du sort ou même par un travail acharné mis au service des puissants. Comment s'agirait-il pour lui d'évolution sociale ? Évoluer vers la fortune est sa seule ambition ! Loin de rechercher la justice pour tous, il lui suffit de viser au privilège pour sa propre personne. [...]" (extrait du chapitre 1).
Pierre Kropotkine, ami intime d’Élisée Reclus, qu’il a rencontré pour la première fois en 1877, le définit ainsi : « Type du vrai puritain dans sa manière de vivre et, au point de vue intellectuel, le type du philosophe encyclopédiste français du dix-huitième siècle ».
Bel exemplaire du rarissime tirage sur Hollande, ici agréablement relié à l'époque par Canape père.
Très rare dans cette condition.
Prix : 2.200 euros